Covid-19 : l'imbroglio autour du pass sanitaire à l'Assemblée en trois actes
Le gouvernement a été contraint de revoir l'article premier du texte, rejeté mardi soir par l'Assemblée nationale, y compris par le MoDem, afin que celui-ci soit finalement adopté dans la nuit de mardi à mercredi.
"Il est important que la majorité puisse s'appuyer sur plusieurs piliers. La réduire à une expression unique, ce n'est pas bon." Invité mercredi 12 mai de franceinfo, le patron des députés MoDem n'a pas caché sa satisfaction. Il faut dire que Patrick Mignola a réussi son coup : quelques heures plus tôt, son groupe, pourtant membre de la majorité présidentielle, a mené une fronde à l'Assemblée nationale autour du projet de loi de sortie progressive de l'état d'urgence modifié et son controversé pass sanitaire. Ce qui a mis La République en marche (LREM) en minorité.
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Le gouvernement a été contraint de revoir l'article premier du texte, rejeté en fin de journée par l'Assemblée, y compris par le MoDem, afin que celui-ci soit adopté. Franceinfo revient sur ce couac qui s'est joué en trois actes.
Acte 1 : un projet jugé trop flou par le MoDem
Tout commence mardi en fin d'après-midi, lorsque le gouvernement présente aux députés son projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire. L'enjeu est de taille : il s'agit de déterminer les mesures qui seront mises en œuvre une fois l'état d'urgence sanitaire levé, le 2 juin. L'exécutif souhaite instaurer un régime "transitoire" jusqu'à la fin du mois d'octobre, au cours duquel il n'aura pas de possibilité d'instaurer un confinement national, mais pourra mettre en place un couvre-feu.
L'article premier du projet acte également la création d'un pass sanitaire, dont Jean Castex a présenté les contours quelques heures plus tôt dans les colonnes du Parisien : pour voyager et accéder à certains grands rassemblements, les Français devront présenter un certificat de vaccination, un certificat de rétablissement ou un test PCR négatif.
Membre de la majorité, le parti de François Bayrou ne l'entend pas de cette oreille. Le groupe centriste plaide pour une période de transition raccourcie d'un mois, davantage de précisions sur l'utilisation du pass sanitaire, et l'introduction dans le texte de signaux encourageants envoyés à la jeunesse, comme la possibilité de rouvrir les boîtes de nuit via l'utilisation de ces fameux certificats. Député MoDem des Yvelines, Bruno Millienne explique la position de son groupe au micro de LCP.
[Sortie de l'état d'urgence sanitaire]
— Bruno Millienne (@BrunoMillienne) May 11, 2021
L'état d'urgence n'a pas de raison d'être au delà de septembre.
Avant de voter le pass sanitaire, pour lequel nous sommes favorables car il garantit un espace de liberté supplémentaire, nous demandons des précisions sur ce dernier. pic.twitter.com/T7He73wnao
Acte 2 : un vote "contre" embarrassant pour le gouvernement
Ne s'estimant pas entendu, le groupe MoDem décide donc de voter "à l'unanimité" contre l'article premier du texte, mettant le gouvernement en échec. "Depuis le début, nous avions donné des lignes rouges (...) or nous constatons qu'il n'y a pas eu de dialogue", a déploré au micro le député vendéen Philippe Latombe (MoDem).
Le groupe MoDem, allié de la majorité, "a voté à l'unanimité contre l'article premier", confirme @platombe. "Nous avions donné des lignes rouges. [...] Nous constatons qu'il n'y a pas eu de dialogue, pas eu d'écoute."#DirectAN #CriseSanitaire #Covid19 pic.twitter.com/DbD8xqRyLA
— LCP (@LCP) May 11, 2021
La fronde du groupe centriste provoque la satisfaction de l'opposition, de droite comme de gauche. "Je suis très heureux de ce moment politique et parlementaire", s'est ainsi félicité le député La France insoumise du Nord Ugo Bernalicis, estimant que l'exécutif avait tenté de "marcher sur le Parlement". "Voilà ce qui arrive quand on traite par le mépris la représentation nationale", abonde le député Les Républicains des Yvelines Philippe Gosselin.
Rejet de l'article premier : "Voilà ce qui arrive quand on traite par le mépris la représentation nationale", constate @phgosselin. "On se trouve dans une situation forcément délicate", ajoute-t-il. "Vous penserez plus contrôle du Parlement."#DirectAN #CriseSanitaire #Covid19 pic.twitter.com/GxupXALz1m
— LCP (@LCP) May 11, 2021
La situation embarrasse jusqu'au Premier ministre. Invité mardi soir du journal télévisé de 20 heures de France 2, Jean Castex annonce que des négociations ont lieu pour "trouver un accord" et "régler ce problème".
Acte 3 : l'exécutif revoit (un peu) sa copie, le MoDem rentre dans le rang
Retour à l'Assemblée en fin de soirée de mardi. Devant l'Hémicycle, Olivier Véran tente de calmer les esprits. "Le gouvernement n'est pas sourd au message qu'a envoyé la représentation nationale cet après-midi", lance le ministre de la Santé, dans un brouhaha interrompu par des suspensions de séance successives.
Seconde délibération : "Le gouvernement n'est évidemment pas sourd au message que lui envoie la représentation nationale", explique @olivierveran, qui propose de mettre fin au régime transitoire le 30 septembre, comme le proposaient les députés MoDem.#DirectAN #Covid19 pic.twitter.com/wUqKDqfXm9
— LCP (@LCP) May 11, 2021
En guise de gage aux alliés centristes, l'exécutif accepte finalement d'écourter la période de transition pendant laquelle des restrictions de libertés restent à sa disposition face à la pandémie, du 2 juin à fin septembre, plutôt que fin octobre. Pas de concession en revanche sur le sujet de la réouverture des discothèques : le gouvernement s'en tient à la "clause de revoyure" promise au secteur en juin. Ainsi réécrits, l'article premier et le projet de loi, voté par 208 voix contre 85, sont finalement adoptés en première lecture dans la nuit de mardi à mercredi. Le Sénat doit désormais s'emparer du texte en séance le 18 mai.
L'affaire pourrait toutefois laisser des traces au sein de la majorité. Au-delà du fond, la forme des débats a en effet particulièrement exaspéré les députés, qui ont pointé du doigt une attitude jugée désinvolte voire méprisante du ministre de la Santé, Olivier Véran, et du secrétaire d'Etat à la transition numérique, Cédric O, lundi soir. "On a eu un rapporteur absent qui lisait ses fiches et deux ministres au banc qui ont passé beaucoup de temps sur leurs portables", a ainsi déploré le MoDem Bruno Millienne.
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