Covid-19 : "En janvier 2020, il y a eu des erreurs et de la rétention d'information", estime un expert mandaté par l'OMS
Selon Michel Kazatchkine, membre d'un pannel de chercheurs indépendants mandatés par l'Organisation mondiale de la santé, l'urgence sanitaire mondiale aurait pu être déclarée plus tôt.
La pandémie de Covid-19, qui a tué plus de 3,3 millions de personnes dont plus de 100 000 en France, aurait pu être évitée, selon un groupe d'experts indépendants mandatés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). "Il y a eu en janvier 2020 des erreurs, de la rétention d'information, des maladresses, de la mauvaise communication", estime sur franceinfo, mercredi 12 mai, le docteur Michel Kazatchkine, membre de ce pannel chargé d'évaluer la gestion de la pandémie de coronavirus par l'OMS et les pays du monde.
franceinfo : Cette pandémie est très inégalitaire ?
Michel Kazatchkine : Les inégalités à l'intérieur des sociétés et entre les pays sont à la base de l'impact de la plupart des grandes maladies et singulièrement des maladies infectieuses. La pandémie est un accélérateur de ces inégalités. Il est évident que si vous êtes dans une économie parallèle et que vous survivez chaque jour pour votre nourriture sans être employé quelque part, le confinement et la fermeture des commerces vous empêchent de vivre.
Vous n'épargnez pas totalement l'OMS, en disant que l'alerte sanitaire aurait pu être lancée avant ?
Il y a eu en janvier 2020 des erreurs, de la rétention d'information, des maladresses, de la mauvaise communication et nous pensons effectivement que l'urgence sanitaire mondiale aurait pu être déclarée le 20 janvier, une semaine plus tôt, sur la base du principe de précaution.
Le vrai retard a été entre le 30 janvier [2020], la déclaration de l'urgence sanitaire et le 10, 15 mars quand les pays du monde commençaient à réagir.
Michel Kazatchkineà franceinfo
Les pays qui ont connu le SARS et qui ont tout de suite compris ce qu'était une infection à coronavirus, la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine ont immédiatement confiné. Ils ont testé, tracé, isolé et le résultat est que le nombre de victimes est très faible. Ce virus est très transmissible, quand on s'y est attelé quelque part autour du 10 ou 15 mars pour les Européens, le nombre de patients était déjà élevé. On s'aperçoit qu'on n'a pas les masques, les hôpitaux sont rapidement submergés. La seule solution possible à ce moment-là c'était le confinement.
Aujourd'hui quelles leçons tirer ?
D'abord refondre complètement le système d'alerte internationale pour que l'alerte aille vite. Pour que l'OMS soit indépendante et puisse publier en temps réel toutes les informations qu'elle a sans avoir à passer par l'autorisation d'un gouvernement. Pour que l'OMS puisse aller dans les pays pour enquêter. Décider que dès qu'il y a une déclaration d'urgence du directeur général de l'OMS, le monde se mette en marche. Là, il a fallu six à huit semaines avant que les choses ne bougent.
Le monde est-il en marche sur la vaccination ?
Oui, mais de manière inégale. Il y a maintenant dans les pays riches, 4,3 milliards de doses de vaccins pré-achetées pour une population de 1,16 milliard d'habitants. Plus de deux fois la quantité nécessaire, alors que dans le reste du monde et singulièrement dans les pays à ressources limitées, la couverture vaccinale est actuellement de moins de 1%.
Les pays riches doivent donner ou transmettre leurs surplus aux pays à ressources limitées. Nous demandons que ce soit un milliard de doses d'ici septembre 2021, et deux milliards de doses d'ici la moitié de l'année 2022.
Michel Kazatchkineà franceinfo
Il faut repenser le système et faire en sorte que ces vaccins soient un bien public mondial, c'est-à-dire pas la propriété d'un laboratoire qui dicte les prix.
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