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Covid-19 : après avoir reçu une première dose de vaccin, comment être sûr à 100% que la seconde sera disponible ?

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Dans un centre de vaccination à Fougères (Ille-et-Vilaine), mardi 19 janvier 2021. (DAMIEN MEYER / AFP)

Les autorités sanitaires ont évoqué la possibilité d'allonger le délai de trois semaines entre les deux injections, afin d'administrer davantage de premières doses. Mais comment garantir que des patients ne soient pas bloqués à mi-chemin en cas d'imprévu dans les approvisionnements ? Plongée dans les arcanes d'une logistique complexe.

Depuis le début de la campagne de vaccination contre le Covid-19, plus de 480 000 personnes en France ont reçu une première injection, au mardi 19 janvier, mais elles devront retrousser leur manche une seconde fois pour être définitivement vaccinées. Au-delà des chiffres communiqués chaque soir, et du nombre toujours plus grand de bénéficiaires, la question du rappel vaccinal est au cœur de la logistique française de gestion des stocks. Les doses disponibles doivent en effet être allouées de sorte à ne laisser aucun patient à mi-chemin du parcours, au risque de perdre tout bénéfice.

Mais comment garantir que tous auront bien accès à leur seconde injection ? La France a retenu les délais suivants entre deux doses : 21 jours en Ehpad et 28 en centre de vaccination avec le vaccin Pfizer/BioNTech, 28 jours avec celui de Moderna. Aurélien Rousseau, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France, a expliqué mardi sur RTL que la France recevra au total 2,3 millions de doses de Pfizer au mois de janvier – soit 300 000 de moins que prévu, en raison de retards du fabricant. Puisqu'il faut conserver la moitié de ce nombre, cela permet donc de réaliser "plus d'un million de vaccinations".

"Il ne faudrait pas que, comme dans d'autres pays actuellement, au moment de faire la deuxième injection, on n'ait plus en stock les doses [nécessaires]."

Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Ile-de-France

sur RTL

Ces secondes doses, toutefois, ne sont pas mises de côté en attendant sagement d'être injectées à un bénéficiaire précis. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a défendu, lundi, une stratégie de "flux tendu" : "A chaque fois que des doses arrivent, on les met immédiatement à disposition, on ouvre des créneaux de rendez-vous pour les Français." Dans le détail, nous explique le ministère, la France fonctionne en réalité avec un stock d'une demi-semaine d'avance, afin de prévenir d'éventuels aléas. "Les retards de Pfizer nous ont confortés en ce sens."

Pas de secondes doses qui dorment au frigo

En dehors de ce fonds de roulement et d'un stock d'urgence de 8 000 doses, conservées au niveau national, les doses de vaccin sont donc utilisées au fur et à mesure de leur arrivée. "Nous n'utilisons pas simplement la moitié des doses dont nous disposons pour vacciner", précise ainsi l'ARS Hauts-de-France à franceinfo. Et "nous n'avons pas mis de côté dans un frigo la seconde dose qui va avec chaque première dose", ajoute le ministère de la Santé. Mais s'il n'existe pas d'outil permettant de "bloquer" ces doses, comment être sûr de ne pas rester en rade à mi-parcours, en cas de gros imprévu dans l'approvisionnement ?

Tout repose en fait sur le nombre de rendez-vous. Quand un patient se rend sur Doctolib, Maiia ou Keldoc pour réserver un créneau, un second rendez-vous est automatiquement bloqué dans le système de réservation du centre de vaccination. Par la suite, le centre pourra accepter de nouvelles inscriptions à condition seulement d'avoir des doses pour deux nouveaux créneaux à un mois d'écart. Ce lundi, les rendez-vous pour une première injection ont été ouverts d'abord sur quatre semaines, et une nouvelle semaine de créneaux sera ensuite débloquée chaque lundi.

