Lutte contre le Covid-19 : quatre questions sur la baisse d'efficacité des vaccins au fil des mois
Plusieurs études ont révélé une diminution dans le temps de la protection immunitaire fournie par les vaccins. Ce phénomène est souvent imputé au variant Delta. Il a déjà conduit certains pays à lancer des campagnes de rappel.
Des boucliers moins efficaces que ce qui était espéré. Les principaux vaccins contre le Covid-19 souffrent d'une baisse de leur niveau de protection au fil des mois, d'après une série d'études scientifiques parues récemment. Ce constat a déjà conduit certains pays, dont Israël, les Etats-Unis ou la France, à annoncer des campagnes de rappel de vaccination. Quels sont les vaccins concernés ? Quelles sont les raisons de cette diminution de la réponse immunitaire ? Quelles sont les solutions possibles ? Franceinfo répond à quatre questions soulevées par ces études.
1Tous les vaccins perdent-ils en efficacité ?
C'est ce que semblent confirmer les dernières études scientifiques en la matière, même si les résultats peuvent varier légèrement d'une publication à une autre, en raison de différences méthodologiques. Certaines enquêtes portent par exemple sur des périodes où le variant Delta, plus contagieux, n'était pas encore majoritaire. D'autres ne font pas de distinction entre les personnes n'ayant reçu qu'une première dose de vaccin et celles étant complètement vaccinées. Pour déterminer le pourcentage d'efficacité d'un vaccin, les chercheurs calculent généralement le risque relatif d'être infecté et de tomber malade, en comparant les vaccinés et les non vaccinés, comme le présente cette analyse du Lancet (lien en anglais).
En ce qui concerne les vaccins à ARN messager, comme ceux de Moderna et de Pfizer-BioNTech, le Centre de lutte et de prévention des maladies (CDC) américain estime, dans sa dernière étude (lien en anglais) parue mardi, que leur taux de protection baisse légèrement au fil du temps, passant de 85% quatre mois après la vaccination à 73% au bout de cinq mois. Mais ces moyennes, calculées depuis décembre 2020, ne sont au mieux qu'un tableau général.
Le vaccin d'AstraZeneca, qui protège moins des infections que les vaccins de Pfizer-BioNTech ou de Moderna, résiste toutefois mieux au temps et au variant Delta que ses concurrents, a révélé une étude publiée le 19 août par l'université d'Oxford (qui a codéveloppé le vaccin d'AstraZeneca). L'analyse, qui n'a pas encore été validée par des pairs, estime que ce vaccin protège à 67% après un mois, 65% après deux mois et 61% après trois mois. Quatre à cinq mois après avoir reçu les deux injections, le niveau de protection offert contre le Covid-19 se rapproche de celui du vaccin de Pfizer-BioNTech, conclut ainsi l'étude.
Cette baisse pourrait aussi concerner le vaccin Janssen à dose unique de Johnson & Johnson – qui est le moins utilisé en France, d'après Santé publique France. Une étude de l'université américaine de New York (lien en anglais) publiée mi-juillet pointe en effet du doigt une "diminution significative" de l'efficacité de ce vaccin face au variant Delta. Un constat partagé en France par la Haute Autorité de santé, qui souligne sur son site le "manque de données disponibles permettant de confirmer l'efficacité à long terme" du vaccin Janssen contre ce variant plus contagieux.
2A quoi est due cette baisse d'efficacité ?
Un premier facteur est pointé du doigt par les scientifiques : l'apparition du variant Delta, bien plus robuste et transmissible. L'étude publiée par le CDC américain estime en effet que l'efficacité des vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna a baissé de 91% à 66% depuis que le variant Delta est devenu majoritaire aux Etats-Unis. D'autres enquêtes menées à travers le monde confirment cette faiblesse face au variant Delta, même si les chiffres varient d'une étude à l'autre, et selon les vaccins. Une tendance inquiétante pour de nombreux pays comme la France, où ce variant est largement majoritaire.
Par ailleurs, il a été observé que les vaccins semblent perdre de leur efficacité au bout de quelques mois, comme l'a par exemple expliqué le 19 août la revue Nature (article en anglais). Une étude de médecins et de chercheurs israéliens, réalisée sur plus de 33 000 personnes vaccinées, prépubliée début août, estime ainsi que la probabilité d'être infecté augmente significativement à partir de 146 jours après la vaccination complète. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) se veut rassurante. "Cette baisse de l'efficacité vaccinale est progressive et modérée au cours du temps", a assuré sur franceinfo sa présidente, Dominique Le Guludec.
Précision importante : cette chute du taux de protection des vaccins se fait principalement ressentir chez les plus de 60 ans. "L'immunité baisse au fil du temps chez les personnes âgées, a rappelé mardi sur France Inter Jean-Paul Ortiz, président la Confédération des syndicats médicaux français. On sait qu'elles fabriquent moins d'anticorps, que le vaccin prend moins bien." C'est la conjonction de ces trois facteurs (variant, temps et âge) qui a notamment permis à la HAS d'établir des catégories de population à risque pour la campagne de rappel qu'elle préconise.
3Cela remet-il en cause l'intérêt de la vaccination ?
Non, si l'on en croit les scientifiques à l'origine de ces études. "Le fait que la réduction des infections [par le Covid-19] reste de deux tiers souligne l'importance et le bénéfice continus de la vaccination", ont par exemple commenté les auteurs de l'enquête publiée mardi par le CDC aux Etats-Unis. Pour le docteur Koen Pouwels, qui a participé à l'étude sur le vaccin d'AstraZeneca, la baisse de protection observée reste "très légère", et ne questionne en aucun cas l'efficacité globale "très élevée" des vaccins contre les formes graves de la maladie.
Un avis partagé par le CDC américain, qui a publié mardi une autre étude (en anglais) menée sur des patients à Los Angeles de début mai à fin juillet. Dans cette enquête, le réseau d'agences fédérales montre que les personnes non vaccinées avaient près de 5 fois plus de risques d'être infectées et 29 fois plus de risques d'être hospitalisées que les personnes vaccinées.
4Quelles sont les solutions face à ce problème ?
Pour contrer cette baisse relative d'efficacité, laboratoires et autorités sanitaires s'accordent pour l'instant sur une mesure : organiser une campagne de rappel. Malgré les réserves de l'Organisation mondiale de la santé à ce sujet, plusieurs pays ont d'ores et déjà prévu l'injection d'une dose supplémentaire de vaccin dans les semaines à venir. En France, la HAS a validé mardi le principe d'une campagne de rappel, souhaitée par le gouvernement, et qui devrait débuter cet automne. Cette campagne, qui n'utilisera que des vaccins à ARN messager, concerne pour l'instant les plus de 65 ans ainsi que les personnes jugées à risque, soit au moins 15 millions de personnes en France, selon la présidente de la HAS.
A plus long terme, une mise à jour des vaccins pourrait être envisagée, mais seulement si un nouveau variant le justifie, expliquait début août Ugur Sahin, cofondateur et dirigeant de BioNTech. "Prendre une décision maintenant pourrait s'avérer erroné si, dans trois ou six mois, un autre variant domine", précisait alors le patron du laboratoire allemand, qui considère la dose de rappel comme une protection suffisante.
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