Vaccin contre le Covid-19 : quatre questions sur la recommandation d'AstraZeneca pour les plus de 55 ans en France
La Haute Autorité de santé a mis à jour vendredi ses consignes concernant le produit du laboratoire suédo-britannique. Si elle a donné son feu vert à la reprise "sans délai" de la vaccination avec AstraZeneca, elle recommande désormais de le réserver aux personnes de 55 ans et plus.
La campagne de vaccination contre le Covid-19 va pouvoir reprendre un rythme presque normal. Après une brève suspension, le vaccin d'AstraZeneca a reçu jeudi le feu vert de l'Agence européenne des médicaments (EMA) et, en France, de la Haute Autorité de santé (HAS) pour une reprise rapide des injections, vendredi 19 mars.
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Mais le sérum est désormais recommandé uniquement pour les personnes de plus de 55 ans par l'instance sanitaire. Franceinfo revient sur cette décision alors que ce vaccin, à l'origine réservé en France aux moins de 65 ans, suscite de nombreuses interrogations.
Quelles sont les dernières recommandations concernant AstraZeneca ?
La Haute Autorité de santé, dans un avis publié le 19 mars, "recommande" de reprendre "sans délai" l'utilisation du vaccin d'AstraZeneca "chez les personnes de 55 ans et plus". "Compte tenu du déroulement de la campagne vaccinale, qui va concerner au cours des deux prochains mois les populations âgées et de l'existence d'alternatives pour les plus jeunes, la HAS recommande à ce stade de n'utiliser le vaccin AstraZeneca que pour les personnes âgées de 55 ans et plus, qui constituent la très grande majorité des personnes prioritaires actuelles", écrit l'instance.
Que disaient les précédentes préconisations ?
Le dernier avis de la HAS contraste cependant avec ses précédentes préconisations. Le 2 février, elle avait limité l'usage de ce vaccin "à l'ensemble des professionnels" de santé "de moins de 65 ans, ainsi qu'aux personnes âgées de 50 à 64 ans, en commençant par celles qui présentent des comorbidités". Elle avait jugé que "les données chez les personnes de plus de 65 ans" n'étaient "pas encore assez robustes" pour leur administrer ce vaccin.
Mais la HAS a ensuite élargi les tranches d'âge concernées, au fil des données recueillies lors de nouvelles études. Elle avait ainsi ouvert, le 2 mars, "sa recommandation du vaccin AstraZeneca aux personnes âgées de plus de 65 ans".
Pourquoi un tel changement ?
L'utilisation du vaccin d'AstraZeneca avait été brièvement suspendue depuis la fin de semaine passée, par précaution, dans plusieurs pays (notamment une quinzaine d'Etats européens), après "la survenue de cas d'événements graves thromboemboliques et hémorragiques chez des personnes vaccinées par [ce produit]", rappelle la HAS.
Mais, après examen, le Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac) de l'Agence européenne des médicaments a considéré que les données ne montraient aucune augmentation des risques généraux de thromboses, notamment de phlébites ou d'embolies pulmonaires.
"Le nombre global d'événements thromboemboliques rapportés après la vaccination est inférieur à celui attendu dans la population générale."
La Haute Autorité de santédans son avis du 19 mars
"En revanche, l'EMA nous demande de ne pas ignorer les événements rares atypiques", a relevé la présidente du collège de la HAS, Dominique Le Guludec. De quels "événements rares atypiques" parle-t-elle ? Les autorités sanitaires ont observé deux types d'incidents graves sur les 20 millions de vaccinations en Europe et au Royaume-Uni : 18 thromboses veineuses cérébrales et 7 coagulations intravasculaires disséminées. Sur l'ensemble de ces incidents, neuf décès ont été enregistrés. Ces pathologies, "très rares", sont "graves" et n'ont "rien à voir" avec les thromboses habituelles comme la phlébite, a précisé Dominique Le Guludec.
"Les liens avec la vaccination ne peuvent pas être écartés", d'après elle, puisque leur fréquence est respectivement huit fois et cinq fois supérieure à la normale. De plus, tous ces accidents sont survenus chez des personnes de moins de 55 ans. Autant de constatations qui ont conduit la HAS à changer radicalement de position.
Qu'en disent les professionnels de santé ?
Ce revirement est jugé positif par la professeure Odile Launay, infectiologue et membre du comité scientifique vaccins Covid-19. "Il est plutôt rassurant de voir qu'en fonction des données disponibles, on peut adapter et préciser la stratégie [de vaccination]", a-t-elle estimé sur franceinfo.
"Maintenant, nous avons des données 'en vie réelle' qui permettent à la fois de confirmer l'efficacité chez des gens plus âgés et de mettre en évidence des cas très rares de complications, chez des jeunes, qui n'avaient pas été vus au cours des essais."
Odile Launay, infectiologueà franceinfo
Pour l'infectiologue, "il paraît donc tout à fait légitime de réserver ce vaccin aux plus âgés". Mais pour certains professionnels de santé, le mal est fait, que Jean Castex se fasse vacciner avec AstraZeneca ou non. "On voudrait bousiller la campagne [de vaccination] qu'on ne s'y prendrait pas autrement", a estimé dans les colonnes du Parisien Yves Buisson, épidémiologiste et président du groupe Covid-19 de l'Académie de médecine. "C'est dramatique de démolir autant la confiance", tranche la virologue Christine Rouzioux auprès du quotidien.
Sans compter que les recommandations risquent encore d'évoluer. La HAS a dit attendre des "données complémentaires" de pharmacovigilance sur le vaccin d'AstraZeneca. Elle doit également s'adresser aux quelque 1,4 million de Français qui ont déjà reçu une première dose de ce vaccin. Elle a fait savoir, sans davantage de détails, qu'elle "se positionnera très prochainement sur les modalités d'administration de la seconde dose", notamment pour toutes les personnes de moins de 55 ans qui ont déjà reçu l'injection.
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