Covid-19 : ce que l'on sait des perquisitions aux domiciles et bureaux d'Olivier Véran, Edouard Philippe et Agnès Buzyn
Ces perquisitions ont été ordonnées par la Cour de justice de la République. Elles se sont déroulées jeudi matin dans le cadre d'investigations liées à la gestion de la crise du coronavirus.
Olivier Véran, Agnès Buzyn, Edouard Philippe... Domiciles et bureaux de plusieurs personnalités politiques ont fait l'objet de perquisitions, jeudi 15 octobre. Qui les a menées ? Qu'est-ce qui a été saisi ? Comment le monde politique a-t-il réagi ? Voici ce que l'on sait.
Des ministres et ex-ministres perquisitionnés
Les perquisitions se sont déroulées chez plusieurs personnalités qui sont ou qui ont été chargées de gérer la crise liée à la pandémie : l'ancien Premier ministre, désormais maire du Havre, Edouard Philippe, l'actuel ministre de la Santé Olivier Véran, sa prédécesseure Agnès Buzyn, et l'ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. D'autres perquisitions ont été menées chez le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, et chez la directrice générale de Santé publique France, Geneviève Chêne.
Ces opérations se sont déroulées "sans difficulté", a fait savoir le ministère de la Santé, "de façon très courtoise et avec la pleine coopération du maire" du Havre, selon l'entourage d'Edouard Philippe.
Du matériel informatique saisi
Ce sont les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique et de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales qui ont réalisé ces perquisitions, selon l'AFP, qui le tient "de source judiciaire".
Les enquêteurs étaient accompagnés de spécialistes en informatique. Il s'agissait de saisir et de mettre sous scellés du matériel informatique, a appris France Télévisions de source proche de l'enquête. Les membres de la commission d'instruction de la CJR recherchent d'éventuelles preuves (rapports non publics, courriels professionnels...) montrant le degré de connaissance dont disposait le gouvernement, par exemple des alertes dont il n'aurait pas tenu compte. Les masques constituent le cas le plus emblématique.
Des perquisitions ordonnées par la Cour de justice de la République
A l'origine de ces perquisitions se trouve la Cour de justice de la République, dont la commission d'instruction agit comme un juge d'instruction et mène les investigations. Une information judiciaire a en effet été ouverte le 7 juillet pour "abstention de combattre un sinistre". Elle s'appuie sur l'article 223-7 du Code pénal : "Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende".
Au total, depuis le début de la crise du coronavirus, 90 plaintes contre des ministres ont été adressées à la CJR, seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour l'exercice de leur fonction. Mais seules neuf d'entre elles, visant Olivier Véran, Edouard Philippe, Agnès Buzyn ou encore Sibeth Ndiaye, ont été jugées recevables.
"L'investigation est en cours, ce qui est une bonne chose. Ces perquisitions montrent que la CJR prend le dossier au sérieux." a déclaré à franceinfo Yassine Bouzrou, avocat du syndicat de police Vigi et des enfants d'un homme mort des suites du Covid-19, dont les plaintes ont été jugées recevables. Il met en cause, entre autres, la pénurie de masques adaptés pour protéger la population et "a minima les professionnels de santé et les personnes contraintes de travailler".
"On ne pensait pas qu'il y aurait des investigations aussi rapides, et surtout aussi importantes, car des perquisitions au domicile et au bureau de ministres, ça n'est pas anodin. Le timing, au lendemain des annonces d'Emmanuel Macron, montre en plus que la CJR est indépendante, ça envoie un bon signal."
Yassine Bouzrou, avocat de plusieurs plaignantsà franceinfo
Trois médecins, membres du collectif C19 et soutenus par plus de 600 membres du personnel de santé, ont également porté plainte contre le ministre de la Santé, en saisissant la Cour de justice de la République. Leur avocat, Fabrice Di Vizio, estimait que "le gouvernement n'a pas présenté jusque-là de preuves de commandes ou de contrats pour les équipements nécessaires" de protection, comme des masques. Ces trois médecins ont également déposé plainte contre Agnès Buzyn et Edouard Philippe. Fabrice Di Vizio les accuse de s'être "abstenus" de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie de Covid-19.
Une enquête préliminaire ouverte aussi par le parquet de Paris
En parallèle des investigations décidées par la Cour de justice de la République, une vaste enquête préliminaire sur la gestion de la crise du Covid-19 en France a également été ouverte début juin par le parquet de Paris.
Elle vise principalement les délits "d'homicides involontaires" ou de "mise en danger de la vie d'autrui". Elle constitue une réponse à des plaintes reçues par le parquet de Paris durant le confinement, souligne France Bleu.
L'enquête "n'est pas là pour définir des responsabilités politiques ou administratives", avait expliqué à l'époque le procureur Rémy Heitz, "mais pour mettre au jour d'éventuelles infractions pénales" de décideurs nationaux (sauf le chef de l'Etat, non responsable pénalement, et les membres du gouvernement).
La date des perquisitions mise en cause
Plusieurs personnalités ont réagi concernant la date choisie pour ces perquisitions. Celles-ci viennent brouiller la communication gouvernementale au lendemain de l'intervention du président Emmanuel Macron, et l'annonce choc de couvre-feux nocturnes en Île-de-France et dans huit métropoles.
"Ça n'est pas l'urgence aujourd'hui, on doit lutter contre la deuxième vague et je ne suis pas persuadé qu'on doive perdre du temps avec ça", a réagi sur BFMTV le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, qui ne croit "pas à la responsabilité pénale des ministres dans cette affaire". Le député de la France insoumise Eric Coquerel s'est montré également sceptique. "Je ne trouve pas que ces perquisitions soient opportunes, il y a une judiciarisation de la vie politique. C'est plus une mise en scène qu'autre chose", a-t-il déploré sur LCI.
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