Occuper sa progéniture pendant le confinement ? Pas tout à fait un jeu d'enfant, mais pas une épreuve insurmontable pour autant
Après une petite semaine confiné à la maison avec mes deux fils, voici un premier bilan, agrémenté de quelques conseils et solutions pour parvenir à s'en sortir.
"Le cauchemar commence." Je dois le concéder, c'est la première pensée qui m'a traversé l'esprit quand j'ai appris la fermeture des écoles "jusqu'à nouvel ordre", vendredi 13 mars, puis le confinement annoncé quelques jours plus tard, pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. L'équivalent de la double peine, en somme. Que vais-je bien pouvoir faire, pendant de longues semaines (au moins), pour occuper mes deux jeunes garçons de 2 et 5 ans, qui ont l'habitude d'apprendre, de jouer, voire de se défouler, à la crèche et à l'école ? Cette question, tous les parents ont dû se la poser avec plus ou moins d'angoisse depuis une dizaine de jours. Après une semaine enfermés entre quatre murs, la mission s'avère difficile, intense, souvent joyeuse, parfois tendue, mais pas insurmontable.
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"Je comprends la crainte des parents, parce que je la vis aussi", m'assure Cédric de Laurens, pédopsychiatre aux urgences du CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine). "Très égoïstement, je suis content d'être soignant, car je sais que je vais sortir de chez moi", souffle ce père de deux enfants. Pour lui, l'une des clés pour gérer au mieux ce confinement avec notre progéniture, c'est de créer un emploi du temps, "une structure, comme à l'école, car cela permet aux enfants de conserver des repères".
S'organiser pour éviter de paniquer
C'est exactement ce qu'a fait Salomé, mère séparée, trentenaire, qui vit à Rennes avec Andrea, 5 ans, dont elle partage la garde avec son mari une semaine sur deux. "J'ai fait un planning quotidien et je l'ai imprimé, je voulais qu'Andrea voie le programme". Cette cheffe d'entreprise spécialisée dans le marketing n'a pas particulièrement paniqué à l'annonce du confinement. Sa crainte était plutôt liée à l'organisation familiale, mais une fois celle-ci calée, elle s'est "conditionnée" à l'idée qu'elle allait s'occuper non-stop de son fils "très énergique, qui a besoin d'activités physiques".
Pour obtenir ce genre de planning – bien plus convaincant que mon tableau réalisé à la main sur une feuille A4 –, elle me conseille le site Canva, qui propose plusieurs habillages et dessins. Quand je l'interroge sur l'absence du dimanche, elle me répond que c'est "la journée freestyle". "C'est un jour off. Il fait ce qu'il veut, dans la limite du raisonnable".
Evidemment, le programme quotidien dépend de plusieurs paramètres : le nombre d'enfants à gérer, le temps et l'espace disponibles, les moyens matériels dont on dispose ou encore l'accès à internet... Car aujourd'hui, les ressources et les bonnes idées pullulent sur la toile. Quand les écoles ont fermé, la blogueuse Morgane Frimane – aucun lien avec son célèbre homonyme acteur – a eu l'idée de créer avec une amie un compte Instagram, coronaminus_kid, sur lequel elle ambitionne de poster une activité par jour avec son fils. Depuis une semaine, le succès est tel (plus de 20 000 abonnés) que le compte est devenu collaboratif. "On a été débordés par l'engouement", assure-t-elle. Preuve, s'il en fallait une, que mon inquiétude était partagée.
"Comme des vacances"
"On ne veut pas genrer les activités. Et on a une conscience écologique, surtout qu'on ignore quelles seront nos ressources dans quelques semaines", déclare la blogueuse. Elle me propose d'intéresser les petits à la cuisine. Ce qui me donnera l'occasion de m'y intéresser aussi. "J'utilise la pâte à pain plutôt que la pâte à sel, pour qu'on puisse la manger après", détaille-t-elle, avant d'embrayer sur le recyclage des cartons usagés. "On peut les utiliser pour toutes sortes de choses, comme des robots", assure-t-elle. Chouette, je vais devenir un as de la récup'.
L'important, c'est le temps passé sur la construction de l'objet plutôt que l'objet fini.
Morgane Frimane, blogueuseà franceinfo
Il faut aussi s'aventurer sur le terrain de jeu de son enfant. "Andrea est passionné de dinosaures, j'ai donc fait mes recherches, avance Salomé. On va en construire grâce à des cartons, on va simuler la recherche de fossiles dans de la pâte." Une activité pas forcément à la portée du plus jeune de mes enfants. Mais là encore, Morgane a une idée. "Pour les plus jeunes, on peut travailler la motricité fine avec du transvasement par exemple, ou proposer une activité peinture", rassure-t-elle. "Peu de choses doivent changer pour les enfants de moins de 3 ans par rapport à leurs habitudes, étaye le pédopsychiatre Cédric de Laurens. Pour eux, ça doit être comme un long week-end ou des vacances."
