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Coronavirus : peut-on comparer les indicateurs du printemps avec ceux de cet été ?

Les comparaisons entre les indicateurs de mars et ceux de juillet, par exemple, sont à prendre avec prudence. 

Article rédigé par franceinfo
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Une infirmière du Centre de santé de la ville de Nanterre (Hauts-de-Seine) s'entretient avec des habitantes, le 6 mai 2020. (JEROME LEBLOIS / HANS LUCAS / AFP)

Sommes-nous aux prémices d'une seconde vague de l'épidémie de coronavirus en France ? Quand arrivera-t-elle ? Partout, on compare les indicateurs pour essayer de répondre à cette question, on guette la moindre similitude entre avril et août pour déceler un indice d'une reprise aussi forte qu'au printemps.

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Les indicateurs de l'épidémie ne sont pourtant pas tous comparables entre eux et dans le temps. Franceinfo a fait le point avec Bruno Mégarbane, chef du service réanimation de l'hôpital Lariboisière, à Paris.

Nouvelles hospitalisations, admissions en réanimation : possible de les comparer depuis mars

Le nombre de nouvelles hospitalisations et celui des entrées en réanimation sont des indicateurs très significatifs d'une reprise éventuelle de l'épidémie, et sont donc très scrutés. Le 1er avril, 4 281 nouvelles personnes se faisaient hospitaliser pour cas de Covid-19. Elles étaient 233 le 24 août, soit une baisse d'environ 95%.

Lorsqu'on observe les chiffres depuis le début de la pandémie, il faut faire attention à ne pas comparer le nombre d'admissions totales à l'hôpital et en réanimation au printemps avec ceux de cet été. Il ne faut regarder que les nouvelles admissions. En effet, le nombre d'admissions totales associe les nouveaux entrants et les patients arrivés lors du début de l'épidémie et qui peuvent y être encore. "Dans les 399 hospitalisés en réanimation au 24 août, comment différencier ceux qui datent d'avril et ceux qui viennent d'arriver ?" soulève Bruno Mégarbane. 

Il faut aussi garder en tête que le nombre de nouvelles hospitalisations et d'admissions en réanimation est un indicateur plutôt "tardif", comme le souligne le chef du service réanimation de l'hôpital Lariboisière. Puisque le temps d'incubation du Covid-19 est d'environ cinq jours, le nombre d'admissions aux urgences et en réanimation évolue plus tard que le nombre de nouveaux cas, le taux de positivité ou le taux de reproduction, qui sont des indicateurs plus précoces.

Taux de positivité : impossible à comparer dans le temps

Le taux de positivité correspond à la part des tests positifs sur la totalité des tests réalisés. Là, il est impossible de le comparer avec les chiffres du printemps dernier. "Les diagrammes qui montrent le nombre de cas de contamination depuis mars jusqu'à aujourd'hui ne sont pas réalistes", affirme Bruno Mégarbane. 

En effet, les méthodes de test utilisées ne sont pas les mêmes. Au début de l'épidémie, seuls les patients qui se présentaient à l'hôpital et étaient symptomatiques étaient dépistés. Le spécialiste estime que "cela concernait 15% des contaminés, au mieux". En revanche, si tous les nouveaux cas ne sont pas dépistés aujourd'hui, "il y en a une bonne partie, notamment avec les cas contacts"

Bruno Mégarbane conseille donc de comparer ce taux de positivité semaine par semaine depuis début juillet. Celui-ci est en hausse, alors que le nombre de dépistages stagne. Entre la semaine du 3 août et celle du 10, le taux de positivité a augmenté de 42%, rappelle Santé publique France, passant de 2,2% à 3,1%. "Puisque l'augmentation du nombre de contaminations est plus importante que celle du nombre de tests effectués, il y a bien une accélération de l'épidémie", analyse Bruno Mégarbane. 

Nombre de nouveaux cas : à comparer semaine après semaine

Le nombre de nouveaux cas journaliers de Covid-19 interpelle, car il est le plus parlant. Chaque jour, il semble être plus important que le précédent. Mais l'un des "défauts" de la comparaison de ces nouveaux cas jour par jour est le fait que ces chiffres dépendent des points quotidiens faits à Santé publique France par les laboratoires, les agences régionales de santé ou encore les hôpitaux, rappelle Bruno Mégarbane. "Résultat, le lundi le chiffre est plus bas, car le dimanche très peu de personnes rapportent les cas", explique-t-il. Ainsi, le dimanche 2 août, les nouvelles contaminations s'élevaient à 4 897. Le lundi 24, ce chiffre était de 1 955 et, le mardi 25, il remontait à 3 304. 

