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Confinement : baisse de 30 à 40% du trafic de drogue, "c'est mécanique" affirme un expert

Pour le journaliste et écrivain Frédéric Ploquin, le ralentissement de l'activité globale en France a entraîné une baisse de la circulation de la drogue et "un début de pénurie".

Article rédigé par franceinfo
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Image d'illustration, Paris, 2017.  (ALAIN JOCARD / AFP)

Le trafic de drogue a diminué de 30 à 40% pendant le confinement. "En fait de magie, c'est mécanique", explique Frédéric Ploquin, journaliste, écrivain et documentariste, auteur de "La PJ : le temps béni des flics". Selon lui, la baisse d'activité globale en France a entraîné, de fait, une baisse de la circulation de la drogue et "un début de pénurie".

franceinfo : Qu'est-ce qui a le plus freiné le trafic de drogue durant le confinement ?

Frédéric Ploquin : On pourrait dans un premier temps se dire "c'est magique" : on a créée un nouveau service de lutte contre les stupéfiants, l'Ofast (NDLR : office anti-stupéfiant) il y a quelques mois, on a nommé une nouvelle patronne, Stéphanie Charbonnier et hop, moins 30% de trafic. En fait, c'est mécanique. Le trafic de stupéfiants est une économie totalement mondialisée, le produit circule en permanence par bateau, par voiture, par camion, par avion. Comme tout le monde a pu le constater, il y a moins d'avions dans le ciel, moins de bateaux dans les ports, moins de voitures sur les routes qui franchissent les frontières. De ce fait, il y a moins de produit en circulation. Il y a donc eu un début de pénurie, du moins au départ, qui s'est traduit par une augmentation des prix. Alors ce n'est pas le prix de la barrette de shit qui augmente, elle est toujours à 10 ou 20 euros, mais il y a moins de produit à l'intérieur, et ça c'est un signe qui ne trompe pas. Quand les prix sont stables, c'est que le produit ne manque pas et c'est pareil pour la cocaïne. Quand les prix montent, ce qui est extrêment rare et ne s'est pas produit depuis des années en France, ça signifie une forme de pénurie.

Le trafic évolue en se réinventant, qu'est-ce qui vous a le plus surpris durant cette période de confinement ?

Ce qui ne m'a pas beaucoup surpris, c'est que les clients ne pouvaient pas se déplacer. Comme vous et moi, ils étaient confinés donc c'était compliqué. Pour aller sur un point de deal en période de confinement et risquer de se faire contrôler dix fois plus que la normale, il faut être un peu dingue ou complètement accro. Il y en a beaucoup qui ont dû renoncer et on a vu les trafiquants se réinventer. C'est dans les gènes du trafic de stupéfiants. Ils ont toujours un temps d'avance sur la police et sur la technologie, ils maîtrisent tout. On a vu une distribution se dessiner par les réseaux sociaux, Snapchat notamment, et une espèce d'acheminement. Si le client ne vient pas au produit, c'est le produit qui va au client. Et ce qu'on a vu pendant le confinement, c'est par exemple des dealers se faire passer pour des ambulanciers, d'autres pour des livreurs de pizzas, le principe étant de sécuriser le client. Lui dire : "Vas-y, tu peux commander, ne t'inquiète pas, je viens te livrer le produit jusqu'à chez toi". On a une espèce d'amenuisement et de disparition des "grandes surfaces" ou "supermarchés de la drogue" où il faut aller se garer devant, prendre le métro, ce qui n'était pas possible. 

Depuis lundi on voit de nombreuses opérations anti-stupéfiants, est-ce que cela veut dire que le trafic a repris aussi vite qu'il s'était arrêté ?

Paradoxalement, les trafiquants ont tellement d'imagination que le produit n'a jamais complètement disparu. La preuve, il y a eu une grosse saisie à Lyon ces jours-ci dans des camions qui arrivaient d'Espagne. Des camions de salades avariées avec plus de 600 kilos de cannabis. Le produit a continué à venir en moindre part. Je pense que dans les jours qui viennent, les policiers de la brigade antistupéfiants vont être aux aguets parce qu'il va falloir reformer les stocks. Ils sont vides. Ce n'est pas un commerce où l'on stocke beaucoup, car plus vous stockez, plus la peine encourue en justice peut être lourde au moment de la saisie. Et ce vendredi matin, la patrone de l'Ofast a livré un chiffre intéressant : il y avait 10 jours de stockage. Au bout de 10 jours il n'y a plus rien, c'est un commerce à flux tendu.

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