Covid-19 : "Il faut tester massivement, et je n'ai rien entendu en ce sens", critique l'épidémiologiste Catherine Hill
Selon l'épidémiologiste, il faut notamment tester le personnel des EHPAD très régulièrement.
"Il était plus que temps de confiner, mais ce n'est pas la seule solution, il faut tester massivement, et je n'ai rien entendu en ce sens", critique mercredi 28 octobre sur franceinfo l'épidémiologiste Catherine Hill, après l'annonce le même soir par Emmanuel Macron d'un reconfinement du pays à partir de la nuit de jeudi 29 à vendredi 30 octobre, jusqu'au 1er décembre au moins.
Ce reconfinement, c'était la seule possibilité au vu de la situation sanitaire du pays ?
Catherine Hill. Certainement, et ça arrive tard car le nombre d'hospitalisations chaque jour est plus grand que quand on a confiné la première fois. La situation est vraiment très très mauvaise, il était plus que temps de confiner, mais ce n'est pas la seule solution : confiner seulement, ce n'est pas suffisant, il faut tester massivement et je n'ai rien entendu en ce sens. Les cas qu'on trouve ne sont qu'une petite fraction des cas. On a trouvé 50 000 cas dimanche, mais en réalité, si on avait testé tout le monde en France, on aurait probablement trouvé 200 000. Il y a probablement au moins 200 000 personnes qui sont positives en même temps dans le pays. Donc cet indicateur du nombre de cas positifs qu'on a trouvés, ça n'est pas du tout la circulation du virus. On recherche les cas contacts de ces gens-là, mais ça ne sert à rien parce qu'il y en a plein d'autres. Pour chaque cas qu'on trouve, il y en a trois qu'on ne trouve pas qui contaminent autour d'eux. Donc, il faut tester massivement la population. Et ça, ça veut dire faire plutôt 30 millions de tests par semaine que 1 ou 2 millions, donc on est très, très loin du compte, et ça sauverait l'économie en même temps. Par ailleurs, on peut trouver assez choquant qu'on utilise des tests antigéniques pour tester les gens qui arrivent à la frontière et qu'on n'utilise pas ces tests pour empêcher le virus de rentrer dans les Ehpad. On parle de protéger les personnes âgées, il continue à y avoir des contaminations dans les Ehpad. Il faut tester le personnel toutes les semaines et les gens qui arrivent quand ils rentrent dans les Ehpad. Le virus ne doit pas rentrer dans les Ehpad.
Les tests antigéniques, c'est ce qui pourrait permettre de tester davantage et plus efficacement ?
C'est plus rapide, mais il n'en faut pas 5 millions, il en faut 50 millions, on est complètement sous-dimensionnés. Le virus circule et le virus va continuer à circuler dans les écoles et dans les transports, avec les travailleurs essentiels. Donc, quand on va arrêter le confinement, on va se retrouver à la même case qu'à la fin du premier confinement. Si on veut s'en sortir, il faut tester beaucoup, beaucoup, beaucoup plus et beaucoup plus rapidement pour trouver tous ces porteurs asymptomatiques qui contaminent autour d'eux et qu'actuellement, on ne trouve pas. En ce moment, on prend les cas symptomatiques, on attend qu'ils aient les symptômes, qu'ils aient été testés, en général trois jours après les symptômes. Donc, on est déjà à huit jours après les symptômes et ensuite on leur donne les résultats encore 2 jours après, on leur dit qu'ils sont contagieux au moment où ils ne sont plus contagieux. Ça ne sert à rien. Il faut tester massivement et c'est la seule solution. On ne va jamais s'en sortir autrement. Nous sommes un pays riche, il y a assez d'argent. Il faut réquisitionner les laboratoires, il faut mettre toute l'énergie qu'on met à trouver les contacts, ce qui ne sert à rien, à organiser un dépistage de masse pour tout le monde et c'est comme ça qu'on s'en sortira.
Le chef de l'Etat a reconnu qu'on était submergé par ce virus, et que la stratégie, le triptyque tracer-tester-isoler avait montré ses limites, qu'on n'avait pas su l'appliquer complètement et totalement pour qu'il soit efficace. Il faut remettre en cause ou pas cette stratégie ?
Cette stratégie ne va pas du tout. On part des cas symptomatiques, on les trouve beaucoup trop tard et ensuite, on recherche leur contact aussi beaucoup trop tard. Pour quatre cas qu'on trouve en ce moment, il y en a un seul qui est un contact d'un cas connu. Ça veut dire que l'essentiel de la circulation du virus échappe à notre surveillance, on ne comprend pas comment le virus circule. Donc, ça sert à rien de s'intéresser au quart qu'on connaît, il faut s'intéresser à tout le monde, il faut trouver tous les cas, et pour ça il faut tester tout le monde. La vacherie de ce virus c'est qu'il circule à travers des asymptomatiques qui ne se savent pas qu'ils sont contagieux et qui contaminent autour d'eux. C'est comme ça que le virus circule. Le deuxième problème, c'est que tout va très vite, la plupart des gens sont contagieux seulement pendant dix jours. Si on leur dit le dixième jour : "Ah vous avez eu le Covid", ça ne sert plus à rien pour protéger autour d'eux. Ca ne marche pas, cette stratégie n'est pas bonne. Le confinement est une mesure de dernier recours mais il doit s'accompagner d'un dépistage massif et je ne vois pas ça dans les tablettes, et je trouve ça vraiment désolant parce que la situation va être très, très, très difficile. Pour passer de 50 000 cas par jour à 5 000, il suffit de tester moins. C'est un très mauvais indicateur. Le bon indicateur, c'est combien de gens arrivent tous les jours en réanimation ? Combien de gens arrivent tous les jours à l'hôpital ? Et combien de gens meurent tous les jours ? Ca ce sont les bons indicateurs. Le nombre de cas qu'on trouve, ça dépend de combien on cherche, et aujourd'hui on ne cherche pas très bien mais on en trouve beaucoup, et il y en a énormément plus.
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