Coronavirus : les réponses du ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer à vos questions
Le ministre de l'Éducation nationale était l'invité de franceinfo dimanche. Il a répondu aux questions des internautes, auditeurs et téléspectateurs de franceinfo sur les conséquences pratiques de l'épidémie de coronavirus.
De nombreuses questions se posent après les dernières mesures prises par le gouvernement pour juguler l'épidémie de coronavirus Covid-19.
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Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, était l'invité de franceinfo dimanche 15 mars, il a répondu en direct aux questions posées par les internautes, auditeurs et téléspectateurs de franceinfo, notamment à propos de la fermeture de tous les établissements scolaires à partir de lundi 16 mars.
On parle de "service minimum" de l'éducation pour les enfants des personnels soignants. Est-ce que tous pourront être accueillis dès lundi ?
Jean-Michel Blanquer : C'est notre objectif. Il n'y aura jamais la perfection absolue, mais l'objectif est bien celui-ci, que les personnels concernés par la crise sanitaire puissent laisser leurs enfants, pour éviter la paralysie, notamment des hôpitaux. Cela signifie des petites classes de huit à dix élèves, adaptées, parfois de multi-niveaux. Nous ne parlons que d'écoles primaires et de collèges. Les lycées ne sont pas concernés, parce qu'on considère qu'un lycéen peut se garder lui-même, si je puis dire.
Notre appel est un appel au civisme : si un personnel soignant a un conjoint qui peut garder l'enfant, nous lui demandons de ne pas l'emmener. C'est vraiment un service de base, pour ceux qui ne peuvent pas faire autrement. Pour les repas, il sera demandé aux parents d'amener une boîte pour le déjeuner, puisque les services de cantine vont être interrompus dans l'immense majorité des cas. Le nombre de professeurs pour garder ces enfants sera également limité.
Les professeurs doivent-ils venir dans leur établissement ou faire du télétravail ?
Dans chaque cas, c'est le chef d'établissement ou le directeur ou la directrice sont en situation de piloter qui vient et qui ne vient pas. Les choses vont se passer sur un mode consensuel, un professeur qui explique à son chef d'établissement qu'il a un problème de garde d'enfant, ceux qui sont malades, ceux qui sont à grande distance, ne viendront pas. Le chef d'établissement ne fera venir que le strict minimum, le but n'est pas de faire venir qui que ce soit, pour le principe de venir, certainement pas.
Dans la quasi-totalité des cas, les professeurs qui seront présents lundi le seront parce qu'ils le veulent bien, sur la base du volontariat. Je fais confiance au professionnalisme des chefs d'établissement, pour faire ça de manière consensuelle localement, jamais de décision absurde, jamais ne faire venir quelqu'un pour le principe de le faire venir.
Que faire pour les familles qui n'ont pas d'équipement informatique pour faire l'école à distance ?
Souvent ces dernières années, les collectivités locales ont fait beaucoup d'efforts pour les établissements en matériel informatique, et parfois les élèves eux-mêmes. Aujourd'hui on considère que 95% des élèves sont équipés au travers de leur famille ou de leur établissement. Pour les 5% restants qui n'ont pas d'équipement, nous voulons les équiper aussi, c'est l'une des raisons pour lesquelles il y a une permanence dans les établissements scolaires. Un parent peut tout à faire venir chercher une tablette.
La situation va être différente d'un endroit à un autre, nous sommes en train de nous organiser, ça ne va peut-être pas se passer dès lundi. Mais ce qui est important, c'est le contact personnalisé avec le chef d'établissement. Peut-être que dans tel endroit, on dira 'attendez, ce sera possible dans plusieurs jours'. Et parfois, quand la question informatique ne pourra être résolue à court terme, ce seront des documents papiers que l'on donnera.
Est-ce que cette école à distance peut durer jusqu'à cet été, est-ce qu'on peut imaginer un aménagement du calendrier scolaire, avec des vacances d'été qui commenceraient plus tard ?
On travaille sur tous les scenarii, mais on en privilégie un, celui où le pic d'épidémie serait derrière nous une fois les vacances de printemps terminées. Ce qui permettrait de revenir à un calendrier normal, y compris pour les passations d'examen.
