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Noël au temps du Covid-19 : on vous explique "l'effet Thanksgiving" tant redouté à la veille des fêtes en France

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une famille partage un repas de Thanksgiving, le 26 novembre 2020, à Los Angeles (Californie). (BRANDON BELL / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Le nombre de contaminations au Covid-19 bat des records aux Etats-Unis. Experts et politiques répètent à l'unisson que le pays subit les conséquences des fêtes de Thanksgiving, mais les données sanitaires dressent un état des lieux plus contrasté.

Des épidémiologistes invités sur les plateaux de télévision aux responsables politiques interrogés sur l'épidémie de coronavirus, en passant par le dernier avis du conseil scientifique, tout le monde brandit le même avertissement : "Il faut éviter l'effet Thanksgiving." Comme un réveillon avant Noël, Thanksgiving est une fête populaire en Amérique du Nord. Elle est célébrée chaque quatrième jeudi de novembre aux Etats-Unis. Les Américains se déplacent alors par dizaines de millions à travers le pays, pour se retrouver en famille autour de la traditionnelle dinde.

Cette année, Thanksgiving tombait le 26 novembre, en pleine vague épidémique, faisant craindre "une flambée dans la flambée" aux médecins américains*. Trois semaines après les festivités, les données sanitaires permettent d'en mesurer les premiers effets et les résultats témoignent d'une situation très disparate.

Si plusieurs Etats ont vu la contagion s'intensifier, d'autres sont plutôt épargnés. Au niveau national, hormis un rebond dans les jours qui ont suivi le week-end de fête, le tsunami redouté par les autorités sanitaires ne semble pas s'être produit. Les experts appellent tout de même à la prudence face aux sinistres records de contaminations, d'hospitalisations et de décès, enregistrés jour après jour.

Une fête en pleine troisième vague

Thanksgiving est tombé au plus mauvais moment pour les Etats-Unis. Le pays fait en effet face à une troisième vague épidémique entamée au mois d'octobre et qui s'avère beaucoup plus virulente que les deux précédentes, survenues au printemps et à l'été. Les données sur le nombre de patients hospitalisés pour une infection au Covid-19, compilées par le Covid Tracking Project*, lancé en mars par deux journalistes et un scientifique américains, témoignent de l'intensité de la crise épidémique actuelle. Aux pics des deux premières vagues, le nombre d'hospitalisations approchait des 60 000. En cette fin d'automne, ils sont plus de 110 000.

A la veille du week-end de Thanksgiving, le nombre des nouvelles contaminations par jour commençait à ralentir. Un pic épidémique semblait alors se dessiner, laissant espérer un plateau, voire une baisse.

Quelques jours plus tard, l'épidémie repart. Après la baisse du nombre de nouveaux cas de Covid-19 pendant le week-end de fête – qui s'explique en partie par la fermeture de nombreux laboratoires –, un sursaut brutal se produit le 2 décembre et s'accentue dans les jours suivants. Le nombre de nouvelles contagions a ainsi rebondi pour atteindre le chiffre record de plus de 210 000 nouveaux cas diagnostiqués le 18 décembre (en moyenne sur sept jours).

Aux yeux de certains chercheurs, le sursaut est malgré tout moins fort que redouté. Deux semaines après le week-end de Thanksgiving, les nouvelles contaminations dessinent un plateau, signe que la circulation du virus n'accélère plus, comme le souligne l'épidémiologiste Ellie Murray, interrogée par la radio américaine NPR*. "Le tsunami vraiment massif de cas ne s'est pas produit. Ce qui suggère que les précautions prises par les [Américains] étaient plutôt bonnes", souligne la chercheuse, enseignante dans le département de santé publique de l'université de Boston.

Des effets variables selon les Etats

En réalité, la situation est très disparate sur le territoire. La flambée des nouveaux cas est visible dans une poignée d'Etats : l'Alabama, l'Arizona, la Californie, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Floride, la Géorgie, le Maine, le Mississippi, l'Etat de New York, la Pennsylvanie et le Tennessee. Le nombre des nouvelles contaminations y a explosé depuis le 2 décembre. Cette hausse est particulièrement préoccupante en Californie, l'Etat le plus peuplé des Etats-Unis, qui recense actuellement près de 40 000 nouveaux cas par jour (en moyenne sur sept jours).

D'autres Etats échappent à cette flambée de contaminations, comme le Colorado, le Dakota du Sud, l'Illinois, l'Iowa, le Michigan, le Minnesota, le Montana, le Nebraska et le Wyoming. La dynamique y était déjà à la baisse avant Thanksgiving, et l'événement ne semble pas avoir inversé cette tendance.

Ces chiffres divisent les scientifiques américains. Dans une analyse publiée sur son compte Twitter* à partir des données de trois Etats américains, le biostatisticien Trevor Bedford constate plutôt un effet à la baisse au lendemain de Thanksgiving. Interrogée par le New York Times* sur la forte hausse des contagions recensées le 17 décembre, l'épidémiologiste Catherine Troisi se refuse à établir un lien direct de cause à effet avec les rassemblements de Thanksgiving, mais n'exclut pas "qu'il y a certainement un lien". Pour cette spécialiste des infections virales, chercheuse dans le département de santé publique du Texas, la plupart des personnes contaminées pendant le week-end de Thanksgiving et qui présentaient des symptômes sont désormais censées être connues. Mais elles ont pu infecter d'autres personnes, qui n'apparaissent que maintenant.

Chez le voisin canadien, où Thanksgiving est célébré plus tôt, le 12 octobre cette année, les courbes de contamination au niveau national s'étaient envolées 24 jours après le week-end de fête.

En France, les autorités sanitaires attendent Noël avec beaucoup d'appréhension, alors que l'épidémie montre des signes de reprise depuis quelques jours. Dans un point presse organisé vendredi 18 décembre, Santé publique France (SPF) a tiré la sonnette d'alarme. Cette reprise, même limitée, inquiète, car elle intervient alors que la France est déjà "à un niveau préoccupant en termes de nouveaux cas, de charge hospitalière" et "à la veille de deux semaines particulières, qui sont des semaines de congés, de retrouvailles, de rencontres", a expliqué Laetitia Huiart, directrice scientifique de SPF. D'où les appels à la prudence pour les fêtes de Noël, afin d'éviter de trouver le Covid-19 sous le sapin.

* Les liens suivis d'un astérisque dirigent vers des sites en anglais.

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