Covid-19 : cinq pistes pour éviter un rebond épidémique avec les fêtes de fin d'année
Aux Etats-Unis et au Canada, les rassemblements familiaux lors des fêtes de Thanksgiving ont entraîné un fort rebond épidémique. Plusieurs experts invitent à retenir la leçon afin d'éviter une troisième vague en France.
"Notre stratégie s'adapte en temps réel et en continu à l'évolution de l'épidémie", a prévenu Jérôme Salomon, lundi 7 décembre. A une semaine de la date du 15 décembre envisagée pour le déconfinement, les chiffres ne sont pas aussi bons qu'espéré et la France est "encore loin de l'objectif de passer sous la barre des 5 000" contaminations quotidiennes par le Covid-19 fixé par le gouvernement, a prévenu le directeur général de la santé.
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Et puis il y a la crainte d'un scénario à l'américaine. Au Canada, les fêtes de Thanksgiving, qui ont eu lieu le 12 octobre, ont entraîné une flambée des cas, avec de nouveaux records de contamination dans certaines provinces. Aux Etats-Unis, où cette fête a été célébrée le 26 novembre, les données manquent encore de recul, mais depuis deux semaines, le nombre quotidien de morts est régulièrement supérieur à 2 000, comme lors de la première vague. La France pourrait retenir la leçon. Emmanuel Macron a convoqué pour mercredi un conseil de défense et le Premier ministre, Jean Castex, doit dévoiler jeudi la stratégie du gouvernement. En attendant, franceinfo se penche sur les pistes qui permettraient de ne pas trop regretter les fêtes de fin d'année.
1Un décalage des mesures de déconfinement
Officiellement, le déconfinement prévu le 15 décembre n'est pour l'instant pas remis en cause par le gouvernement, selon les informations recueillies par franceinfo. Lors de son allocution du 24 novembre, Emmanuel Macron avait fixé à cette échéance la possibilité de se "déplacer, sans autorisation, y compris entre régions, et [de] passer Noël en famille". Difficile d'imaginer un revirement total de l'exécutif avant les fêtes, "sauf si un vrai rebond [de l'épidémie] se dessine", suppose l'épidémiologiste Mircea Sofonea, interrogé par l'AFP. "Le gouvernement a pris tellement d'engagements au niveau des fêtes, il y a un plan qui a été bien établi pour laisser les Français se réunir en famille."
Lors de son allocution, le chef de l'Etat avait également ouvert la possibilité de rouvrir avant Noël les théâtres, les musées et les cinémas. Cette dernière disposition serait en sursis. Lors d'une réunion avec les chefs des groupes parlementaires, Jean Castex a laissé entendre que le gouvernement s'interrogeait sur cette réouverture des lieux culturels. "Les gens peuvent comprendre qu'on ne relâche pas complètement la pression pour passer de bonnes fêtes", confirme à franceinfo un membre de l'exécutif.
"On sent monter une petite musique pas très sympathique pour le secteur culturel", s'inquiète déjà Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé. "Cela me fait mal au cœur d'imaginer qu'il faille y renoncer, car je connais la souffrance de ces secteurs-là sur le plan économique (...) et on sait que les risques ne sont pas très élevés dans les théâtres, les cinémas, donc c'est une balance bénéfice-risque", résume sur France Inter Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. "Je n'aimerais pas avoir à faire ce choix."
2Un dépistage avant et après les fêtes
Selon un sondage Ifop réalisé fin novembre, 26% des Français envisagent de faire un test avant de se rendre auprès de leurs proches pour les fêtes. Pour que cette mesure de prévention soit efficace, les spécialistes recommandent de faire le test à la date la plus proche possible des retrouvailles. Le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Tenon à Paris, conseille sur franceinfo un test dans l'idéal "48 heures avant de se rendre en famille". Mais attention à l'engorgement des laboratoires, prévient Eric Caumes sur France Inter : "Si tout le monde se fait tester le jour de Noël ou la veille, je pense que personne n'aura le résultat le soir même, il ne faut pas se faire d'illusion."
Deux types de tests sont actuellement disponibles. Le test PCR, classique, qui se réalise en laboratoire et qui est fiable à 85% ; et le test antigénique, plus rapide, mais dont la fiabilité s'échelonne entre 62% et 80%. Gilles Pialoux plaide aussi pour "faire du dépistage systématique dans des grandes métropoles". Au Havre, à Saint-Etienne et dans la métropole lilloise, des campagnes de dépistage massif vont d'ailleurs être organisées sur la base du volontariat en décembre ou en janvier pour éviter un redémarrage de l'épidémie, détaille Le Parisien. "Trois métropoles, je m'attendais à beaucoup plus, mais c'est déjà un début", note le professeur Gilles Pialoux. "Le dépistage n'est pas une barrière à 100%. Le dépistage par test antigénique l'est encore moins, alerte aussi sur franceinfo Mathias Wargon, médecin urgentiste. Quand on fait ça sur une masse de personnes, c'est satisfaisant, mais au coup par coup, pour en protéger une autre, cela ne marche pas."
"Globalement, ça va protéger la société, mais ça ne va pas vous protéger de contaminer mamie."