Mais les élèves ne doivent pas être lésés par ce qui se passe. Pour cela, il faut qu'on leur donne les conditions de pouvoir travailler. Pour les élèves de terminale, je veux leur dire que bien entendu, d'une manière ou d'une autre, il y aura une session du baccalauréat. Je les invite donc à travailler pendant la période actuelle, parce qu'ils ont tous les éléments, y compris leurs manuels, pour travailler. Pour le moment on est sur les mêmes dates.
Pour le contrôle continu (pour la classe de première), on a de toute façon étendu cette deuxième période qui s'ouvre ces temps-ci, jusqu'au mois de juin. Ce que doit garantir le ministère de l'Éducation, c'est que le service public sera rendu à tous les enfants et adolescents de France, et que s'agissant des élèves de terminale, oui, ils passeront le baccalauréat, d'une façon ou d'une autre, à une date ou à une autre.
Dans quelques semaines, les concours du Capes et de l'agrégation sont prévus. Sont-ils maintenus ?
Il s'agit de critères différents, ces concours sont passés par de jeunes adultes. En configuration normale, ces concours se passent souvent dans des salles très importantes, avec plusieurs centaines de candidats qui peuvent être dans un même endroit. Donc on va changer cette configuration. Mais nous avons considéré que ces types de concours sont beaucoup trop importants pour les personnes concernées pour les reporter. Par contre, on va être d'une très grande vigilance sur les conditions de passation, pour que toutes les consignes – notamment être à plus d'un mètre les uns des autres, le fait de ne pas être plus de 100 dans une même salle – soient évidemment respectées.
[mise à jour : pour tenir compte des difficultés de transports et d’hébergement et dans le constant souci de ne pas léser les candidats, les examens et les concours nationaux prévus d'ici au 5 avril 2020 sont reportés. Leur reprogrammation se fera dans les délais les plus courts possibles en fonction de l’évolution de la situation. Le calendrier de Parcoursup reste inchangé à ce stade. Cela concerne aussi bien les concours de l’enseignement supérieur (post-CPGE) que les concours de recrutement de l’Education nationale. Des solutions seront trouvées au cas par cas (reports, aménagements, etc.). Une information spécifique et personnalisée sera apportée chaque candidat.]
Est-ce que les conseils de classe doivent être maintenus ?
Un conseil de classe peut se tenir par visioconférence ou par téléconférence. L'équipement existe dans les établissements pour faire cela et où, s'il y a un problème, les rectorats sont là aussi pour aider. Après, le chef d'établissement est évidemment juge pour éventuellement reporter. Mais en tout cas, le conseil de classe peut se tenir en ayant pratiquement tout le monde à distance. C'est pourquoi ils peuvent continuer à se tenir, tout ce qui peut se faire à distance doit l'être.
Les enfants des soignants vont se retrouver dans des espaces clos et en nombre, n'est-ce pas dangereux ?
Cette mesure est faite pour assurer un service de base aux soignants. C'est un service rendu, qui n'est pas obligatoire. Dans la mesure du possible, ce qui est demandé aux soignants, c'est d'avoir des solutions de garde personnelle. C'est si vous n'en avez pas que vous les emmenez à l'école.
Après, que ce soit à l'école ou à la crèche, les mesures fondamentales seront bien entendu respectées. Autrement dit, les groupes d'élèves ne seront pas supérieurs à 10 et les personnes qui s'occuperont de cela veilleront à ce que les élèves ne soient pas à moins d'un mètre. Et donc, de ce point de vue-là, il n'y a pas de risque majeur. Je rappelle que les enfants eux-mêmes ne courent pas un risque.
Est-il envisagé que la fermeture des écoles dure jusqu'aux vacances d'été ?
Tous les scénarios sont envisagés, mais il y a un scénario privilégié et je ne veux m'exprimer à ce stade que sur le scénario privilégié, c'est-à-dire le retour à la normale après le mois d'avril, je l'espère (je ne peux pas dire autre chose que "je l'espère") après le pic d'épidémie. Si l'épidémie continue à être importante au mois de mai et éventuellement au mois de juin, alors nous nous adapterons, alors il pourrait y avoir des changements de calendrier. Nous travaillons sur ce genre d'hypothèses, mais nous ne voulons pas en faire des hypothèses privilégiées, on ne veut pas que la population puisse déjà anticiper des choses qui, en réalité, ne se passeraient pas.
