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#EtAprès Faire face aux événements extrêmes : le prix de la résilience

Pour Antoine Guillou et Simon Matet, le marché seul ne peut permettre d'anticiper des crises comme celle du coronavirus.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La promenade des Anglais, à Nice, le 11 mai 2020. (VALERY HACHE / AFP)

Coronavirus : et après ? franceinfo ouvre le débat. Un échange à grande échelle pour stimuler et partager des questions, des idées, des témoignages et ouvrir le débat le plus largement possible sur les solutions de demain : #EtAprès, qu’est-ce qui doit changer ? Cette contribution est signée par Antoine Guillou et Simon Matet, économistes dans les pôles Economie verte et chiffrage de Terra Nova.


Un homme condamné à un an de prison pour trafic de masques, des dealers toulousains qui en proposent à la vente : notre pays s’est retrouvé, en l'espace de moins d’un mois, en pénurie de produits vitaux. L’Etat a procédé à des réquisitions, interdit la vente de masques. Les petits malins qui avaient constitué des stocks pour les revendre ont été poursuivis, leur marchandise confisquée. A l’inverse, des industriels se sont transformés en héros inattendus en adaptant leurs usines pour produire des biens vitaux.

Cette situation témoigne de la faiblesse de notre stratégie pour faire face aux risques extrêmes et d’un déficit de débat démocratique à ce sujet. Ces choix sont pourtant cruciaux : à quels types de risques veut-on se préparer ? De quelle manière ? Et à quel prix ? Ce sont des choix au long cours, qui ne peuvent tolérer le "stop and go" et les économies de court-terme. L’exemple de la gestion des stocks de masques entre l’épidémie de H1N1 en 2009 et la crise actuelle en témoigne.

Une stratégie publique est donc nécessaire. Elle doit être débattue démocratiquement pour décider des risques que nous voulons couvrir ou non et définir l’organisation économique nécessaire pour assurer notre résilience en période de crise. Le marché seul ne peut garantir que des stocks et des capacités de production seront mobilisables très rapidement. Un investisseur privé ne peut que difficilement miser sur la perspective de couvrir ses dépenses grâce à la hausse des prix au moment où une pénurie interviendra, car il y a fort à parier que les prix seraient alors régulés par les pouvoirs publics.

De manière générale, compter sur le seul marché serait assez inefficace compte tenu de la difficulté des acteurs économiques à anticiper de tels événements et à prendre les décisions appropriées.

Antoine Guillou et Simon Matet

Il faut donc recourir à des interventions publiques : constituer des stocks publics ou imposer aux entreprises privées de le faire, mais surtout rémunérer les infrastructures ou les capacités de production supplémentaires, basées sur des chaînes d’approvisionnement sûres, en mesure d’être mobilisées en cas de crise. Cette approche existe d’ores et déjà dans certains secteurs, comme l’énergie : il faut la généraliser à tous les domaines clés.

Outre la constitution de stocks dans les secteurs où c'est pertinent (tous les produits ne s’y prêtent pas), on pourrait imaginer, à l’échelle française ou européenne, des appels d’offres où les industriels localisés au sein de l’Union Européenne pourraient faire valoir leur capacité à adapter rapidement leurs outils pour produire des biens vitaux en temps de crise de façon résiliente. Nous pourrons ainsi inciter au rapatriement et à la constitution de capacités industrielles pour faire face aux risques extrêmes, et relancer à la fois notre économie et l’autonomie stratégique que le président de la République appelait de ses voeux à l’issue du Conseil européen du 23 avril.

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