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Positif au Covid-19 donc immunisé contre la maladie? On vous explique pourquoi ce n'est pas si simple

Les tests sérologiques, qui arrivent en France, doivent permettre de déterminer qui est immunisé. Plusieurs inconnues scientifiques subsistent, et toute la population ne pourra pas être dépistée.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Un médecin pratique un test sérologique sur un patient volontaire, le 7 avril 2020, à Munich (Allemagne). (PETER KNEFFEL / DPA / AFP)

C'est l'une des clés du déconfinement. Connaître la proportion de la population qui a été en contact avec le coronavirus (ayant ou non développé des symptômes) intéresse au plus haut point chercheurs et pouvoirs publics. A priori, ces personnes déjà exposées au Sars-Cov-2 sont en effet susceptibles d'avoir développé des anticorps et donc d'être immunisés contre une nouvelle infection par le même virus.

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Des tests sérologiques visant à vérifier la présence d'anticorps dans le sang sont en cours de validation. Toutefois, de nombreuses inconnues persistent sur l'immunité effectivement développée par le corps après une infection au Covid-19. Et ces tests, que la planète entière s'arrache, pourront difficilement être pratiqués sur l'ensemble de la population.

Comment le corps se défend-il face à un virus ?

Lorsqu'un virus pénètre un organisme, ce dernier se défend en produisant des anticorps. Le coronavirus responsable de l'épidémie de Covid-19 n'échappe pas à la règle. Il est en outre possible que cette production d'anticorps confère à la personne infectée une immunité, qui lui évite d'être contaminée une deuxième fois. "La plupart des virus à ARN à tropisme respiratoire [comme le Sars-Cov-2] donnent naissance à une réponse immunitaire protectrice. C'est plutôt une bonne nouvelle", souligne le professeur Eric Vivier, du Centre d'immunologie de Marseille-Luminy et membre de l'Académie de médecine.

Au contact d'un virus, le corps produit d'abord des immunoglobulines M (IgM), un type d'anticorps peu efficace, mais dont la présence signale que le corps est attaqué. Dans un second temps, après plusieurs jours, le système immunitaire produit des immunoglobulines G (IgG), beaucoup plus spécifiques et efficaces pour combattre le virus. Certains de ces IgG ont un caractère neutralisant : ils empêchent l'interaction qui permet au virus d'infecter les cellules. Ces anticorps permettent in fine d'éliminer le virus et donc de guérir et rendre la personne guérie non contagieuse.

Est-ce la même chose avec le Covid-19 ?

Concernant le coronavirus, "on voit généralement ces anticorps séro-neutralisants apparaître dans les deux à trois semaines, mais il faut parfois attendre un peu plus longtemps", explique Eric Vivier. Selon le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique sur le Covid-19, ces anticorps pourraient même n'apparaître que 28 jours après la contamination initiale, notamment chez les sujets asymptomatiques. Un test sérologique réalisé trop tôt sur un patient contaminé pourrait donc donner un résultat faussement négatif. "Un contrôle à trois semaines, voire plus, est donc indispensable", explique Johan Joly, médecin biologiste au laboratoire Biolam de Beauvais (Oise), qui propose déjà des tests sérologiques.

Autre inconnue : pendant combien de temps cette immunité peut-elle durer ? L'épidémie de Covid-19 est trop récente pour répondre avec le recul nécessaire. Les spécialistes ne peuvent donc s'appuyer que sur les durées d'immunité observées pour d'autres coronavirus, explique Frédéric Tangy, responsable de l'unité de génomique virale et vaccination à l'institut Pasteur, au Quotidien du médecin.

Il est probable que chez tous les gens qui ont été infectés, l'immunité dure 3 à 6 mois. Si elle durait moins, ce serait exceptionnel pour un virus de ce genre.

Frédéric Tangy

Le Quotidien du médecin

Si la pandémie dure plus longtemps, on ne peut donc pas exclure des cas de recontamination. Plus inquiétant : certains patients pourtant contaminés au Covid-19 ne produiraient pas d'anticorps séro-neutralisants, selon les premiers résultats d'une étude chinoise partagée sur la plateforme MedRxiv (en anglais). Les chercheurs ont analysé le plasma sanguin de 175 malades hospitalisés en février à Shanghai, diagnostiqués Covid-19 et guéris. Parmi eux environ 30% n'avaient produit qu'un très faible taux d'anticorps neutralisants au moment de quitter l'hôpital. Dix d'entre eux présentaient même un taux inférieur au seuil de détectabilité. Des prélèvements postérieurs ont donné les mêmes résultats.

