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Dividendes aux actionnaires : cela doit "être jugé au niveau de l'entreprise, pas au niveau d'une branche" estime le président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie

Pour Philippe Darmayan, la crise du coronavirus met l'industrie "face à un risque de déclin phénoménal et qui n'a rien à voir avec ce que nous avons vécu en 2009".

Article rédigé par franceinfo
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"Moi, je fais confiance aux chefs d'entreprise. Je n'appelle pas à ne plus verser de dividendes", déclare Philippe Darmayan, le président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie. (ERIC PIERMONT / AFP)

L'activité économique française baisse de 30% chaque mois de confinement, soit environ 75 milliards d'euros de manque à gagner, voir plus. Le président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, et président d'ArcelorMittal France, appelle à une reprise rapide de l'activité en France. Sur les dividendes versés aux actionnaires : "cela doit être jugé au niveau de l'entreprise et pas au niveau d'une branche.", estime Philippe Darmayan.

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franceinfo : Le déconfinement progressif le 11 mai, c'est trop tard pour vous ?

Philippe DarmayanOui, c'est trop tard. D'ailleurs, le président de la République lui-même l'a dit, toutes les installations qui sont capables de travailler de façon sanitairement irréprochable et qui ne sont pas interdites par le gouvernement doivent fonctionner. Nous ne travaillerons pas demain ou aujourd'hui comme on travaillait hier. Cela demande une analyse des risques, une organisation du travail différente et cela se prépare. Il faut le faire dès maintenant si on veut être capable de faire une vraie reprise.

L'UIMM regroupe 42 000 entreprises et 1,5 million d'emplois en France. Automobile, sidérurgie, équipementiers, des secteurs sont-ils plus touchés que d'autres ?

Les industries les plus touchées sont celles qui font face au consommateur, donc l'automobile, par exemple. L'aéronautique, elle, n'a plus de compagnies aériennes comme clients. Ces industries sont extrêmement touchées avec à peu près 15% d'activité par rapport à ce qu'elles sont capables de faire. C'est quand même incroyable ! On est face à un risque de déclin de l'industrie qui est phénoménal et qui n'a rien à voir avec ce que nous avons vécu en 2009. Je crois que plus on attend et plus le risque de licenciement économique va s'accroître. Si aujourd'hui je pousse autant pour que effectivement reprise se fasse dans toutes les usines, c'est bien pour que on aille vite et qu'on évite cela et que le personnel reste attaché à nos entreprises, parce que l'on voit un espoir de commandes arriver.

Les salariés vont-ils suivre ? On voit une vive opposition syndicale. Que dit le président de l'UIMM ?

On a commencé par discuter avec eux, par signer une déclaration commune avec la CFDT, FO et la CFE-CGC. La CGT a discuté et n'a pas fait partie des gens qui ont signé avec nous, peu importe. Nos entreprises de la métallurgie font de même et signent là aussi des accords de fonctionnement, des accords de reprise. Et là, la CGT, souvent signe. Le dialogue social, avec ou sans signature, est fondamental. Ce que nous faisons, c'est d'ouvrir les portes, discuter de façon concrète sur les guides pour reprendre l'activité, sur les guides de pratiques sanitaires.

Mesures de chômage partiel, report de charges, facilitation du crédit, mercredi, le conseil des ministres a adopté un projet de loi de finances rectificative pour 2020. Évidemment, le budget ne tient plus, avec 110 milliards d'euros mis sur la table par l'Etat pour soutenir l'économie. L'Etat doit-il faire plus ?

L'Etat a fait beaucoup, on est tous admiratifs devant ce qu'il a fait. Bruno Lemaire fait clairement le job. J'écoute ce qu'il dit et il adapte au le jour en fonction de ce qui lui remonte. Donc, on était à 45 milliards, on est passé à 100 et hier j'ai entendu 110 et je ne doute pas qu' il va faire le maximum. Mais il faut que tous les Français aient en tête que la meilleure façon d'assurer le futur, c'est la reprise d'activité. L'Etat peut effectivement temporairement faire des choses, il en fait beaucoup, mais c'est la reprise d'activité qui est l'assurance tous risques des industries françaises.

Bien avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19 et de la récession, le gouvernement avait lancé le pacte productif en faveur de l'emploi avec à la clé des baisses de charges. Qu'en est-il de ce pacte qui a volé en éclats, selon vous ?

Je travaille quotidiennement avec Bercy sur le pacte productif. Les problèmes que nous avions avant, nous les aurons demain. Les solutions que nous avions imaginé avant doivent effectivement arriver demain, mais nous travaillons bien sûr à aller plus loin sur le pacte productif avec les enseignements que nous avons de cette crise, avec des choses comme la souveraineté en matière industrielle. Est-il normal qu'en matière de santé, les médicaments soient faits en Chine ?

Vous demandiez aussi, à travers ce pacte productif, une baisse des coûts de production à hauteur de 20 milliards d'euros sur cinq ans. Est ce que l'Etat peut être sur tous les fronts en ce moment?

Il y aura besoin d'une relance au niveau de la consommation et il y aura besoin d'une relance qui assure le fait que nos industries sont compétitives. Si on veut avoir une souveraineté française en matière industrielle, il va falloir être compétitif, c'est tout à fait fondamental. Je pense qu'il faut regarder l'ensemble des prélèvements obligatoires, que ce soient les impôts de production, les charges sociales. Nous avons un enjeu total. On a commencé par travailler historiquement sur les charges sociales, ensuite, les impôts de production. Mais on voit bien que c'est un ensemble, il faudra aussi regarder la question du coût du carbone, donc beaucoup de choses à regarder.

Beaucoup d'entreprises suspendent ou restreignent le versement de dividendes à leurs actionnaires et aux salariés qui sont concernés par des accords d'intéressement. Quelles consignes donnez vous aux entreprises adhérentes à l'Union des industries métallurgiques?

Moi, je fais confiance aux chefs d'entreprise. Je n'appelle pas à ne plus verser de dividendes, je dis qu'il y a des entreprises qui font appel aux ressources de l'Etat pour passer la crise, il y en a qui ne le font pas. Les chefs d'entreprise ont à gérer leur entreprise : le dividende, comme les salaires, comme l'emploi, c'est l'ensemble de ces choses-là qui doit être jugé au niveau de l'entreprise et pas au niveau d'une branche.

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