Mathias Wargon, médecin urgentistesur franceinfo
La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a de son côté demandé aux Franciliens de se faire tester "massivement" après les fêtes de fin d'année pour "éviter l'effet Thanksgiving". Pourquoi pas, réagit Gilles Pialoux : "Disons que c'est 'ceinture et bretelles'. (...) Il faut, de toute façon, augmenter notre niveau de tests. Le compte n'y est pas en France. Donc toutes ces démarches individuelles pour se tester avant et après, ça me paraît bien."
3Un autoconfinement de sept jours
Pour éviter de fausser le résultat du test avec des contacts peu prudents, certains spécialistes proposent également aux Français de procéder à un isolement les jours précédant les retrouvailles. "Ce que l'on peut conseiller aux gens qui vont voir leur famille, c'est de s'autoconfiner pendant les sept jours précédents", recommande sur France 2 la professeure Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l'hôpital Saint-Louis (APHP). Gilles Pialoux appelle également les Français à "un peu d'autoconfinement dans la semaine qui précède Noël" afin de limiter la propagation de l'épidémie.
"Il faut éviter ce que j'appelle le 'stockage de lien social', c'est-à-dire les gens qui vont faire des fêtes juste avant, sous prétexte qu'ils vont être bridés le soir de Noël ou le soir du 31."
Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Tenonsur franceinfo
Louis, 30 ans, professeur de physique dans un collège parisien, va suivre ces recommandations, comme il l'explique à L'Obs : "Je ne serai plus en contact ni avec des élèves, ni avec des collègues, donc je pense que c'est l'occasion de faire vraiment attention pour passer des fêtes de fin d'année sereines." Afin de partir retrouver sa famille en Alsace l'esprit tranquille, le Parisien prévoit donc de limiter ses sorties au strict nécessaire, même en cas de déconfinement. "On pourra sortir et voir des amis après Noël, on n'est pas à une semaine près."
4Un respect de la jauge de six personnes et des gestes barrières
Lors de son point presse sur la stratégie vaccinale, jeudi dernier, Jean Castex a recommandé une jauge maximale de six adultes à table pour les réveillons de Noël et du jour de l'An. "Il nous faudra respecter les gestes barrières et toujours veiller à protéger les plus fragiles, en particulier nos aînés", a ajouté le Premier ministre. Réfléchir à un plan de table adapté, aérer les pièces... Il est possible de limiter les risques de contamination par des gestes simples. "Il n'y a rien de très nouveau à appliquer, c'est du bon sens, explique Alexandre Bleibtreu, médecin infectiologue à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. On ne se fera pas de bisous à chaque cadeau, on sera moins nombreux et on gardera ses distances."
Mais les spécialistes craignent que les recommandations soient peu appliquées. Comme le montrent les résultats d'un sondage Ifop, réalisé avant ces annonces de Jean Castex, 38% des Français se prononcent contre une limitation du nombre de participants lors des fêtes. "Le gouvernement a donné des consignes, mais je ne suis pas sûr qu'elles aient été bien entendues", craint sur France Inter le professeur Eric Caumes, qui ne fêtera pas Noël avec ses quatre enfants.
"Moi, j'aurais tendance à compter les enfants, ce qui met la jauge vraiment très, très bas, je le conçois."
Eric Caumes, infectiologuesur France Inter
"Beaucoup de gens vont probablement dépasser la jauge de six personnes et ils ne vont pas échanger seulement le soir de Noël, redoute également Gilles Pialoux. Le plus souvent, ils vont se revoir le lendemain, aller dans la belle-famille, etc. Et c'est effectivement comme ça que les clusters se font." Certaines familles s'organisent quand même pour respecter les recommandations. "On a décidé de se séparer en trois équipes. Mais la question, c'était : 'qui va chez qui ?'" raconte au Figaro Pauline, une étudiante. Et pour éviter les frustrations, une solution a été trouvée. "On a tiré au sort les invités. Au moins, c'est réglé et personne n'est froissé."
5Un retour en télétravail après les fêtes
Emmanuel Macron avait expliqué fin novembre que le télétravail pour les activités qui le permettent devait rester la norme "jusqu'aux vacances de Noël". Mais le retour au travail après les fêtes de fin d'année pourrait être délicat, en cas de hausse des contaminations pendant les fêtes. Le gouvernement pourrait donc inciter les entreprises à jouer les prolongations.
Evoquant le calendrier prévisionnel des mesures jusqu'au 20 janvier, Jean Castex avait d'ailleurs rappelé que "le télétravail restera[it] la règle et devra[it] être le plus massif possible tout au long de cette période". Syndicats de patrons et de salariés ont d'ailleurs entamé, depuis le début du mois de novembre, des négociations sur plusieurs mesures afin de mieux encadrer le télétravail après Noël. Au-delà de la crise sanitaire, cet accord va tenter de faire évoluer la culture d'entreprise française, qui reste imprégnée, selon un récent rapport de la fondation Terra Nova, par le "présentéisme et les pesanteurs de pratiques managériales".
Toutefois, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a récemment évoqué la possibilité d'assouplir le télétravail à partir du 1er janvier en permettant aux salariés qui le vivent mal de pouvoir se rendre un jour par semaine au travail.
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