De plus, le seul chiffre des nouvelles contaminations journalières ne permet pas de voir les variations entre les différentes régions et départements, et masque ainsi les particularités propres à chaque territoire. 

Pour avoir une vue d'ensemble et bien comprendre la tendance, il vaut mieux comparer les nouveaux cas semaine par semaine. Il y en avait 16 747 dans la semaine du 10 août, contre 11 749 pour celle du 3, et 8 384 pour celle du 27 juillet. Quelques mois plus tôt, ce chiffre était de 36 305 pour la semaine du 30 mars.

Taux d'incidence et taux de reproduction : à surveiller 

L'importance de l'épidémie "dépend à la fois du taux d'incidence et du taux de reproduction", indique Bruno Mégarbane, "ce sont les indicateurs les plus importants"

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Le taux d'incidence est le nombre de personnes infectées sur une semaine ramené à 100 000 habitants. Il est calculé à partir des résultats des tests PCR. Le ministère de la Santé a défini deux seuils : le seuil de vigilance, si plus de 10 personnes sont infectées sur 100 000 habitants, et le seuil d'alerte, si ce chiffre atteint 50. Ce taux d'incidence a augmenté de 42% entre la semaine du 3 et celle du 10 août, selon Santé publique France. A Marseille, il est de 177 pour 100 000 habitants au 26 août. 

Le taux de reproduction, aussi appelé R, reflète, lui, "le potentiel d'expansion du virus", explique le spécialiste. Il représente le nombre moyen de personnes qu'un malade contamine. Si le R est à 1, l'épidémie est stable. Elle est en expansion si le R dépasse 1, et elle reflue s'il est inférieur à 1. La semaine du 10 août, le R était à 1,34 : cela veut dire que 100 personnes en ont contaminé 134. 

Il est essentiel de regarder ces deux taux ensemble : "Un taux d'incidence bas mais un R important est moins inquiétant qu'un taux d'incidence haut mais un R bas", affirme Bruno Mégarbane. Ainsi, si un territoire connaît un taux d’incidence de 10 sur 100 000 mais que le R à 1,5, le virus va progresser mais comme il part de loin, cela va mettre plus de temps. En revanche, si le taux d’incidence est de 100 pour 100 000 avec un R plus bas (comme à Marseille), le virus va se répandre dans des proportions importantes.

Des indicateurs "déconnectés"

Bruno Mégarbane observe néanmoins que ces différents taux sont "déconnectés". Car si les indicateurs précoces (nouveaux cas, taux de positivité et de reproduction) sont en hausse, ceux plus tardifs, comme le nombre de nouvelles hospitalisations et de décès, n'augmentent pas significativement : 97 morts et 128 nouvelles admissions en réanimation la semaine du 10 août, 66 et 122 la semaine du 3, 79 et 105 la semaine du 27 juillet. 

Selon le médecin, ce phénomène pourrait s'expliquer par deux causes. La première est que "ceux qui se contaminent le plus, comme les jeunes, ne sont pas représentatifs de ceux qui vont contracter la maladie". Dans son point hebdomadaire du 20 août, Santé publique France rappelle que cette "forte progression de la circulation du virus du Sars-CoV-2 [est] plus intense chez les jeunes adultes", notamment ceux entre 15 et 25 ans. Ceux-ci ont néanmoins plus de chances d'être asymptomatiques et de ne pas développer des formes graves de la maladie, donc de ne pas aller à l'hôpital. "Avec la rentrée, continue Bruno Mégarbane, on peut imaginer que ces gens-là vont retourner dans leur famille et vont risquer de contaminer des personnes qui sont, elles, à risque."  

La deuxième cause de déconnexion de ces indicateurs pourrait être une mutation du virus Sars-CoV-2 qui le rendrait moins virulent. Cette hypothèse, qui n'est encore ni confirmée ni infirmée, reste à prendre avec prudence

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