Covid-19 : une dérogation pour se déplacer, le passe-droit promis aux enseignants qui acceptent d'accueillir des enfants de soignants
Plusieurs académies ont envoyé une note dans laquelle est proposée une dérogation pour le personnel enseignant qui prendra en charge des enfants de "travailleurs essentiels" cette semaine. Ces enseignants pourront ensuite rejoindre une autre région pour les vacances, comme bon leur semble.
Une dérogation pour passer outre les restrictions de circulation entre régions. Voici la faveur que proposent plusieurs académies à certains enseignants, à une condition : qu'ils se soient portés volontaires, dès le mardi 6 avril, pour assurer l'accueil des enfants de travailleurs dits "essentiels", après la fermeture des établissements scolaires pour lutter contre la circulation de l'épidémie de Covid-19.
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Cette initiative a choqué beaucoup d'enseignants, dont Christophe, professeur des écoles à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), qui a partagé la semaine dernière sur les réseaux sociaux un extrait des dispositions envoyées par le rectorat de Créteil.
Pas une prime, non (lors du 1er #confinement ceux-ci n’ont rien touché pour la plupart, malgré les promesses). Non, l’Inspection propose de donner aux volontaires une #attestation dérogatoire leur permettant de partir en vacances dans la région de leur choix la semaine prochaine.
— Remedium (@RemediumTimoris) April 2, 2021
"J'ai reçu vendredi en fin de journée ce mail, comme tous les autres enseignants de l'académie. L'information avait déjà commencé à circuler, mon directeur d'école en avait été informé plus tôt lors d'une réunion avec l'inspection académique", explique-t-il. Des mesures identiques ont été prises dans l'académie d'Orléans-Tours, selon une circulaire qu'a pu consulter franceinfo, et dans celle de Versailles, où les services l'indiquent publiquement sur leur site internet.
Une dérogation "pour rejoindre un lieu de villégiature"
Dans le mail rédigé par les services académiques de Créteil, que franceinfo a pu se procurer, une simple phrase précise au personnel enseignant la contrepartie dont ils pourraient bénéficier s'ils acceptent d'accueillir des enfants durant cette semaine de cours : "Les personnels volontaires bénéficieront d’une dérogation aux règles de limitation des déplacements pour pouvoir rejoindre en fin de semaine un lieu de villégiature pour les congés de printemps."
Une initiative prise alors que l'académie de Créteil regroupe les établissements de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, des départements où le taux d'incidence dépasse actuellement 700 cas pour 100 000 habitants.
"J’étais un peu blasé à la réception de ce mail. Il y a un sentiment de mépris, on jette aux enseignants quelque chose, bien en deçà des promesses du gouvernement."
Christophe, enseignant en Seine-Saint-Denisà franceinfo
L'académie de Créteil avance auprès de franceinfo que cette dérogation résulte d'une "mesure nationale adoptée en cellule interministérielle de crise". Les enseignants auront le droit à "une justification de leur académie pour rejoindre leurs familles dans les congés de printemps", comme les autres professeurs des écoles ont pu le faire durant le week-end de Pâques, précise le rectorat. La mesure "concerne notamment les professeurs d'Ile-de-France".
Ces enseignants volontaires devront, en plus de l'accueil des élèves qu'ils assurent en présentiel, dispenser leurs cours à leur classe habituelle, mais à distance. "La consigne de base est de ne pas faire les deux mais, dans les faits, nos élèves ont besoin d'aide, ils ont des questions, donc c'est compliqué de faire autrement."
Un "déni des contaminations à l'école"
"L'expression 'lieu de villégiature' a beaucoup choqué, reconnaît Christophe. On nous parle comme si on avait des résidences secondaires, c'est totalement hors-sol. Ça reste un avantage pour ceux qui viennent d’une autre région, c'est certain. En région parisienne, il y a de nombreux 'célibataires' géographiques", complète l'académie de Créteil, c'est-à-dire des personnes qui travaillent dans une région différente de leur conjoint.
"On ne nous propose pas de vaccination, juste un papier pour accepter de prendre des risques", s'alarme le professeur des écoles, alors que Jean-Michel Blanquer a fixé le "courant du mois d'avril" comme objectif de début de vaccination du corps enseignant. "Il y a un refus obstiné de placer les enseignants en public prioritaire de la vaccination, un déni des contaminations à l’école. Dans mon école, deux classes ont dû fermer. Dans celle d'à côté, ce sont sept classes", poursuit l'enseignant de CM2. Dans l'académie de Créteil, l'une des plus touchées par l'épidémie, 16 établissements et 2 198 classes étaient fermés au 1er avril, selon les derniers chiffres communiqués par le ministère de l'Education nationale.
La suite de la note de l'académie détaille d'autres aspects qui devront être pris en compte pour l'accueil des enfants, comme le protocole sanitaire ou les déclarations de cas contact. Mais cela reste trop faible pour l'enseignant de région parisienne. "En école, le protocole sanitaire, c'est d'ouvrir les fenêtres", déplore Christophe, également auteur de bandes dessinées dans lesquelles il tente de dénoncer les travers de l'Education nationale. Et impossible de subordonner l'accueil d'un élève à la preuve d'un test négatif. Depuis le début de crise sanitaire, une simple attestation "sur l'honneur" des parents d'une absence de symptômes de leur enfant suffit pour permettre son accueil dans son établissement scolaire.
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