Pourquoi l'épidémie de coronavirus semble resurgir dans plusieurs pays d'Asie ?
Singapour, Taïwan, Corée du Sud... Plusieurs pays redoutent l'apparition d'une deuxième vague épidémique. Certains avaient pourtant été cités comme des modèles dans leur lutte contre le Covid-19.
Est-ce le début d'une deuxième vague pour l'Asie ? Depuis la mi-mars, plusieurs pays asiatiques, qui semblaient avoir enrayé l'épidémie de coronavirus, font face à une résurgence des cas.
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Parmi eux, Taïwan, Hong Kong, Singapour ou encore la Corée du Sud. Avec leurs politiques de traçage, de quarantaine et d'isolement, ils s'étaient pourtant imposés comme des modèles dans la lutte contre le coronavirus. Alors comment expliquer cette nouvelle hausse des contaminations ?
Parce que ces pays font face à une hausse des cas "importés"
La crainte d'une deuxième vague dans ces territoires est d'abord alimentée par les nombreux retours de voyageurs d'Europe et des Etats-Unis, nouveaux épicentres de la pandémie. A Taïwan, les autorités procèdent à des contrôles stricts pour détecter ces cas "importés" parmi leurs ressortissants de retour sur l'île. "Ce contrôle était d'autant plus important qu'il n'y a pas eu d'épidémie locale à proprement parler : 86% des 339 cas de Covid-19 déclarés à la date du 2 avril sont des cas importés. Il n'y a que 48 cas d'infections à Taïwan, dont la moitié était due à des contacts avec des cas importés", détaille Fang Chi-tai, professeur d'épidémiologie et de médecine préventive à l'Université nationale de Taïwan, auprès du Monde.
La mégalopole de Singapour a été prompte à exercer des contrôles stricts aux frontières, dès le début de l'épidémie, mais a négligé d'inclure les 200 000 travailleurs étrangers dans sa stratégie. Principalement originaires d'Asie du Sud, ils vivent dans des dortoirs bondés, propices à la propagation du virus. Sur les 728 nouveaux cas recensés jeudi, 654 concernaient des personnes vivant dans ces dortoirs. La cité-Etat a déjà placé des dizaines de milliers de travailleurs en quarantaine et réfléchit à loger ceux qui sont guéris sur des bateaux de croisière.
Hong Kong, ville dense de 7,5 millions d'habitants, tente aussi de juguler les cas importés qui font bondir le nombre de cas testés positifs à 1 021 (pour quatre morts), contre 150 à la mi-mars, lorsqu'elle pensait avoir enrayé l'épidémie, détaille 20 Minutes. "L'épidémie causée par les cas importés est bien plus grave que celle que nous avons combattue ces deux derniers mois", a averti la cheffe de l'exécutif, Carrie Lam, le 21 mars.
En Chine, c'est la province du Heilongjiang, située dans le nord-est du pays, qui concentre la majorité de ces nouveaux cas importés. Lundi 13 avril, 79 nouveaux cas importés y ont été comptabilisés. Tous concernaient des citoyens chinois rentrant de la Russie voisine.
Parce que le virus n'a probablement jamais disparu
Ils sont qualifiés de porteurs "silencieux" et laissent à penser que le virus n'aurait jamais quitté ces pays. En Asie, les épidémiologistes ont les yeux braqués sur les cas asymptomatiques, ces personnes porteuses du virus mais ne présentant pas les symptômes du Covid-19 (toux, fièvre, difficultés respiratoires...). A la demande des chercheurs, la Chine recense désormais, depuis le 1er avril, le nombre de patients asymptomatiques dépistés. A cette date, 130 nouveaux malades asymptomatiques avaient été dépistés sur les dernières 24 heures, s'ajoutant aux 36 nouveaux cas présentant des symptômes, enregistrés par la Commission de santé nationale chinoise (en chinois).
Impossible de donner à ce comptage une valeur scientifique pour estimer la part des asymptomatiques parmi les porteurs du virus. Mais il tend à suggérer que les porteurs asymptomatiques peuvent jouer un rôle plus grand dans la transmission du virus que ce qui était jusque-là envisagé. "Ces patients pourraient être pré-symptomatiques et infectieux, malgré l'absence de symptômes. Par conséquent, le virus est toujours transmis à l'intérieur du pays", alerte Leo Poon Lit-man, chercheur à l'université de Hong Kong, auprès du South China Morning Post (en anglais). Hong Kong a d'ailleurs décidé d'étendre les tests aux voyageurs arrivant à l'aéroport de la ville, y compris pour ceux qui ne présentent aucun symptôme.
La Corée du Sud (10 635 cas, 230 morts) s'inquiète quant à elle de la réapparition du virus chez des malades supposément guéris. Le 10 avril, 91 personnes considérées comme remises du virus ont été de nouveau testées positives, rapporte Reuters (en anglais). Des données qu'il faut observer avec prudence, car aucune explication scientifique n'a pour l'heure était formulée. Les chercheurs sud-coréens explorent plusieurs hypothèses. Ces données pourraient résulter de tests défaillants, appelés "faux négatifs", ou encore d'une faible d'immunité. La possibilité d'un virus "endormi" qui serait entré en phase de réveil serait plus probable qu'une "réinfection", avance de son côté Jeong Eun-kyeong, directeur du Centre coréen pour le contrôle et la prévention des maladies.
Parce que ces pays ont opté pour des mesures de distanciation souples (qu'ils durcissent aujourd'hui)
En Corée du Sud, comme à Singapour ou encore à Taiwan, la stratégie pour enrayer l'épidémie résidait dans une politique forte de traçage des contacts des malades, d'isolement des cas dépistés et de contrôles accrus aux frontières. Très tôt, Singapour a pris la décision lourde d'interdire l'entrée des voyageurs de Chine, alors même que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) déconseillait de telles mesures. Hong Kong a imposé une quarantaine stricte à ses expatriés de retour sur son sol, comme l'explique Courrier international (article payant). La Corée du Sud s'est, elle, très tôt lancée dans une campagne de dépistage massif (plus de 485 000 tests au 8 avril).
Ces stratégies permettaient de minimiser les impacts de l'épidémie sur la vie économique et sociale. Elles ont permis d'éviter le confinement en Asie du Nord-Est et à Singapour. A Hong Kong, par exemple, les écoles sont fermées depuis la fin du mois de janvier et les habitants sont incités à travailler depuis leur domicile. Mais ils sont libres de sortir de chez eux. A Taïwan, commerces, restaurants et écoles sont restés ouverts, constate Le Monde.
Mais la résurgence des cas a pour conséquence une mise en place de mesures plus strictes. A Singapour, tout rassemblement est désormais interdit, depuis le 7 avril. Un confinement strict a été instauré jusqu'au 4 mai. Tout contrevenant risque une amende de 10 000 dollars (9 200 euros) et six mois d'emprisonnement, précise L'Express. A Hong Kong, le gouvernement a ordonné la fermeture des bars, karaokés ou encore des cinémas. Il est interdit de se réunir en public à plus de quatre, depuis le 28 mars. Au Japon, pays jusque-là relativement épargné par l'épidémie, les hôpitaux de Tokyo ont presque été débordés, face à l'afflux de malades (9 231 cas, 190 morts). Les autorités ont décrété l'état d'urgence, le 7 avril, mais celui-ci n'a pas de réelle valeur coercitive, selon La Croix. Il permet de recommander aux Japonais d'éviter les sorties et de télétravailler.
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