Reprise de l'école : des transports à la cantine, les questions auxquelles Jean-Michel Blanquer va devoir répondre avant le 11 mai
Le ministre de l'Education nationale a dévoilé les pistes à l'étude pour la rentrée "très progressive" prévue à partir du 11 mai. Mais de nombreuses imprécisions inquiètent.
"Pour l'instant, il y a trop d'incertitudes pour qu'on se dise que 'dans trois semaines on est prêt'." Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, premier syndicat d'enseignants du primaire, a fait part, mardi 21 avril, sur franceinfo, de ses doutes sur les grandes lignes qui vont guider la rentrée des classes prévue à partir du 11 mai.
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Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, a dévoilé des pistes à l'étude pour une "rentrée très progressive" étalée sur trois semaines. Franceinfo revient sur les zones de flou qui interrogent parents d'élèves et professeurs.
Sur le protocole sanitaire et le matériel
"Nous travaillerons avec l'ensemble des collectivités locales sur un ensemble d'enjeux, comme le savon, le gel hydroalcoolique, la présence de points d'eau de base", a énuméré le ministre de l'Education nationale. "Quand ces conditions ne seront pas réunies, cela n'ouvrira pas. C'est évident que les conditions sanitaires sont fondamentales, et que nous devons garantir les enjeux de santé aussi bien pour les personnels que pour les élèves", a-t-il assuré.
Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, a ainsi pointé sur franceinfo les incertitudes et demandé "toutes les garanties nécessaires pour que la santé des enfants et des adultes soit protégée au mieux".
Nous avons la promesse d'un protocole. Mais nous ne savons pas de quoi est fait ce protocole. Or, pour rassurer tout le monde, les familles, les enseignants et se dire que les choses vont se passer dans de bonnes conditions, il faut avant toute chose que l'Etat donne les conditions sanitaires indispensables.
Franettee Popineauà franceinfo
Rodrigo Arena, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), est sceptique quant aux garanties de l'Etat.
Retourner à l'école le #11mai pour finir à l'hôpital, je ne vois pas ce qu'on y gagne avec les moyens déployés actuellement pour lutter contre le #covid19.
— Rodrigo Arenas (@arenasfcpe) April 22, 2020
"On ne voit pas comment faire rentrer les enseignants et tous les autres personnels dans les établissement sans dépistage massif et sans l'assurance que sur place seront prises toutes les mesures nécessaires comme la distribution de masques tous les matins, la désinfection des salles de classe quotidiennement", estime de son côté Marc Pupponi, secrétaire académique du Syndicat national des enseignements de second degré (Snes), auprès de France Bleu Corse.
Quant aux masques, ils sont la source d'une multitude de questions. "Qui va porter des masques ? Est-ce que ce sont les enfants ? Est-ce que ce sont les adultes ? Est-ce que c'est tout le monde ?" interroge Francette Popineau.
Interrogé par l'AFP, Pierre, père de trois enfants scolarisés à Paris, se montre ferme : "Il n'y a pas à tergiverser : je ne les laisserai pas aller à l'école si les conditions sanitaires ne sont pas réunies à 100%, on ne peut pas jouer avec leur santé, ni celle de tout leur entourage."
Sur les transports scolaires
"Lorsque les parents mettent leurs enfants dans des bus scolaires, ils voient des bus pleins à craquer. Il va falloir peut-être plus de bus", avance auprès de franceinfo Hubert Salaün, porte-parole des Parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP).
Les questions sont similaires dans les territoires ultramarins. "Pour l'instant, la rentrée est difficilement faisable. Il reste trop de questions sans réponse, comme celle des transports scolaires. Comment faire respecter les gestes barrières aux enfants dans le bus ?", s'interroge auprès de Réunion La 1ère Joël de Palmas, secrétaire général adjoint de la CGTR Educ'action.
Par ailleurs, les situations sont très variables entre un établissement en milieu rural, où les élèves habitent loin, et un milieu urbain où ils sont domiciliés à quelques mètres ou quelques centaines de mètres, rappelle sur BFMTV Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du syndicat des personnels de direction SNDPEN-Unsa.
FOCUS PREMIÈRE - Écoles: C'est encore flou pic.twitter.com/vSgBDnAixC
— BFMTV (@BFMTV) April 22, 2020
Sur le respect de la distanciation sociale
Nombre d'interrogations rejoignent des préoccupations majeures en cette période d'épidémie : le respect des gestes barrières et de la distanciation sociale.
