Covid-19 : le couvre-feu est-il efficace pour lutter contre l'épidémie ?
Cette mesure, qui constitue la principale annonce lors de l'interview d'Emmanuel Macron mercredi soir, doit entrer en vigueur en Ile-de-France et dans huit métropoles dès samedi. Mais son efficacité ne fait pas l'unanimité parmi les scientifiques.
Les Français devront bientôt composer avec une règle supplémentaire pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. Emmanuel Macron a confirmé, mercredi 14 octobre, qu'un couvre-feu entre 21 heures et 6 heures s'appliquerait dès samedi 17 octobre, en Ile-de-France et dans huit métropoles (Grenoble, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Saint-Etienne et Toulouse). Ce dernier durera au moins "quatre semaines", mais pourrait être étendu à six semaines avec l'accord des parlementaires.
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Comment cette mesure se justifie-t-elle sur le plan scientifique ? A-t-elle prouvé son efficacité pour briser les chaînes de contamination ? Voici quelques éléments de réponse.
Le couvre-feu a fonctionné en Guyane, selon une étude
Peu de données sont disponibles sur l'efficacité du couvre-feu pour lutter contre une épidémie. Avant la crise du Covid-19, cette mesure n'avait jamais été instaurée pour une raison sanitaire, rappelle l'historien Patrick Zylberman, cité par Le Parisien (article payant). Néanmoins, "ce qu'on appelle le couvre-feu est une mesure qui est pertinente", a assuré Emmanuel Macron mercredi soir, car il permet "le ralentissement des contacts sociaux".
Pour justifier la mise en place d'une telle mesure, le président a notamment eu recours à l'exemple de la Guyane, où le couvre-feu a été expérimenté selon des modalités variables depuis le printemps. D'après une étude prépubliée lundi, à laquelle l'Institut Pasteur a contribué, et que Libération a relayée, il a permis de réduire de 36% le taux de transmission du virus. "Du fait du couvre-feu, nous avons bénéficié d'une réduction de moitié du pic d'hospitalisations en réanimation", a aussi expliqué Clara de Bort, directrice de l'Agence régionale de santé Guyane, sur franceinfo.
"Depuis le déconfinement, on voit bien que l’ensemble des mesures de précaution, comme le port du masque, la distanciation physique, l’incitation au télétravail et l’interdiction des grands rassemblements, ne sont pas des obstacles mais des freins à l’épidémie", ajoute dans Libération Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie des maladies infectieuses à l’université de Montpellier (Hérault). "Le R0 reste en ce moment compris entre 1 et 1,3. Il nous manque encore environ un demi-point de baisse pour arriver à contrôler la situation", ajoute-t-il pour justifier la mise en place d'une telle mesure.
"Bien sûr, dans les petites villes, cela ne sert et ne change rien, mais on ne peut nier une certaine vie nocturne à Paris, Madrid ou Berlin", relève aussi pour 20 Minutes Michaël Rochoy, médecin généraliste et chef de clinique de l'université de Lille (Nord). Et l'expert d'indiquer qu'"on sait qu’on a deux fois plus de chances de se contaminer au restaurant ou au bar qu'ailleurs".
Les foyers de contamination laissés de côté
D'autres spécialistes sont plus partagés. "Le problème, c'est qu'on ne peut établir de corrélation certaine [entre couvre-feu et réduction des contaminations] puisque le couvre-feu n'était pas la seule mesure imposée en Guyane pour endiguer le virus", souligne ainsi Michèle Legeas, enseignante à l’Ecole des hautes études en santé publique, spécialiste de l’analyse et de la gestion des situations à risques sanitaires, dans 20 Minutes.
Par ailleurs, "on ne sait pas réellement quand et comment se fait la transmission du coronavirus", même si "on constate aujourd’hui [qu'il] circule beaucoup en France dans la tranche d'âge des 15-45 ans" et qu'on "suppose que cette tranche d’âge sort le soir", indique-t-elle.
Enfin, s'il permet de limiter les conséquences économiques sur les entreprises, le couvre-feu ne remplace pas la fermeture des lieux qui constituent les principaux clusters, soulignent des experts. "C'est beaucoup en entreprise, dans les universités et les écoles", relève Nathan Peiffer-Smadja, infectiologue au CHU Bichat, à Paris, sur franceinfo.
Les entreprises hors établissements de santé (25%), le milieu scolaire et universitaire (21%), le milieu familial élargi et les évènements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes (17%) sont ainsi les principaux foyers de transmission hors Ehpad, souligne Santé publique France, dans son dernier point hebdomadaire du 8 octobre. Il aurait donc fallu insister davantage sur "le télétravail qui est important car on voit énormément de clusters en entreprise", estime Nathan Peiffer-Smadja.
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