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Infographies Covid-19 : pendant la pandémie, le "made in China" ne connaît pas la crise

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le président chinois Xi Jinping, le 17 mars 2021. (LI XUEREN / XINHUA / AFP)

Première touchée et première relevée, la Chine semble être la grande gagnante économique de la crise sanitaire. Depuis un an, la part du géant d'Asie dans le commerce mondial s'est considérablement accrue.

Au milieu de la crise sanitaire, certains tirent leur épingle du jeu. Alors que la pandémie de Covid-19 continue de paralyser une grande part de l'économie mondiale, les usines chinoises fonctionnent à plein régime. En plus de faire partie des rares pays à avoir terminé l'année 2020 en croissance (+ 2,3%), le géant d'Asie bat également des records de ventes à travers le monde. En France, la part des importations en provenance de Chine a ainsi bondi de 9,4% en 2019 à 11,5% en 2020.

Le phénomène est encore plus remarquable au niveau européen. En 2020, la Chine est devenue pour la première fois le premier partenaire commercial de l'Union européenne, devant les Etats-Unis, avec 586 milliards de dollars d'échanges (exportations et importations), comme le rapporte RFI.

Ce mouvement entre par ailleurs en contradiction avec les années précédentes, comme l'illustre le graphique ci-dessous, qui montre l'évolution de la part de la Chine dans le commerce mondial. La courbe commençait à dessiner un tassement à partir de 2015, voire une tendance à la baisse, avant de prendre son envol en 2020.

Quelle est l'explication d'un tel dynamisme ? Le Covid-19, répondent unanimement les économistes. Première touchée, la Chine a également été la première à sortir de la pandémie. Au printemps 2020, alors que la France et la majeure partie de ses voisins européens étaient à l'arrêt, le pays sortait de son confinement et relançait son économie par la même occasion. "La Chine avait retrouvé les trois quarts de ses capacités de production dès le mois d'avril 2020", explique Françoise Huang, économiste en charge de l'Asie pour l'assureur-crédit Euler Hermes. Et la stratégie "zéro Covid" mise en place par Pékin a empêché la reprise de la pandémie. Bien que ces chiffres soient contestés, la Chine assure n'avoir déploré que 208 décès dus au Covid-19 depuis mai 2020, d'après les statistiques compilées par Our World in Data.

L'effet d'aubaine de la crise sanitaire

Avec ses usines de nouveau en état de marche, le géant chinois s'est retrouvé en situation de quasi-monopole. "La Chine a profité de l'arrêt de l'offre dans le reste du monde et du rebond de la demande pour gagner des parts de marché", analyse Christine Peltier, économiste spécialiste de la Chine chez BNP Paribas. Les besoins provoqués par la situation sanitaire ont gonflé les carnets de commandes. "La Chine a bénéficié de la conjoncture. Les autres pays du monde avaient besoin de produits médicaux et de matériel de bureautique pour le télétravail", précise l'économiste Mary-Françoise Renard, à la tête de l'Institut de recherche sur l'économie de la Chine (Idrec).

"L'économie chinoise a été moins affectée que le reste du monde. Et nous sommes allés combler nos besoins en Chine", constate également Bruno De Moura Fernandes, économiste chez l'assureur-crédit Coface. Mais les masques et les produits électroniques ne sont pas les seules marchandises qui ont gonflé la balance commerciale chinoise. "Les ventes dans la construction ou la décoration intérieure, par exemple, ont aussi augmenté", remarque Françoise Huang, précisant "qu'avec la fermeture des services dans la restauration, le divertissement et le voyage, il est possible qu'il y ait eu un report sur des biens de consommation produits en Chine".

En Europe, le boom du made in China pendant la crise sanitaire a fait office de déclic. "Il y a eu une prise de conscience en 2020. Nous nous sommes rendu compte de notre forte dépendance vis-à-vis de la Chine", confirme Bruno De Moura Fernandes. En plein confinement, au printemps dernier, Emmanuel Macron avait clairement exprimé la volonté de relocaliser certaines industries en Europe, comme le relayait France Culture.

"ll nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d'autonomie stratégique pour notre Europe."

Emmanuel Macron

le 13 avril 2020

Mais les experts restent sceptiques quant à l'effet réel de ces annonces. "Les gouvernements ont pris conscience qu'il y avait un danger, notamment dans l'industrie pharmaceutique. Dans ce secteur, il va probablement y avoir des changements. Mais pour le reste, les investisseurs européens devraient rester opportunistes. Le marché chinois est trop intéressant pour qu'ils prennent leurs distances", analyse Damien Cubizol, économiste au Centre d'études et de recherches sur le développement international de l'université Clermont Auvergne. Pour Mary-Françoise Renard, la question des relocalisations appelle d'abord une réflexion de fond sur l'indépendance et les secteurs stratégiques à défendre. Mais, selon elle, ce débat n'a pas été engagé. "Cela demande de mettre en œuvre une vraie politique industrielle. Or, ce n'est pas dans la culture de la France ou de l'Europe, où la priorité est plutôt donnée au libre-échange et à la libre-circulation des biens", explique l'économiste.

En attendant, la forte demande des produits made in China devrait se confirmer dans les prochains mois. "Dans la mesure où il paraît difficile que l'Europe retrouve pleinement ses capacités de production cette année, il est probable que les gains acquis par la Chine en 2020 se poursuivent en 2021", prévoit Françoise Huang. Et le pays devrait retrouver son rythme de croissance d'avant-crise dès cette année. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit ainsi une hausse de 8,4% du produit intérieur brut (PIB) chinois, rapportent Les Echos. De quoi maintenir l'avance prise en 2020 sur les autres grandes économies du monde. "En 2021, l'économie chinoise devrait connaître une vraie croissance. Alors que les pays européens vont tout d'abord devoir revenir au niveau d'avant-crise", prévient Damien Cubizol.

Une volonté de monter en gamme

Pour Mary-Françoise Renard, il ne faut cependant pas surinterpréter les gains commerciaux engrangés par la Chine depuis un an. "Certes, le pays bénéficie de la conjoncture. Mais il garde aussi ses points faibles, comme un fort endettement des gouvernements locaux qui sont en charge des politiques économiques", nuance l'économiste. Pour la chercheuse, la pandémie pèse également sur les grands programmes de modernisation de la Chine. "Le pays doit faire un certain nombre de réformes structurelles. Et chaque crise retarde ces réformes", explique Mary-Françoise Renard.

Le véritable défi que la Chine doit relever pour les années à venir consiste en réalité à dépasser son statut de "plus grande usine du monde". C'est tout l'enjeu du programme "Made in China 2025", présenté en 2015, et qui vise à faire monter en gamme l'industrie chinoise en investissant dans des secteurs comme la 5G, l'intelligence artificielle ou encore l'aéronautique. Or, cette stratégie n'est pas du goût des Etats-Unis, qui voient une menace pour leur sécurité nationale dans les velléités de développement technologique de la Chine. Une guerre commerciale a été lancée en 2018 par l'administration de Donald Trump. Et la ligne de fermeté semble rester identique avec l'arrivée au pouvoir du démocrate Joe Biden, qui n'a pas remis en cause les taxes douanières instaurées par son prédécesseur.

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