"On a dû lui laisser la plaquette de beurre" : ils racontent le confinement avec un malade du coronavirus à domicile
De nombreux Français doivent réorganiser leur espace de confinement avec l'arrivée des symptômes du coronavirus. "La règle de base, c'est d’éviter tout contact", rappelle le docteur Jérôme Marty.
"Nous avons mis en place un confinement dans le confinement." Thierry, 46 ans, et son épouse, ont tous les deux développé des symptômes du coronavirus. Pour protéger leurs deux enfants, ils ont dû mettre en place des règles drastiques. "Les poignées de portes, de meubles, les toilettes et autres endroits à risques sont désinfectés matin et soir", explique Thierry, qui travaille dans un hôpital du Grand Est mais se trouve en quarantaine. "Depuis quelques jours déjà, plus de bisous, de câlins ou de contact..." Comme cette famille, de plus en plus de Français doivent entièrement réorganiser leur logement pour isoler un proche malade du Covid-19.
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Perte d'odorat, fièvre, douleurs articulaires... Ces symptômes permettent désormais aux médecins généralistes de diagnostiquer (à distance) les personnes potentiellement porteuses du coronavirus et qui pourraient être plusieurs dizaines de millieurs. Les autorités reconnaissent d'ailleurs que le nombre de cas réels est bien supérieur aux quelque 25 000 personnes officiellement testées positives au Covid-19, mercredi. Alors, un peu partout dans le pays, des maisons, appartements et autres lieux de confinement sont réaménagés. D'autant que, pour éviter la propagation du virus au reste du foyer, les mesures doivent être très strictes.
Partage des toilettes et de la salle de bain
"La règle de base, c'est d’éviter tout contact", martèle le docteur Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l'Union française pour une médecine libre (UFML). Comment faire lorsqu'on est coincé à la maison ? "Il faut réserver une pièce à la personne malade et lui livrer les repas devant la porte. Il faut aussi une gestion propre de ses habits et de ses couverts. Et cela pendant au moins quatorze jours", explique-t-il. Les remontées de terrain qui lui sont parvenues confirment toutefois que contenir le virus à l'intérieur d'un lieu de confinement est "extrêmement difficile".
Dans ces conditions, chacun invente son système pour tenter de se protéger. Problème numéro un : le manque de place. Avec quatre personnes dans 55 mètres carrés, l'organisation est millimétrée chez Isabelle* et son mari. L'une de leurs filles est malade et ne peut donc plus dormir dans la même chambre que sa sœur... La voilà contrainte d'occuper la chambre de ses parents, qui ont migré dans le salon pour une durée indéterminée. Ce n'est pas tout. "Le plus compliqué, c'est bien sûr le partage des toilettes et de la salle de bain. Il ne faudrait pas, mais on n'a pas le choix", regrette la mère de famille.
Console, ordinateur et télé à volonté
Certains ont la chance de pouvoir laisser un peu plus d'espace à chacun, au prix de quelques concessions. "Les enfants ont exceptionnellement 'open bar' sur les deux consoles, les ordinateurs et les télés du premier étage", explique Thierry, qui habite dans une maison dans la région Grand Est, l'une des plus touchées par l'épidémie. Ses enfants semblent, pour le moment, plutôt bien vivre ce confinement et "la mansuétude parentale".
Les repas sont préparés en amont avec toutes les précautions d’hygiène et ne sont pas pris en commun avec les enfants.
Thierryà franceinfo
Malgré cette réorganisation, il reste toujours des espaces communs. Alors, comme dans de nombreux foyers, la famille d'Isabelle a décidé de tout nettoyer à l'eau de Javel ou à l'alcool ménager après le passage de la personne malade. "Ma maison s’est transformée en hôpital. Je porte un masque, des gants et je désinfecte tout en permanence", renchérit Vanessa, qui habite à Marseille avec un mari et un enfant malade, ainsi que deux autres enfants sans symptôme.
"Elle devient très habile de ses coudes"
Hélas, tout ne peut pas être désinfecté. "On a été obligés de lui laisser notre plaquette de beurre salé – terrible décision – parce qu'on n'a pas été attentifs au début et qu'elle l'a pris pour tartiner. Et elle a touché un peu l'intérieur, raconte Isabelle, mère d'une fille malade de 19 ans. Bref, je ne peux pas nettoyer l'intérieur du beurre !" Ces nouvelles règles permettent aussi de développer des talents inconnus : "Elle devient très habile de ses coudes", raconte Isabelle.
Au-delà des difficultés matérielles, ces groupes confinés avec un malade doivent aussi faire évoluer leurs relations, non sans difficultés. "Je ne m'approche pas de mes enfants depuis plus de huit jours", déplore Vanessa. D'autres s'autorisent quelques moments partagés, comme Isabelle, avec sa fille malade. "On l'installe dans un coin de notre salon, à 2,50 m, on ne peut pas plus loin", pour qu'elle ne prenne pas son repas toute seule dans sa chambre.
Là encore, l'ingéniosité des confinés fait des miracles : "Je communique par WhatsApp vidéo avec mon mari", explique Vanessa. Idem avec son enfant malade. Les autres ont le droit à des conversations presque normale, à 1,50 m de distance. Toutes les personnes interrogées par franceinfo partagent une même préoccupation : comment va évoluer l'état de santé des personnes malades ? "Ce qui est pénible, c'est qu'on n'est sûrs de rien, même pas qu'elle a bien le Covid-19, explique Isabelle, ni s'il va vraiment falloir attendre trois semaines avant de reprendre une vie normale."
* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée
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