Pass sanitaire : "Rien de choquant mais il faut des mesures pour ne pas exclure les non vaccinés", juge un professeur de droit public
Le spécialiste des droits fondamentaux et des libertés Serge Slama ne se dit pas opposé à un pass sanitaire pour les personnes vaccinées contre le Covid-19 mais il alerte sur les modalités de sa mise en oeuvre.
"Il n'y a rien de choquant à ce que les personnes vaccinées puissent circuler plus facilement avec un passeport sanitaire mais on voit très bien qu'il faut prendre un certain nombre de garanties pour ne pas exclure les non vaccinés", a déclaré dimanche 14 mars sur franceinfo Serge Slama, professeur de droit public à l'Université Grenoble Alpes, spécialiste des droits fondamentaux et des libertés.
franceinfo : Que représente ce passeport sanitaire européen pour vous ?
C'est un instrument qui peut être intéressant, mais il faut faire attention de ne pas transformer une partie de la population en paria. Mais c'est intéressant puisqu'actuellement, pour circuler dans la plupart des pays européens, il faut un test PCR. On le voit notamment pour les travailleurs frontaliers, c'est un peu compliqué de le faire toutes les 48 heures. Donc si on peut avoir un choix entre un "pass sanitaire" ou un QR code qui confirme que vous êtes immunisé ou vacciné, cela peut simplifier les déplacements. Mais il faut vraiment prévoir la possibilité pour les personnes qui n'ont pas encore fait le vaccin d'avoir d'autres moyens de circuler.
Tant que le vaccin n'est pas accessible à tous, est-ce que ce type de document est valable juridiquement ?
Si on le faisait pour l'ensemble des activités collectives, ça serait problématique, surtout que la France a une très faible couverture vaccinale par rapport à d'autres pays européens. En revanche, si on parle de circulation internationale, il est très classique depuis toujours d'avoir des certificats vaccinaux pour aller dans certains pays. C'est le cas aussi pour aller dans certains territoires français, vous avez besoin de vaccins contre la fièvre jaune. Donc ça n'a rien d'exceptionnel d'avoir ce type de certificats vaccinaux. Ici, c'est un modèle de certificat européen : certains pays sont pour, d'autres contre. La France freine un peu sur la question. Mais vraiment, si le choix c'est les tests PCR ou le certificat vaccinal, ce n'est pas choquant que les personnes vaccinées présentent ça. On le voit pour les Ehpad, par exemple, où depuis quelques jours, les personnes vaccinées peuvent sortir. Pour les personnes non vaccinées, on prend des mesures de précaution supplémentaires.
La France est pour l'instant assez réticente à cette idée de passeport vaccinal. Qu'est-ce qui bloque chez nous ?
Ce qui bloque, c'est sûrement qu'on n'a pas la capacité de faire autant de vaccins que d'autres pays. Si on avait une couverture vaccinale aussi satisfaisante qu'Israël, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, on ne freinerait peut-être pas des quatre fers. Donc je pense qu'ici, c'est un problème de circulation. La France doit jouer le jeu, on doit avoir un certain nombre de garanties. Après, la question d'une version papier ou d'une version électronique me paraît importante : tout le monde n'a pas forcément de portable, notamment les populations vaccinées qui sont pour l'instant les plus âgés en France. Donc on voit très bien qu'il faut prendre un certain nombre de garanties pour vraiment ne pas exclure les non vaccinés. Mais il n'y a rien de choquant à ce que les personnes vaccinées puissent circuler plus facilement avec ce document.
La version électronique de documents pose des questions aussi sur la protection de nos données personnelles.
C'est un problème qui est en train de se généraliser, la transmission de données à caractère personnel. Récemment, il y a eu des tests dans les transports publics, on va compter le nombre de personnes masquées ou pas : c'est le même type de problème. Donc il faut vraiment un QR code qui informe juste le transporteur, il ne faut aucune transmission de données sur la personne vaccinée. Il ne faut pas qu'il y ait de données sur l'état de santé parce qu'on peut très bien avoir été guéri du Covid ou avoir des contre-indications. Donc vraiment il faudrait juste un QR code, comme cela avait déjà fonctionné pour les attestations de sortie pendant le confinement, sans transmission de données aux opérateurs.
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