Les écrans pour un peu de répit, mais pas que
J'ai des idées de travaux manuels, très bien. Mais si je veux m'octroyer un moment de répit lors d'une transition entre deux activités, quelle est la méthode recommandée pour "s'évader" ? "C'est une demande qui revient souvent, sourit Morgane, et ça finit souvent devant la console ou la télévision." L'avis médical est sans appel : "Avant 3 ans, aucun écran", tranche Cédric de Laurens. Il reconnaît toutefois que ce temps d'autonomie est indispensable pour permettre aux parents de souffler. "Entre 3 et 7 ans, il doit y avoir un moment où l'enfant doit se débrouiller tout seul", précise-t-il. Sans forcément passer par les écrans. "Le moins possible, c'est mieux. Mais si c'est partagé en famille, pourquoi pas. Attention, en revanche, à ce que les 30 minutes ne se transforment pas en trois heures", prévient-il.
Partager en famille un programme de mon enfance, voilà une piste à creuser. Et il ne m'a pas échappé que le dessin animé Il était une fois... la vie, un programme parfaitement éducatif, était disponible sur Netflix. "Effectivement, ce dessin animé fera partie des possibilités durant la 'pause activité numérique'", souffle Salomé. Mais les dessins animés, ça va cinq minutes. Elle va s'appuyer sur le livre de Lydia Boukhrief et de son mari, le réalisateur Nicolas Boukhrief, 100 grands films pour les petits (éd. Grund, 2019) pour voir ou revoir des classiques de Disney (Fantasia, Blanche Neige et les Sept Nains, La Belle et la Bête), mais aussi découvrir d'autres films plus méconnus, et sur les offres jeunesse disponibles sur les plateformes de SVOD.
Mais si vous êtes vraiment réticent à l'idée de coller votre enfant devant un écran, sachez que des solutions existent. Les podcasts sont, par exemple, une piste fiable qu'il ne faut pas hésiter à suivre et à écouter : Une histoire et... Oli ou Taleming font partie des programmes vers lesquels on peut se tourner les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes. Autre (bonne) alternative, COLORI propose une activité originale : apprendre aux enfants à coder, sans écran.
"Apprendre à ralentir le rythme"
Je dispose désormais de pas mal de méthodes et d'outils pour occuper intelligemment mes garçons. Mais j'ai conscience que colorier, ou apprendre le langage binaire, ne va pas leur donner l'occasion de se dépenser. Or ils en ont besoin, et moi aussi. Là encore, des solutions simples existent. Si votre enfant pédale gaiement, il peut, par exemple, vous accompagner pendant votre footing, dans le respect des règles de confinement et des gestes barrières actuellement en vigueur, bien évidemment.
Pour plus de sécurité, et si vous disposez de la place nécessaire, vous pouvez également organiser vos séances de sport quotidiennes à la maison. "On peut imaginer du gainage avec votre enfant, qui rampe en dessous de vous. Ou des squats avec l'enfant en sac à dos", illustre Morgane Frimane. "L'enfant adore imiter ses parents, il faut qu'il voie cela comme un jeu", confirme le pédopsychiatre. La chaîne YouTube québecoise Mini Yoga peut devenir un précieux allié pour ce temps destiné à l'exercice physique. Elle propose des postures simples et des techniques de respiration pour les plus petits.
Votre corps vous dira merci et peut-être que votre enfant aussi. Car Salomé, Morgane Frimane ou Cédric de Laurens l'assurent : ces (longs) moments d'enfermement contraint et forcé doivent être bénéfiques pour tout le monde, les petits comme les grands. "Je vois cette période comme un moment hyper propice au niveau humain, assure la mère d'Andrea. On va passer beaucoup de temps ensemble, on va apprendre à ralentir par rapport à notre rythme habituel." Elle concède même qu'elle va "tourner en rond à la maison" sans son fils, puisqu'elle ne le gardera qu'à mi-temps pendant ce confinement.
Il y a peu de moments dans la vie où on peut appuyer sur pause. C'est une chance pour rebattre les cartes dans les relations intrafamiliales.
Cédric de Laurens, pédopsychiatreà franceinfo
"C'est peut-être une sale période, mais il faut essayer de se mettre à la place de l'enfant, qui est ravi de passer du temps avec ses parents", ajoute-t-il. C'est aussi le moment de rouvrir l'armoire à souvenirs et de ressortir les albums photos. "Les enfants adorent qu'on leur raconte des anecdotes, des souvenirs de famille. Ce sentiment d'appartenance à une famille est important", explique ce spécialiste... qui concède n'avoir jamais autant appelé la sienne que ces derniers jours. Et grâce aux applications Zoom ou Houseparty, qui permettent de maintenir du lien social grâce à des visioconférences, le confinement peut même prendre des allures festives. De là à regretter ces quelques semaines un peu hors du temps et à se dire "dommage, c'est fini" lorsque cette période de confinement sera terminée ? Pas impossible.
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