Infirmiers libéraux en colère : "Je travaille environ 50 heures par semaine, et je soigne 50 patients par jour"
La journée de travail d'Émilie Sehili démarre à 6h30 du matin, à l'heure où personne n'est bien réveillé et de bonne humeur. Sauf cette infirmière libérale : "On a l'habitude, c'est le démarrage de nos journées, cela peut même être pire, lance-t-elle dans un rire. Je ne finis pas si tard que ça, 18h". "Ah quand même", lui fait-on remarquer. "Ça ne va pas excéder trois jours d'affilée, mais c'est déjà pas mal, parce que cela fait trois fois 12 heures de travail".
Au volant de sa voiture, elle arrive au bout de quelques minutes devant le domicile du premier patient. Il est diabétique : contrôle de la glycémie, une injection, et Émilie Sehili est déjà repartie. Elle enchaîne les patients, six en une heure. "À tout à l'heure", dit-elle à l'une avec le sourire, "bon courage", lui lance une autre.
"C'est très sportif"
Les cages d'escalier, les digicodes, les cours d'immeubles, c'est la course. "Et ça va continuer comme ça toute la journée", dit-elle en démarrant à nouveau sa voiture. "Le fait de monter les escaliers à pied, parfois jusqu'au 6e étage, tous les jours, aller-retour et même parfois en passant plusieurs fois par jour chez un même patient, c'est très sportif", reconnaît Samantha Jean, élève infirmière qui accompagne ce jour-là Émilie Sehili dans sa tournée.
Il est 8 heures du matin, le jour n'est pas encore levé, et l'on arrive chez une nouvelle patiente. "J'aime beaucoup cette heure où la vie commence dans les rues de Gennevilliers. On croise les enfants qui vont à l'école. C'est plus difficile à supporter le week-end.
"Le dimanche, nous les infirmiers libéraux, on se sent vraiment seuls. Il n'y a que nous dans les rues, avec les éboueurs et les femmes de ménage".
Émilie Sehilià franceinfo
Entre deux patients, Emilie Sehili fait un point sur sa rémunération. "Pour une injection simple, je vais gagner 7 euros bruts. Pour calculer le net, après avoir ôté les charges, il faut diviser par deux. Soit 3,50 euros. Pour un pansement, ce sera 6,30 euros sans le déplacement. Donc avec la patiente à qui je viens de faire un pansement, j'ai gagné à peine 3,15 euros nets. Alors que je suis restée chez elle 20 minutes". Ces actes n'ont pas été revalorisés depuis 15 ans. "J'arrive à me payer 2 500 euros par mois. Certes, on gagne bien notre vie, mais il faut le rapporter au prorata des heures travaillées sur le terrain. Je travaille environ 50 heures par semaine, et je soigne 50 patients par jour".
Si Émilie Sehili a la forme aujourd'hui, elle assure qu'elle n'arrivera pas jusqu'à la retraite, 67 ans. "Mes articulations ne tiendront pas 20 ans de plus", dit-elle. Elle songe déjà à une reconversion.
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