Restaurants clandestins : entre soutien et condamnation, la profession divisée sur les ouvertures illégales
Face aux controverses en série sur l'ouverture de restaurants clandestins, les professionnels du secteur hésitent à condamner de manière unanime leurs collègues hors-la-loi.
Ils étaient 110 à se rassembler lors d'une soirée dans un restaurant du 19e arrondissement de Paris vendredi 9 avril, des dizaines d'autres sanctionnés pour avoir déjeuné dans un restaurant de Saint-Ouen. Depuis quelques jours, la polémique enfle sur ces restaurants ouverts en toute illégalité en plein confinement, quand d'autres établissements sont fermés depuis fin octobre. Trois cents contraventions pour ouverture irrégulière ont été dressées contre des établissements, sur un total de 7 345 restaurants contrôlés à Paris depuis le 30 octobre.
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À Paris, le chef Benoît Gauthier parvient à tenir depuis un an grâce à la vente à emporter de ses spécialités du Sud-Ouest. "Plus que de s'en sortir, là c'est de la survie", se désole-t-il. Il possède deux restaurants dans le 15e arrondissement de Paris, mais face aux restrictions sanitaires, il a du s'adapter. "C'est assez compliqué, un peu comme tout le monde. Du coup, on tourne avec un restaurant sur deux ouvert. C'est vrai que l'Etat nous a mis quelques aides en place. Suivant le temps que ça va durer, ça va être assez compliqué."
Au sujet des restaurants clandestins, Benoît Gauthier assure qu'il "comprend ceux qui prennent le risque de faire ça". Il prend notamment son cas personnel : "On avait mis en place plein de mesures de sécurité, la distanciation, le gel, et on nous ferme alors que plein de cantines ou de restaurants d'entreprises restent ouverts... C'est vrai qu'on en a un peu marre de passer pour des cons, excusez-moi."
Il assure que "chacun a une situation financière différente. Celui qui est en difficulté, je comprends qu'il mette ça en place. Ceux qui se permettent de faire des restaurants clandestins, je pense qu'il y a aussi ce côté-là de se dire 'pourquoi eux, ils le font, et pourquoi nous ne pourrions pas le faire ?'"
Des torts "partagés"
Jean-Louis Roger, propriétaire de deux restaurants en Haute-Savoie, est plus partagé. "Pour l'instant on est sous perfusion, on va essayer de sortir vivant de cette histoire, déplore-t-il, mais c'est vrai que ça se complique pour tout le monde. Je ne vais pas jeter l'anathème sur des gens qui peut-être n'ont plus rien à perdre, ça peut justifier leur comportement."
"Ceux dont j'entends parler en tout cas ne sont pas à l'agonie. Il y a des règles, on essaye de les respecter autant que faire se peut."
Jean-Louis Roger, restaurateurà franceinfo
Du côté de l'organisation patronale du secteur de l'hôtellerie-restauration, l'UMIH, la position est plus tranchée. "Bien sûr on condamne", réagit Jean Terlon, vice-président de la branche restauration. "C'est mettre tout le monde en danger, et même la pérennité de son établissement, parce qu'il y aura forcément des peines financières. Et les clients qui vont y manger vont se retrouver avec 135 euros d'amende", estime-t-il.
Mais la responsabilité ne peut pas être uniquement endossée par les professionnels. "C'est totalement irresponsable de proposer ou d'accepter les demandes de certains clients aussi, parce que les torts sont partagés, poursuit Jean Terlon. Il y a des clients qui peuvent demander à des amis restaurateurs de faire un petit effort et de leur ouvrir le restaurant... et puis il y a le restaurateur qui a la faiblesse d'accepter."
Pour lui, ces restaurants hors la loi ne représentent qu'une infime partie des 200 000 points de vente de restauration en France.
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