Combien ? Tout dépend des approvisionnements. La "task force" interministérielle sur les vaccins part du volume livré par le fabricant pour déterminer le nombre de doses allouées aux différentes ARS. Celles-ci ont ensuite la charge de les répartir dans les établissements hospitaliers "pivots" – une centaine en France – dont les pharmacies à usage intérieur (PUI) sont équipées de congélateurs permettant de stocker à -80 °C le vaccin de Pfizer/BioNTech. Ces PUI fournissent aussi les hôpitaux alentour, les centres de vaccination et certains Ehpad publics.

Le problème, c'est que "la montée en puissance des approvisionnements n'est pas suffisante pour nous permettre à la fois de faire les deuxièmes injections et de programmer [un nombre illimité] de premières doses", résume le ministère de la Santé. Lors de leurs prévisions, les ARS doivent sanctuariser les secondes doses et retrancher ce nombre du total de doses bientôt livrées. Le solde permet d'ouvrir un nombre de plages pour de nouveaux inscrits, centre par centre. Autant dire que les stocks conservés dans les congélateurs sont scrutés de près par les ARS, en dialogue permanent avec les établissements "pivots".

Commande automatique pour les Ehpad

Des livraisons limitées, des secondes doses à anticiper, un stock de sécurité à conserver… Quelque 300 000 rendez-vous ont été obtenus lundi et 140 000 ce mardi, mais le système est déjà saturé. Dans le Doubs, les centres de trois des quatre plus grandes villes (Besançon, Pontarlier et Audincourt) affichent déjà complet pour les quatre prochaines semaines, selon la préfecture. Sur France Inter, Olivier Véran a dû promettre que, d'ici la fin de la semaine, les coordonnées des demandeurs seraient notées pour que des plages leur soient automatiquement proposées dès qu'elles se libèrent. Par ailleurs, les ARS ont parfois dû mettre en place des mesures de régulation, suscitant frustration et impatience – "S'il n'y a pas assez de vaccins, dites-le nous", a imploré la maire PS de Lille, Martine Aubry.

>> Covid-19 : la France fait-elle déjà face à une pénurie de vaccins ?

En réalité, une bonne partie du stock français reste fléché vers le public prioritaire des Ehpad. Ces établissements passent par un autre circuit logistique, avec des grossistes-répartiteurs qui alimentent directement leurs pharmacies ou leurs officines référentes. Ici, ce n'est plus le rendez-vous mais la commande qui ouvre la seconde dose. "Quand nous remplissons le tableau informatique, un nombre identique de secondes doses est automatiquement mis de côté, pour une livraison trois semaines plus tard", explique à franceinfo Martial Fraysse, pharmacien à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Le portail Pharma-SI intègre les dates de livraison, la traçabilité des produits et la mise à disposition des doses, avec un intervalle fixé à 21 jours dans ce cas précis.

Un vaccin unidose pour soulager la logistique ?

L'enjeu du rappel vaccinal va bien au-delà de la logistique, car ce dernier est indispensable pour garantir la durée de la protection. Les pouvoirs publics doivent également éviter un trop long délai entre les deux injections, car l'efficacité a été mesurée à 21 jours dans les essais cliniques. Jouer un peu trop avec ce délai présente encore le risque, à l'échelle d'une population, de favoriser l'émergence de nouveaux variants. En théorie, le virus peut en effet s'adapter pour tenter d'échapper à l'immunité partielle, acquise ou naturelle, développée par une personne à moitié vaccinée ou infectée. Dans ces conditions, une piqûre de rappel dans un délai raisonnable n'est pas négociable.

C'est dans ce contexte, et pas simplement pour l'aspect pratique, que le candidat vaccin de Johnson & Johnson suscite de nombreux espoirs. Il présente l'intérêt d'être administré en une seule dose, ce qui soulagerait considérablement la chaîne logistique. Le laboratoire pourrait publier les données de son essai clinique de phase 3 à la fin du mois de janvier, mais, selon le New York Times (en anglais), il a déjà pris deux mois de retard sur ses objectifs initiaux de production. En attendant, il reste à résoudre tout un tas d'injections à deux inconnues.

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