Cet article date de plus de deux ans.

Vidéo Des hôpitaux victimes du "cartel du lino"

Publié
Temps de lecture : 3min - vidéo : 3min
l'oeil du 20h 24 novembre 2022
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions

Ces 30 dernières années, de nombreux hôpitaux français ont été rénovés… ou sont carrément sortis de terre. Pour habiller leurs sols, les établissements ont acheté des kilomètres de lino… L'œil du 20H vous raconte comment un simple revêtement conduit aujourd’hui beaucoup de nos hôpitaux à saisir la justice.

A l'hôpital de Crépy-en-Valois dans l’Oise, on trouve du lino partout ou presque: 8000m2 carrés de sol souple ont été achetés, notamment pour le bâtiment de l'EHPAD qui accueille des personnes âgées et dans lequel nous emmène Dominique Browne, responsable des services techniques. "Dans les chambres, c'est du revêtement souple avec les remontées de plinthes qui proposent quelque chose d’hygiénique et facile à nettoyer et on en retrouve aussi dans les salles de bains où on a un revêtement mural", explique-t-il. 

Mais aujourd'hui, l’établissement va poursuivre son fournisseur de lino en justice. Et il n’est pas le seul. Partout en France, plus de 300 hôpitaux, dont la moitié des CHU réclament réparation car entre 1990 et 2013, les 3 principaux fabricants de lino: Tarkett, Gerflor et Forbo sont accusés d’avoir formé un cartel. Ils auraient décidé de s'accorder pour se répartir le marché. Et ça c’est illégal selon l’Autorité de la concurrence qui dans un rapport, écrit:

Cette infraction complexe et continue a fait obstacle à la libre fixation des prix [...] La gravité des pratiques mises en œuvre résulte également de leur degré de sophistication

Autorité de la concurrence

L’entente des 3 fabricants était digne d’un polar: selon le rapport, ils se retrouvaient dans des hôtels… pour s’échanger des fichiers clients, s’accorder pour ajuster les prix et limiter la qualité environnementale des produits. Les membres du cartel avaient également dédié des lignes téléphoniques à leurs échanges secrets et se retrouvaient sous le nom de code « réunion 1,2,3 ».

Avant même que les hôpitaux ne saisissent la justice, l’Autorité de la concurrence avait déjà épinglés les entreprises de lino en 2017 en leur infligeant une amende de 302 millions d’euros. 

"Un certain nombre de reunions entre les trois concurrents ont consisté à déterminer une stratégie commune pour empêcher l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché et là le premier lésé c’est l’acheteur public, et donc in fine, le citoyen", décrypte Erwann Kerguelen, rapporteur général adjoint de l'autorité de la concurrence. 

Préjudice évalué à 1 million 170 000 euros pour l'hôpital de Crépy-en-Valois

A cause des pratiques de ce cartel, l'hôpital de Crépy-en-Valois estime qu’il a payé le lino trop cher, qu’il n’a pas eu accès aux produits de meilleure qualité… montant total du préjudice évalué par l’hopital: 1 million 170 000 euros.

"Cela représente près de 6 ans d’investissement chez nous. 6 ans d’investissement courant pour des réparations, des véhicules, du matériel hospitalier, des lits... C’est extrêmement important. S'il y a eu préjudice, on demande réparation", analyse le responsable des services techniques. 

Au total, les hôpitaux français réclament près de 400 millions d’euros aux géants du lino… nous avons contacté les 3 fabriquants qui n’ont pas souhaité faire de commentaire.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.