: #EtAprès Coronavirus : le tracking numérique est un moyen, mais pour quelle fin ?
Plus que leur efficacité, ce sont les conditions d'utilisation des applications de tracking qui interrogent. Mélanie Heard pose les conditions dans lesquelles elles permettraient d'identifier les contacts des malades et de lutter contre l'épidémie.
Coronavirus : et après ? franceinfo ouvre le débat. Un échange à grande échelle pour stimuler et partager des questions, des idées, des témoignages et ouvrir le débat le plus largement possible sur les solutions de demain : #EtAprès, qu’est-ce qui doit changer ? Cette contribution de Terra Nova est signée par Mélanie Heard, enseignante-chercheuse au Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI) et co-coordonnatrice du pôle santé de Terra Nova.
#EtAprès. Face aux épidémies, les professionnels de santé publique ont un répertoire de mesures bien codifié. Le cœur du dispositif, c’est de casser les chaînes de transmission : identifier les malades, remonter la chaîne de leurs relations sociales durant les jours précédents, et convaincre les contacts ainsi identifiés de s’isoler eux aussi. On parle d’isolement des cas, de traçage de leurs contacts, et de quarantaine de ces contacts.
Cette triade est efficace dans la lutte contre le Covid-19. Les données, venues de pays dans lesquels ces mesures sont appliquées, le démontrent. Les modèles le confirment. Les questions demeurent vastes cependant.
Des questions sur le timing, d’abord.
On commence à parler de ces mesures pour la sortie du confinement. Mais ces mesures ont été esquissées avant, du temps des clusters. On pourrait tirer bien des leçons de ces premières étapes, sans doute. L’une, au moins, est claire : le traçage des contacts n’a pas été facile. Les équipes qui s’y sont dédiées dans les Agences Régionales de Santé ont été à la peine, enchaînant les entretiens téléphoniques avec les cas pour identifier leurs contacts récents, peinant à assurer que tous, cas et contacts, soient effectivement isolés dès qu’une contagion était suspectée. La réactivité n’était pas au rendez-vous. Une appli, permettant d’informer chacun en temps réel de son exposition à un risque, résoudrait ce problème.
Des questions sur les modalités juridiques et politiques, ensuite.
Volontariat ou obligation ? Faut-il recommander aux personnes malades, et à leurs contacts, de s’isoler ? Faut-il les y obliger, moyennant sanction ? Le débat est classique en santé publique. La question est de déterminer quels sont les bons outils pour convaincre les individus d’adopter les bons comportements. Le volontariat a ses mérites, en responsabilisant chacun pour soi-même et pour les autres. La coercition peut en avoir aussi, s’il y a des raisons de penser qu’elle est plus efficace. Le débat n’a de sens qu’avec des données d’efficacité à l’appui : elles seules peuvent permettre de juger si une atteinte aux libertés est ou non proportionnée aux bénéfices qu’on en attend.
Il est possible que la mise à disposition d’une appli numérique de "tracking" aide à convaincre les individus d’adopter les bons comportements. Les applis actuellement à l’étude sont construites dans ce but : basées sur la technologie Bluetooth, elles visent à ce que l’on puisse facilement, et surtout instantanément, remonter d’un cas jusqu’à ses contacts récents, pour les avertir du risque de contagion encouru et de la nécessité de s’isoler. Elles reposent sur le volontariat. Les données résident dans le téléphone de chaque utilisateur et il n’y a pas de risque pour les libertés. Ces applis peuvent être un outil au service de l’adoption des bons comportements : un outil d’information sur le niveau de risque de chacun, un outil de sensibilisation sur la façon de se protéger et de protéger autrui, un outil, enfin, de suivi, à des fins de recherche, des comportements individuels sur lesquels repose, de fait, le contrôle de l’épidémie.
>> Aller plus loin : Faut-il recourir au numérique pour faciliter la sortie du confinement ?, Terra Nova, 6 avril 2020
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