Coronavirus : trois questions sur l'hypothèse de la transmission du virus par voie aérienne
Plusieurs chercheurs ont exploré la piste d'une transmission du coronavirus par voie aérienne. Franceinfo fait le point sur les données scientifiques connues sur cette hypothèse.
Le coronavirus peut-il rester en suspension dans l'air ? L'épidémiologiste Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des maladies infectieuses et conseiller de Donald Trump, estime que cette piste expliquerait la forte contagiosité du virus. "On commence à saisir qu'il peut y avoir transmission de l'infection par un patient asymptomatique, qui ne tousse pas et n'éternue pas'" a-t-il déclaré à CNN. "Cela pourrait très bien être une contagion aérosol, peut-être pas au point de rester des heures dans l'air, mais assez pour être transmis quand vous parlez à quelqu'un", a poursuivi le spécialiste, dans le podcast Coronavirus : fact vs. fiction (en anglais), diffusé le 1er avril.
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Franceinfo fait un point sur l'état de la recherche sur cette hypothèse.
Que dit la littérature scientifique à ce jour ?
"La transmission du Sars-CoV-2 par aérosol est plausible", selon des chercheurs des Centres de contrôles et de prévention des maladies (CDC), de l'université de Californie à Los Angeles et de Princeton. Leur étude publiée mi-mars dans la prestigieuse revue médicale New England Journal of Medicine (en anglais) suggère que le coronavirus peut survivre pendant trois heures sous la forme de minuscules particules, d'une taille inférieure à 5 micromètres, suspendues dans l'air. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont projeté le virus dans l'air par nébulisation, c'est-à-dire avec une sorte de vaporisateur, pour diffuser une brume en laboratoire.
In this report, investigators assess how long SARS-CoV-2 (HCoV-19) survives in the environment as compared to SARS-CoV-1. #COVID19 #SARSCoV2
— NEJM (@NEJM) March 17, 2020
"Les travaux de recherche actuellement disponibles soutiennent la possibilité que le Sars-CoV-2 puisse être transmis par des bioaérosols générés directement par l'expiration des patients", écrit également Harvey Fineberg, président du comité sur les maladies infectieuses émergentes au sein des Académies américaines des sciences, dans une lettre adressée à la Maison Blanche (PDF en anglais).
Le document mentionne notamment les premiers résultats de recherches (PDF en anglais) menées à l'université du Nebraska. Les scientifiques ont trouvé des portions du code génétique du virus (ARN) dans l'air de chambres où étaient isolés des patients. Des chercheurs de Wuhan, foyer de l'épidémie, ont quant à eux prélevé des échantillons d'air dans diverses pièces d'hôpitaux. Leurs résultats préliminaires (PDF en anglais) tendent aussi à montrer des concentrations élevées du coronavirus, en particulier dans les toilettes et les salles, où les soignants enlevaient leurs équipements de protection.
Ces expérimentations sont-elles transposables en situation réelle ?
Reste à savoir si ces études correspondent à ce qui se passe hors des laboratoires. L'étude américaine publiée dans le New England Journal of Medicine s'est attirée des critiques. Pour certains experts, l'utilisation d'un nébuliseur ne simule pas correctement la toux ou les éternuements d'un malade et risque d'augmenter artificiellement l'ampleur de la contamination par voie aérienne. Quand un malade tousse ou éternue, "les gouttelettes tombent au sol assez rapidement par rapport à un aérosol", car elles sont plus grosses et donc plus lourdes que celles qui composent un nuage vaporisé, souligne le professeur Paul Hunter, de l'université britannique d'East Anglia, à l'AFP.
De plus, la brume disséminée en laboratoire contient une charge virale très élevée. Pour Samira Fafi-Kremer, responsable du laboratoire de virologie du CHU de Strasbourg, interrogée par France Culture, ces expérimentations ne reflètent pas la réalité. A l'extérieur, ces microparticules seraient dispersées par le vent et la charge virale serait plus faible. Même s'il était avéré que le coronavirus peut être aéroporté, cela ne signifie pas qu'on peut l'attraper en se promenant dehors.
Pour autant, on ne peut pas non plus conclure à ce stade qu'une transmission du virus dans l'air est impossible. Le risque de transmission par aérosol serait d'autant plus grand pour les soignants, qui passent de longues heures en contact rapproché avec des malades. Les conclusions de l'étude américaine "sont surtout intéressantes pour les soignants qui effectuent certains gestes à l'hôpital sur des malades porteurs du virus, cela confirme la nécessité d'être bien protégé", affirme Etienne Simon-Lorière, virologue à l'Institut Pasteur, au Figaro.
Qu'est-ce que cela changerait ?
La transmission par voie aérienne fournirait une explication longtemps recherchée à la haute contagiosité apparente du virus responsable de la pandémie, également transmis par des patients sans symptômes.
La seule certitude actuelle, c'est que le coronavirus se transmet principalement par voie respiratoire et par contact physique. La transmission par voie respiratoire se fait dans les gouttelettes de salive expulsées par un malade, lorsqu'il tousse ou éternue. C'est pourquoi les autorités sanitaires conseillent de maintenir une distance d'au moins un mètre entre les personnes. La contamination est également possible lorsque les postillons du malade contaminent des surfaces. D'où la nécessité de se laver les mains régulièrement et d'éviter de se toucher le visage.
Toutefois, si le virus est capable de flotter dans l'air plusieurs heures, alors il est plus compliqué de s'en protéger. Si d'autres travaux de recherche viennent confirmer cette hypothèse, cela changerait radicalement ce qu'on sait de la maladie et des moyens de s'en prémunir. Une incertitude qui a pour partie poussé les gouvernements de plusieurs pays à opérer une volte-face sur le port du masques ces dernières semaines. Donald Trump a annoncé vendredi que les autorités sanitaires conseillaient désormais aux Américains de se couvrir le visage lorsqu'ils sortent de chez eux. Le même jour, l'Académie de médecine française a jugé qu'un masque "grand public" devrait être rendu obligatoire. Dans la foulée, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a encouragé "le grand public s'il le souhaite, à porter [des] masques alternatifs".
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