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Rapport sur le Levothyrox : "L'ANSM est à la fois juge et partie dans cette affaire", selon une association de malades

Philippe Sopena, conseiller médical de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) a réagi, vendredi sur franceinfo, aux conclusions de l'Agence nationale de médicament (ANSM) sur le passage à la nouvelle formule.

Article rédigé par franceinfo
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Le siège de l'Agence nationale de sécurité du médicament, le 17 octobre 2017 à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

Alors que l'Agence du médicament (ANSM) a publié, jeudi 13 juin, son rapport définitif sur le Levothyrox, concluant que le passage à la nouvelle formule n'a pas provoqué de "problèmes de santé graves", y compris chez ceux qui se sont tournés vers les alternatives à ce médicament pour la thyroïde. Philippe Sopena, médecin généraliste, conseiller médical de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) se dit, vendredi, sur franceinfo, "pas très étonné de ces conclusions".

Cette étude a permis d'analyser le nombre de décès, d'hospitalisations et d'arrêts de travail d'au moins sept jours, ainsi que la consommation de médicaments entre avril et juin 2017 (à l'arrivée de la nouvelle formule) en les comparant à la période d'avril à juin 2016 pour les patients prenant l'ancienne formule (AF). L'étude n'a pas mis en évidence d'augmentation de problèmes de santé graves (décès, hospitalisations, arrêts de travail...) ni de consommation de médicaments destinés à traiter des symptômes déclarés (antidouleurs, corticoïdes, antimigraineux, antivertigineux, antidiarrhéiques...) en lien avec le passage à la nouvelle formule (NF) du Levothyrox en France.

franceinfo : Comment réagissez-vous à ce rapport de l'ANSM ?

Philippe Sopena : Nous en sommes pas très étonnés, parce que l'ANSM est à la fois juge et partie dans cette affaire. Elle a décidé ce changement de médicament pour des raisons qu'elle n'a d'ailleurs jamais expliqué. Elle est donc promoteur de ce médicament. Dire qu'il y avait quelque chose, c'était dire qu'elle s'était trompée. Elle est présidée par un énarque psychiatrique [Dominique Martin, diplômé de l'ENA et docteur en médecine], ce qui vous rend compte de la difficulté à reconnaître ses erreurs.

Est-ce que la parole des victimes est à nouveau minimisée, selon vous, voire laissée de côté ?

Complètement. En plus, ce sont des femmes, pas de chance ! 85% de femmes, plus de 60 ans : typiquement le genre de personnes qui ne sont pas branchées sur internet, que l'on n'écoute pas. Cela faisait trente ans que l'on avait un médicament qui fonctionnait merveilleusement bien avec zéro plainte. On avait régulièrement à réguler un peu, augmenter ou baisser de 25 microgrammes pour maintenir un équilibre : l'hormone thyroïdienne est un genre de thermostat de l'organisme, parfois il faut l'augmenter, parfois le baisser.

Qu'est-ce qui a changé chez les patients depuis le changement de formule ?

Ce qui est extraordinaire, c'est que l'on a fait une expérimentation grandeur nature : on a changé ce médicament pratiquement sans prévenir les médecins et absolument sans prévenir les malades, brutalement, au 1er avril 2017. Les boîtes de médicaments ressemblaient aux autres, il fallait vraiment une loupe pour voir la différence. On s'est dit "personne ne s'en rendra compte", parce que, dans tous les autres pays où on a brutalement changé la lévothyroxine, il y a eu des problèmes. Ils se sont dits "si on le fait clandos, ça va passer en douce". Et puis ça ne s'est pas passé comme ça. Nous sommes aujourd'hui à probablement un million de patients, sur trois millions qui la prenaient, qui ont abandonné la nouvelle formule. C'était des gens qui prenaient ce traitement depuis 30 ans, 15 ans, 5 ans… Ce n'était pas facile de trouver des alternatives. S'ils ont cherché à prendre autre chose, c'est qu'ils n'étaient pas bien.

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