Seules des études complémentaires permettraient de savoir comment ces patients ont réussi à guérir sans l'aide de ces anticorps neutralisants, et si ces patients pourraient être exposés à un risque de réinfection, écrivent les auteurs de l'étude.

En Chine, des cas de personnes positives au Covid-19 plusieurs semaines après leur guérison ont été rapportés. En France, l'infectiologue Christian Perronne alertait fin mars, sur BFMTV : "On commence à voir des personnes guéries qui une ou deux semaines après redémarrent des symptômes." A ce stade, il est cependant impossible de savoir si ces personnes ont été contaminées une deuxième fois par le virus (ce qui signifierait qu'elles n'avaient pas développé d'immunité), ou bien si la charge virale n'avait en réalité pas été totalement éradiquée.

Les tests sérologiques sont-ils fiables ?

La fiabilité des tests sérologiques repose sur deux principaux critères. Leur spécificité d'un part, c'est-à-dire leur capacité à n'afficher un résultat positif que pour la maladie recherchée, et éviter ainsi les faux positifs. Leur sensibilité d'autre part, c'est-à-dire la probabilité que le test soit positif si la maladie est présente, et donc sa capacité à éviter les faux négatifs.

Comme l'explique Le Figaro, les tests ne sont en règle générale pas validés par les autorités sanitaires. Le marquage "CE" apposé par le fabricant signifie simplement que celui-ci déclare respecter la législation de l'Union européenne. Ce sont à leurs clients, qui achètent et prodiguent ces tests (établissements de santé et laboratoires d'analyses), qu'incombe la responsabilité de valider leur fiabilité.

En France, l'Institut Pasteur (centre national de référence pour les virus des infections respiratoires) a été mandaté pour y voir plus clair parmi la profusion de tests proposés par l'industrie pharmaceutique. "Au moins 200 tests sérologiques sont actuellement en cours d'élaboration dans le monde. Nous espérons que certains seront bientôt utilisables", explique le directeur de l'unité virus et immunité de l'Institut, Olivier Schwartz, dans une interview à Paris-Normandie.

Le test conçu par la start-up bretonne NG Biotech a été évalué dans plusieurs hôpitaux. A l'hôpital Bicêtre du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), "250 sérums de patients ont été testés", explique Thierry Naas, chef du service de bactériologie. Résultat : "La quantité d'anticorps est parfois suffisante au bout de cinq jours. Mais à dix jours, l'efficacité du test est de 70% et à 15 jours de 98%", détaille-t-il à France 3 Bretagne.

Certains laboratoires proposent déjà des tests sérologiques au grand public. Les résultats permettent de savoir si un patient a rencontré ou pas le virus par le passé, ou bien s'il s'agit d'un cas "douteux". Difficile en revanche d'en tirer des conclusions définitives. "Les tests fonctionnent, mais c'est l'interprétation qui est délicate et soumise aux recommandations scientifiques", explique Johan Joly, du laboratoire Biolam de Beauvais.

Cette immunité peut-elle nous permettre de sortir du confinement généralisé ?

Avant de déconfiner, "l'idéal serait de tester l'ensemble de la population", afin de déterminer qui est immunisé ou pas contre le coronavirus, explique Eric Vivier. C'est ce que propose la maire de Paris, Anne Hidalgo, avec à la clé la délivrance par les médecins de "certificats d'immunité" permettant une dérogation au confinement. Si la faisabilité d'une telle campagne reste à prouver à l'échelle d'une ville, la perspective de tester les 67 millions de Français en seulement deux ou trois semaines semble illusoire.

Les données de sérologie vont être un paramètre important, mais pas le seul. Il faudra l'accompagner d'autres mesures, région par région. Et ce n'est pas parce que les gens auront été déconfinés qu'ils devront sortir sans protection, bien au contraire.

Eric Vivier

à franceinfo

Pratiqués sur des échantillons représentatifs de la population, ces tests constitueront malgré tout un précieux indicateur pour les épidémiologistes, qui pourront se faire une idée de la prévalence du coronavirus parmi les Français. Une donnée particulièrement utile pour évaluer en combien de temps pourrait être atteinte l'immunité de groupe – c'est-à-dire le fait qu'une proportion suffisante d'individus immunisés (estimée à environ 60% de la population) empêche la circulation du virus.

Sans données sérologiques, les spécialistes ne peuvent pour le moment émettre que des estimations. Selon eux, seulement 10 à 15% de la population ont rencontré le virus. Ce qui explique pourquoi la sortie du confinement ne pourra pas se faire sans redoubler d'efforts sur les gestes barrière.

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