Confinement : "Les femmes connaissaient la double journée de travail et maintenant on doit cumuler avec l'école à la maison", avertit l'association Osez le féminisme
La porte-parole de l'association Osez le féminisme dénonce "une forme de régression" dans l'égalité entre les femmes et les hommes en cette période de confinement.
Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l'épidémie de coronavirus. Une situation qui creuse de nombreuses inégalités, notamment entre les hommes et les femmes, et que le déconfinement ne va pas régler. Pour Céline Piques, porte-parole de l’association Osez le féminisme, invitée lundi 4 mai sur franceinfo, "il y a une forme de régression" avec "une triple journée". "Les femmes connaissaient la double journée de travail. [...] Et maintenant on doit cumuler avec l'école à la maison", précise-t-elle.
franceinfo : Peut-on parler aussi d'une régression avec le confinement ?
Céline Piques : Je pense qu'il y a une régression parce qu'on connaissait, nous les femmes et en particulier les mères, la double journée de travail. C'est-à-dire cumuler le travail d'un côté, puisque l'essentiel des femmes en France travaillent, et le travail domestique et parental. Et maintenant, on doit cumuler avec l'école à la maison, tâche extrêmement compliquée. Quand on regarde un certain nombre de retours des professeurs ou des maîtres et maîtresses d'école, on voit que la grande majorité des contacts parentaux avec les professeurs, ce sont les mères plutôt que les pères. Donc les femmes sont en première ligne à la maison, à assurer une triple journée. Et que va-t-il se passer après le 11 mai ? On sait que tous les enfants ne pourront pas retourner à l'école. Qui va se dévouer pour les garder ? J'ai bien peur qu'il y ait un retour des hommes au travail et un retour bien moindre des femmes au travail. On a déjà des indicateurs qui montrent l'inégalité et la difficulté des femmes à négocier face à leur conjoint. Et elles sont aujourd'hui les grandes perdantes de ce cumul, de ce triple cumul de tâches et elles sont pour beaucoup épuisées après deux mois de confinement.
Comment vous expliquez justement que ce déconfinement soit peut être plus difficile pour les femmes que pour les hommes?
Je pense qu'il y a un rapport de force très inégal encore à l'intérieur des couples et c'est quelque chose qu'on ne pense pas suffisamment. Par exemple, en tant que mère, j'ai reçu un courrier de mon école qui me dit : 'les enfants seront présents à l'école, si aucun des deux parents n'est vraiment en capacité de garder les enfants'. Mais personne n'intervient jamais dans le choix qui est fait entre le père et la mère pour garder l'enfant. On est donc dans le huis clos familial. Notre souhait aujourd'hui, c'est d'arrêter d'invisibiliser ce travail. Car ce travail, quand il est invisible et gratuit, il est très souvent déconsidéré dans notre société. Les femmes au foyer par exemple, sont souvent l'objet d'un grand mépris, on pense qu'elles ne font pas grand chose de leur journée alors que c'est un travail extrêmement fatigant et exténuant. On a des retours de beaucoup de femmes qui sont extrêmement, extrêmement furieuses parce que cette négociation à l'intérieur du couple leur a été très défavorable et qu'elles n'arrivent pas du tout à mettre leur conjoint au travail, tout simplement. Elles se retrouvent à faire l'essentiel des tâches domestiques, parentales, la classe à la maison, y compris quand les deux conjoints sont tous les deux en télétravail. On voit effectivement que les femmes en font plus.
Pendant cette crise sanitaire, on a vu que les salariés de la première ligne, étaient souvent des salariées, ça a peut être rendu plus visible tout un pan du travail féminin ?
Oui, les infirmières sont à 87% des femmes, les aides-soignantes à 91%, les aides ménagères à 97% et les caissières à 76%. Donc, on est vraiment dans des métiers très féminisés. Et à partir du moment où ce sont des métiers qui sont essentiels à la société, - comme éduquer, soigner, assister, nettoyer ou servir -, ce sont des femmes qui le font. Ce sont des métiers dont on n'a pas pu se passer pendant la pandémie. Elles ont assuré alors qu'elles étaient en première ligne. Malheureusement, ce sont des métiers qui sont largement sous-payés et sous valorisés. Donc ce que nous, féministes, demandons aujourd'hui, c'est la revalorisation de ces métiers. Que la crise permette au moins de mettre en lumière le travail domestique et parental, gratuit et invisibilisé des femmes à la maison. On a lancé une pétition, écrite par deux chercheuses : Rachel Silveira et Séverine Lemière. Elles prouvent dans leurs recherches, que ces métiers féminisés dont nous avons besoin, sont largement sous-payés par rapport à des métiers au niveau de compétences comparables, qui sont masculins majoritairement.
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