"La limitation à 15, dans l'absolu cela ne veut rien dire, tranche Francette Popineau. Tout dépend de la taille de la classe. Tout dépend des couloirs." "Est-ce qu'il y aura des sens de circulation dans les couloirs ? Tout ça, ce sont des sujets sur lesquels nous commençons à travailler pour envisager des conditions décentes pour que l'on ne se croise pas de trop près", remarque Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du syndicat des personnels de direction SNDPEN-Unsa.
"L'annonce des cours en demi-effectif indique qu'à l'échelle de certaines écoles, dans les collèges ou dans les lycées, plusieurs centaines d'élèves et de personnels pourraient se côtoyer sans respect des distances recommandées", écrit SUD Education dans un communiqué.
Pour Francette Popineau, la limitation à 15 élèves soulève également la question des sanitaires : "S'il y a cinq lavabos et que l'on fait rentrer cinq classes de quinze, on va passer sa journée au lavabo. Sachant qu'on doit se laver les mains par petits groupes pour respecter la distanciation", illustre-t-elle au micro de RTL.
Le respect des distances semble quasi impossible, selon certains. "La réalité du terrain, montre que ça va être très compliqué d'imposer aux enfants, surtout aux plus jeunes, la distanciation sociale et l'application des gestes barrières", relève Stéphanie Anfray, présidente de la FCPE 33, auprès de France Bleu Gironde. "Pour preuve les élèves vont se côtoyer dans les couloirs ou encore dans la cour de récréation."
"Il y a énormément d'espaces communs à la maternelle, tout un tas de rituels qui se font ensemble, serrés, ne serait-ce que par le matériel utilisé, comme les feutres", explique au HuffPost Pascal Chiritian, directeur d'école à Saint-Savin, en Isère.
Sur le suivi des élèves
Selon Jean-Michel Blanquer, les élèves pourraient se trouver dans quatre situations possibles : en enseignement à distance, en demi-groupes présents en classe, à l'étude, ou encore en activité sportive "à côté de l'établissement".
"On nous parle de présentiel, d'autres à distance, d'autres en étude, d'autres en périscolaire. On nous dit que c'est une doctrine nationale mais qu'il y aura des marges locales d'appréciation. Cela reste très obscur", souligne auprès de franceinfo Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, première fédération syndicale de l'éducation.
Est-ce qu'on peut véritablement fonctionner avec des élèves qui sont ici, qui sont là, qui tournent un coup en présentiel un coup à distance ?
Benoît Testeà franceinfo
Et le responsable syndicat de s'interroger : "Quel est le travail des enseignants dans cette configuration ? Est-ce qu'il y a double travail ? Est-ce que les élèves se signalent ?"
Sur Twitter, un professeur d'histoire-géographie fait part de ses interrogations sur la faisabilité d'assurer des cours au lycée, à distance et sur l'articulation de tout cela avec son organisation personnelle.
Cher @jmblanquer, restent 2 questions en suspens (outre les précautions sanitaires) : comment pourra-t-on concrètement (re)faire cours en classe ET assurer les cours à distance pour les demi-groupes à la maison ? Quid de nos propres enfants les demi-journées sans cours pour eux ? https://t.co/tdblAzda8v
— Yann B. Meremptah (@ybouvier) April 21, 2020
Sur la cantine
"Comment faire manger 600 élèves dans un même établissement, alors qu'ils font parfois une demi-heure de queue, les uns à côté des autres ?", se demande également Hubert Salaün. "Si on est en capacité de fonctionner en mode dégradé sans internat, sans demi-pension, je pense qu'il faut le faire pour résoudre un certain nombre de questions sanitaires", avance de son côté, sur BFMTV, Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du syndicat des personnels de direction SNDPEN-Unsa.
Jean-Michel Blanquer a évoqué, devant les députés, que par endroits, si nécessaire, la cantine pourra être remplacée par une "sandwicherie", sans davantage de détails. "Il reste encore une bonne dizaine de jours pour travailler à cette réouverture qui sera de toute façon progressive", tente de rassurer auprès de France Bleu Corse Virgine Frantz, directrice académique de l'Education nationale.
Rien n'est figé, a fait comprendre le ministre de l'Education nationale, l ors de la séance de questions au gouvernement, peu après son audition par les députés : "Je reste très ouvert à toutes les propositions pour améliorer le dispositif tel que nous commençons à l'envisager."
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