Faut-il que les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) soient présents en classe ?
Les élèves handicapés vont forcément être, eux-aussi, dans une situation un peu particulière. Dans les circonstances actuelles, ils vont bien sûr rester, comme les autres élèves, à la maison. La question est de savoir comment ils peuvent être aidés. Dans la plupart des cas, c'est les parents qui vont les aider. Mais c'est vrai qu'il peut y avoir certaines solidarités, que certains personnels pourront peut-être participer à cette solidarité. C'est là aussi, au cas par cas, que ça doit se voir.
Un professeur a-t-il le droit de refuser de se déplacer, y aura-t-il des retenues sur salaire ?
Nous devons tous, dans une période comme celle-là, raisonner par les objectifs d'intérêt général. Bien sûr, tout ceci doit se traduire par de la très grande bienveillance de tous envers tous et évidemment, de la "maison Éducation nationale" vis-à-vis de ses membres. Il n'y aura évidemment, aucune sanction financière, pour personne, dans une période comme celle-ci, ça vaut pour nous comme pour d'autres domaines, c'est évident.
La confiance est totale, la bienveillance est totale et nous nous la devons tous les uns envers les autres. Dans une circonstance comme celle-là, bien sûr que j'ai confiance dans tous les professeurs de France. J'ai confiance aussi dans le bon sens local de chacun, et notamment des chefs d'établissement. Ils vont pragmatiquement faire en sorte qu'il y ait la présence de base, la présence indispensable, mais pas davantage. Par contre, chacun doit se rendre disponible à distance, notamment pour le télétravail. Et je ne doute pas que ce qui va s'accomplir. Mais il n'y a aucune procédure, ni de brimades, ni de sanctions, ni de vérification. On n'est pas du tout dans cet état d'esprit. On est dans un état d'esprit de solidarité, pour que le service public soit rendu aux enfants à distance, pour qu'on puisse personnaliser.
À propos des lycéens professionnels, comment cela va-t-il se passer pour ceux qui avaient des cours en atelier ? Et dans le suivi des stages ? N'y a-t-il pas un risque de décrochage ?
Oui, il y a un risque d'accentuer le décrochage, parce qu'on a des élèves qui, s'ils se trouvent désœuvrés, peuvent tout simplement décrocher. C'est pourquoi nous devons avoir une vigilance complète et renforcée vis-à-vis des élèves des lycées professionnels, d'où la personnalisation qui doit avoir lieu, les coups de fil que nous allons passer, de façon à s'assurer qu'il y a une continuité du travail, qu'il y a une motivation qui est toujours là.
Alors, c'est vrai qu'en lycée professionnel, on doit distinguer l'enseignement général et les enseignements professionnels. Donc ce qui va se passer, pour beaucoup de lycées professionnels, c'est que cet enseignement général va davantage être travaillé dans cette période.
Et à propos des périodes de formation en milieu professionnel, c'est vrai que vu la situation économique, il va y avoir une série de problèmes, certainement pour plusieurs lycéens professionnels. On fera les adaptations réglementaires nécessaires ensuite pour qu'ils ne puissent pas en pâtir pour leurs diplômes futurs. Mais c'est aussi l'occasion d'une grande solidarité dans notre pays, quand on est, par exemple, un chef d'entreprise qui a la responsabilité d'un lycéen en stage, j'en appelle à une grande bienveillance pour faire particulièrement attention à ces élèves, garder le lien si l'élève reste à la maison, etc.
Qu'est ce qui est prévu pour les élèves des écoles hors contrat ? Vont-ils bénéficier d'outils numériques ?
Normalement, dans le cadre juridique habituel, non. Les élèves des écoles privées sous contrat bénéficient de "ma classe à la maison" et même des prêts de la part de leurs établissements. En revanche, les écoles hors contrat, normalement, sont en dehors de ce champ. Cela dit, je vais étudier la question, car aujourd'hui, nous n'avons que des enfants de France, des élèves de France et finalement, le statut des établissements doit être quelque chose de secondaire. Nous devons surtout être tous unis.
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