"La saison est pleine d’incertitudes" : la Ligue 1 reprend mais l'avenir économique des clubs reste préoccupant à cause du coronavirus
L'épidémie de Covid-19 est toujours présente en France et pourrait avoir de lourdes conséquences économiques pour les clubs professionnels de football.
C'est enfin la reprise pour la Ligue 1. Le match Bordeaux-Nantes est en ouverture de la première journée de championnat vendredi 21 août, à 19 heures. Cette affiche remplace celle entre Marseille et Saint-Etienne, reportée en raison de cas de coronavirus dans l'effectif marseillais. Un match qui se jouera en petit comité puisque seuls 5 000 abonnés ont été autorisés à prendre place dans les tribunes du Matmut Atlantique en raison des mesures sanitaires, mais c'est un match attendu.
Un retour de la compétition presque six mois après l'arrêt brutal du championnat qui n'aura jamais repris, contrairement aux voisins européens. Mais un retour de la Ligue 1 dans un contexte incertain car le coronavirus est toujours présent et ce n'est pas sans conséquences pour les clubs sur le plan économique.
605 millions d'euros de pertes de revenus
D’un point de vue économique, rien que pour les clubs de Ligue 1, donc l'élite du football français, l’inquiétude se chiffre en centaines de millions avec 605 millions d'euros de pertes de revenus, selon le cabinet Ernst and Young, qui a réalisé une étude pour le compte de Première Ligue, le nom du syndicat qui représente les clubs de Ligue 1. Cela représente les pertes déjà actées, c’est-à-dire l'argent qui est d'ores et déjà perdu, comme la billetterie, les transferts ou les droits TV.
Alors que le championnat doit redémarrer, la situation est inquiétante pour Bernard Caïazzo, le président de Première Ligue, et de l'AS Saint-Etienne : "La saison 2020-2021 nous soucie énormément, elle est pleine d’incertitudes. On ne sait pas si on va pouvoir accueillir le public dans nos stades. On sait aussi que le mercato [la période des transferts] va être plus faible."
On nous parle de droits TV en augmentation de 50%, mais cette hausse a été déjà mangée par la situation actuelle et par le fait que les mercatos vont être inférieurs à ce qu’on pouvait imaginer.
Bernard Caïazzo, président de Première Ligueà franceinfo
Pour Bernard Caïazzo, les mercatos "sont pénalisés par le fait de nous avoir obligés d’arrêter nos championnats et de ne plus être exposés sur la place internationale". Des joueurs moins bien vendus, des droits TV incertains en raison de la crise sanitaire, une billetterie réduite à la portion congrue, autant de facteurs qui fragilisent le modèle économique du football français.
La crainte d'un désengagement des sponsors
La part du sponsoring est encore limitée dans le budget des clubs, même si cela dépend des clubs. Il est difficile de comparer ceux de Lorient ou de Lens avec ceux du PSG. Mais cela inquiète Christophe Lepetit, économiste spécialiste du football et responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. Il craint de voir certains sponsors se désengager : "Aujourd’hui, on ne connaît pas la situation économique des sponsors du football français. Très certainement qu’une partie des sponsors a été très impactée par le confinement et les perspectives de court terme, donc ces sponsors ne pourront pas assumer leur train de vie et les contrats qui les lient au club."
Ces nouvelles pertes potentielles, le cabinet Ernst and Young les a anticipées. La nouvelle saison s'annonce difficile pour les clubs de Ligue 1, la perte de chiffre d'affaires serait comprise entre 659 millions d'euros, pour l'hypothèse optimiste, et près d'un milliard d'euros (951 millions) pour le scénario le plus pessimiste, c'est-à-dire un nouvel arrêt du championnat ou une jauge à 5 000 spectateurs jusqu'à la fin de l'année, avec des droits TV qui ne rentrent plus et des sponsors qui se retirent. Tout cela aurait des conséquences sur l'emploi direct et indirect, il y a entre 3 400 et 8 000 emplois menacés malgré les aides de l'État et notamment les mesures de chômage partiel.
Un modèle économique à réinventer
Le football français est mal en point, trop dépendant de données fluctuantes, comme la billetterie et surtout les transferts. La période est propice au changement de paradigme pour certains. "On peut se poser la question si cette crise qui touche tout le monde n’est pas l’occasion de discuter entre parties prenantes pour réinventer et fluidifier un modèle économique qui montre ses limites, explique l'économiste du sport Christophe Lepetit. On est dans un monde qui est soumis à des contextes et à des mutations profondes qui pourraient amener à la suspension ou à l’annulation de certaines saisons, des impossibilités de déplacements, etc."
La période est idéale pour justement construire un football plus sobre, plus durable et le rendre moins sensible à ce type d’attaques extérieures que nous vivons actuellement.
Christophe Lepetit, économiste du sportà franceinfo
Les clubs attendent aussi un coup de pouce de l'État, pas seulement dans l'immédiat, et pas seulement des aides financières comme l'exonération des charges patronales. Mais des décisions plus durables et qui peuvent parfois prêter à polémique comme celle d'assouplir la loi Evin et d'autoriser à nouveau la vente d'alcool dans les stades, ou la possibilité pour les marques d'alcool de devenir sponsor, ce qui est interdit. Cela pourrait revenir sur la table en fonction de la tournure que prend la saison.
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