Coronavirus : craignant un "contre-coup" après le confinement, des médecins rappellent qu'il faut consulter aussi pour d'autres pathologies
Aux urgences ou dans les cabinets de ville, des médecins reçoivent peu de malades pour d'autres motifs qu'une suspicion d'infection au coronavirus. Ils redoutent des retards de diagnostic et une surmortalité.
Où sont passés les malades ? Alors que l'épidémie de Covid-19 sévit en France, de nombreux médecins notent une réduction drastique des consultations pour d'autres motifs que la suspicion de coronavirus. "Normalement, presque 50% de notre activité est liée aux douleurs thoraciques et abdominales. Là, on ne sait pas où sont passés ces patients…", s'inquiète auprès de franceinfo Patrick Pelloux, médecin urgentiste à Paris et président de l'Association des médecins-urgentistes de France. Même constat pour Pierre Guédin, radiologue spécialiste des accidents cardio-vasculaires (AVC) à la clinique des Cèdres à Toulouse (Haute-Garonne), qui constate que "les actes d'urgence ont diminué de moitié au minimum".
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Il n'y a pas qu'aux urgences que les patients semblent avoir disparu. "Tous les confrères constatent une baisse des consultations, c'est unanime", annonce aussi Jacques Battistoni, généraliste près de Caen (Calvados) et président du Syndicat des médecins généralistes de France, qui note que son cabinet fonctionne "à 50% de l'activité habituelle, voire moins".
En cause : la crainte de se rendre en cabinet ou à l'hôpital, "car on peut y attraper le coronavirus", et "la peur de déranger" des soignants déjà très occupés par l'épidémie, suppose Patrick Pelloux. Certains malades ont aussi parfois l'assurance que leurs symptômes "peuvent attendre", alors que le Premier ministre Edouard Philippe a demandé lundi 23 mars que seuls "les soins urgents ou les soins qui répondent à une convocation d'un médecin" soient maintenus.
La crainte des "retards de diagnostic"
Sans contester la nécessité d'avoir reporté les rendez-vous non urgents, les professionnels de santé alertent sur le besoin de maintenir certains soins. "Il y a des urgences dans tous les domaines de spécialité", avance Isabelle Gallay, dermatologue à Dijon (Côte-d'Or) et vice-présidente du Syndicat national de dermatologie-vénérologie. "On peut très bien avoir un grain de beauté qui inquiète, il ne faut pas que le patient reste avec son doute et une lésion qui n'est pas belle", avertit-elle.
"Beaucoup de pathologies chroniques comme le diabète, les insuffisances cardiaques, coronariennes ou respiratoires peuvent s'aggraver si elles sont mal surveillées", rappelle aussi Jacques Battistoni, alors que l'autorisation faite aux pharmacies de renouveler les traitements chroniques sans nouvelle ordonnance dissuade certains malades de retourner consulter.
Pour beaucoup de personnes, la suspension sine die du suivi médical est une situation dangereuse.
Jacques Battistoni, généralisteà franceinfo
"Ce qui n'est pas 'urgent urgent' selon un patient ne peut pas forcément être remis à trois mois", note par ailleurs le médecin généraliste, qui craint un "retard de diagnostic" qui pourrait avoir de graves conséquences dans certains cas. Christophe Prudhomme, porte-parole des Médecins urgentistes de France craint lui aussi "le contre-coup" de "ceux dont on a repoussé la prise en charge", citant par exemple le cas des patients atteints de cancers, dont la chimiothérapie a été repoussée. "Avec la levée du confinement, on risque de constater une surmortalité des patients n'ayant pas réussi à joindre le Samu ou n'ayant pas osé l'appeler", s'alarment Patrick Pelloux et Pierre Guédin.
Quand on fera le décompte des morts non liés au Covid-19, on peut craindre une hécatombe.
Pierre Guédin, radiologueà franceinfo
Avec la peur et les contraintes du confinement, "les parents ne se présentent plus aux consultations obligatoires de pédiatrie et aux différentes vaccinations obligatoires", affirme la pédiatre Mariam-Natacha Haidara, qui exerce à Paris et à la Croix-Rouge "Si la couverture vaccinale n'est pas assurée dans sa continuité", cela pourrait conduire "dans les mois à venir, à la recrudescence de maladies bien contrôlées jusqu'ici sur le territoire", comme la rougeole, la coqueluche ou la méningite, assure encore la pédiatre, face aux rendez-vous manqués.
"Appeler son médecin ne veut pas dire le gêner"
Pour tenter de limiter ces risques, les professionnels interrogés par franceinfo conseillent de ne pas hésiter à "appeler son médecin traitant" dès lors que l'on est suivi pour une maladie chronique ou que l'on constate l'arrivée de symptômes, et "le 15 dans les cas urgents". "Appeler son médecin ne veut pas dire le gêner", rappelle Jacques Battistoni. Une pratique d'autant plus conseillée que "la plupart des choses sont réalisables en téléconsultation", assure le généraliste.
Pour ceux qui ne pourraient pas consulter leur médecin via internet, les professionnels de santé sont nombreux à avoir adopté des mesures pour réduire les risques de contamination. "On évite que les patients se côtoient, on porte un masque et une blouse de protection, on met à disposition du gel hydroalcoolique", énumère Jacques Battistoni. En cas de visite physique, n'oubliez néanmoins pas de vous munir de l'autorisation de "déplacement dérogatoire", sous peine de recevoir une amende de 135 euros.
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