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Coronavirus : quatre questions sur l'appel du ministre Didier Guillaume à rejoindre "la grande armée de l'agriculture"

En plein contexte de confinement pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, le ministre de l'Agriculture demande aux Français qui le peuvent d'aller travailler dans les champs car le secteur agricole manque de main-d'œuvre, notamment pour les récoltes. 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Un policier contrôle le conducteur d'un tracteur pour vérifier qu'il a son attestation de déplacement, le 18 mars 2020 à Montauban (Tarn-et-Garonne). (PATRICIA HUCHOT-BOISSIER / AFP)

Les mânes du général de Gaulle convoqués à la rescousse. "Je veux lancer un grand appel à l'armée de l'ombre", a déclaré, un brin emphatique, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, mardi 24 mars sur BFMTV. En clair, il demande aux Français privés d'emploi de rejoindre "la grande armée de l'agriculture" pour aller travailler dans les champs. Et de permettre ainsi aux consommateurs, dans les mois qui viennent, d'acheter fraises, tomates, asperges, cerises, abricots, et tous les fruits et légumes qu'ils affectionnent, alors que les marchés ont été interdits à compter de mardi, comme l'a annoncé Edouard Philippe.

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Car le secteur agricole, touché par les conséquences de l'épidémie de coronavirus, manque cruellement de bras pour les récoltes : au moins 100 000 emplois sont à pourvoir. Passage en revue des questions soulevées par cet appel du 24 mars signé Didier Guillaume.

1Que demande Didier Guillaume ?

"Je veux lancer un grand appel à l'armée de l'ombre, un grand appel aux femmes et aux hommes qui ont envie de travailler, un grand appel à celles et ceux qui sont confinés chez eux, à celles et ceux qui sont serveurs dans un restaurant, hôtesses d'accueil dans un hôtel, au coiffeur de mon quartier, à celles et ceux qui n'ont plus d'activité", a martelé le ministre, en énumérant les professions qui pourraient être privées de travail par le confinement. Et d'ajouter, dans un vocabulaire martial : "Je leur dis : 'Rejoignez la grande armée de l'agriculture francaise. Rejoignez celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir de facon propre, saine, durable."

La veille, Didier Guillaume avait déjà lancé un cri d'alarme sur France Bleu Paris, en alertant sur des risques de rupture d'approvisionnement dans quelques mois. "La pénurie n'est pas possible aujourd'hui", avait-il affirmémais "si les agriculteurs ne font pas le travail dans leurs champs aujourd'hui, alors dans six mois, dans un an, après les moissons, on aura des problèmes. Si ce matin, le lait n'est pas prélevé chez les éleveurs, demain on pourrait manquer de yaourts."

2Quel est le contexte dans l'agriculture ?

Combien faut-il de bras supplémentaires dans ce secteur d'activité ? "Il y a aujourd'hui la possibilité d'avoir 200 000 emplois directs, aujourd'hui même, ce mardi matin, (...) dans les métiers de l'agriculture", a estimé le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume sur BFMTV.

Dans une conférence de presse tenue mardi matin juste après les déclarations du ministre, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, lui a fait écho, sur RTL : "A toutes les bonnes volontés qui disposez de temps : nous aurons besoin de 200 000 saisonniers dans les trois mois. Nous vous accueillerons dans de parfaites conditions de sécurité". Et elle renvoie vers le site Desbraspourtonassiette.wizi.farm, lancé en partenariat avec Pôle Emploi, où les volontaires peuvent se faire connaître.

En fait, nuance Jérôme Volle, président de la commission emploi à la FNSEA joint par franceinfo, "sur les 200 000 emplois saisonniers dont nous avons besoin, il y en a 100 000 qui sont non pourvus pour l'instant, avec les gens qui ne peuvent pas venir pour des raisons liées à l'épidémie".

Comme l'Europe s'est refermée sur elle-même et que certains pays voisins subissent le confinement, le recours aux travailleurs saisonniers étrangers s'est tari. "Les producteurs d'Occitanie, qui ont déjà du mal à recruter d'ordinaire, sont aussi touchés par la fermeture des frontières, notamment avec l'Espagne ou le Maroc, grands pourvoyeurs de main-d'œuvre saisonnière", notait ainsi France Bleu Occitanie, samedi 21 mars. S'y ajoutent les conséquences de la maladie sur le territoire français : qu'ils soient atteints eux-mêmes ou obligés de garder leurs enfants, nombre de salariés agricoles français sont contraints de rester à la maison, comme on le demande instamment, d'ailleurs, à la majorité de la population. "Il y a aussi des gens qui ont peur", relève Jérôme Volle.

3Dans quels secteurs les manques sont-ils les plus criants ?

"La priorité, ce sont les fraises et les asperges, mais il y aura ensuite la mise en culture des autres productions, comme les tomates, ou les endives dans le Nord, s'inquiète Jérôme Volle. Et il y a aussi les vignes, les fruits et le maraîchage, avec une demande dans toute la  France".

La crise est aiguë dans le Sud. Parmi les départements touchés, les Pyrénées-orientales, l'Aude, le Gard, le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne sont déjà confrontés à des difficultés pour récolter. "Dans le seul département de l'Hérault, pour le mois de mars, les besoins sont de 300 emplois pour mener à bien le travail agricole", observe ainsi France Bleu Occitanie

4Comment ça va se passer pour ceux qui vont travailler dans les champs ?

Les volontaires "seront salariés par les agriculteurs et on regardera comment les choses pourront se faire", expose le ministre de l'Agriculture, peu bavard, en revanche, sur les règles sanitaires à respecter en milieu agricole. Interrogé, Jérôme Volle affirme que "les employeurs doivent mettre en place des barrières sanitaires, éviter les regroupements et former des petits groupes pour les consignes". Et qu'ils doivent veiller, "pour les conditionnements intérieurs", à ce que les salariés mettent des masques et puissent se laver les mains. Au-delà des principes affichés, difficile de connaître l'application concrète sur le terrain. Et comment seront respectées les distances de sécurité pendant les récoltes ? Le responsable de la FNSEA lui-même reconnaît que "ce n'est pas toujours évident. Mais on doit être sérieux sur le sujet".

Parallèlement, sur le plan du droit du travail, la FNSEA réclame "pour toute la période de crise sanitaire" "des "dérogations permettant de travailler jusqu'à 60 heures par semaine pour les récoltes". "Pour les salariés volontaires", précise Jérôme Volle. "Et on demande aussi des assouplissements pour que les salariés en chômage partiel et les indépendants puissent travailler dans l'agriculture sans perdre les avantages liés à leur statut. Il existe déjà des contrats de ce type : les salariés peuvent faire des vendanges pendant leurs congés, par exemple".

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