Vaccin contre le Covid-19 : les Français ont besoin de "transparence" et de "pédagogie" selon une enquête de la fondation Jean-Jaurès
Le chercheur Antoine Bristielle qui a participé à cette étude sur la confiance des Français dans les vaccins contre le Covid-19, explique que la défiance repose à la fois sur les effets secondaires et sur l'idée d'une collusion financière entre le gouvernement et les laboratoires.
Alors que le Premier ministre dévoile, jeudi 3 décembre, les détails de son plan de vaccination contre le Covid-19, Antoine Bristielle, professeur agrégé en sciences sociales et chercheur à Sciences Po Grenoble appelle, sur franceinfo, à plus de "transparence" et de "pédagogie" pour faire accepter la vaccination aux Français. Antoine Bristielle a mené pour la Fondation Jean-Jaurès une enquête sur la confiance des Français dans les vaccins contre le Covid-19. Publiée le 17 novembre, elle indique que près d'un Français sur deux ne veut pas ou "plutôt pas" se faire vacciner.
franceinfo : Emmanuel Macron veut "une stratégie de conviction et de transparence" autour de la vaccination. Au regard de votre étude, le fait de convaincre ça n'est pas gagné ?
Antoine Bristielle : En effet, ce n'est pas tout à fait gagné. Et la problématique, c'est qu'entre le début du mois de septembre, au moment où on a mené l'enquête, et maintenant, l'acceptation de la vaccination chez les Français a encore baissé concernant ce vaccin contre le Covid. Donc, effectivement, il y a un grand travail à faire. Mais d'un autre côté, je ne vois pas comment on pouvait passer par une autre stratégie que celle de la conviction quand 60% des Français disent qu'ils ne voulaient absolument pas d'un vaccin obligatoire. Très clairement, quand on demande aux personnes pourquoi elles refuseraient à l'heure actuelle de se faire vacciner, la principale raison évoquée est le manque de recul par rapport à ce vaccin et la peur des effets secondaires avec ce vaccin, dont on ne connaît pas forcément quels seront ses effets secondaires. Alors il ne faudrait pas réduire les personnes méfiantes seulement à des conspirationnistes.
Il y a une défiance de bonne foi par rapport au vaccin : des personnes qui demandent à en savoir davantage avant de se prononcer définitivement sur le fait de se vacciner ou non.
Antoine Bristielleà franceinfo
La défiance est particulièrement marquée chez les jeunes. Disons que l'acceptation de la vaccination est basée sur une sorte de calcul entre les avantages de la vaccination et les risques perçus de la vaccination. Or, les jeunes se rendent compte à l'heure actuelle qu'ils ne sont pas les plus touchés par l'épidémie de Covid. En tout cas, ils ne sont pas les publics les plus à risque. Ils se disent peut-être qu'à l'heure actuelle, étant donné le niveau de connaissances concernant le vaccin, le remède peut être pire que le mal, ou bien ils ont besoin d'en savoir davantage avant de se prononcer sur la vaccination.
Vous la datez de quand cette défiance générale à l'égard des vaccins ?
Il y a eu deux grandes étapes de baisse de l'assentiment de la population française par rapport à la vaccination. Il y a eu les années 90 avec l'épisode du vaccin contre l'hépatite B. Et puis, il y a eu à nouveau l'épisode de la grippe H1N1 de 2009. On a eu justement cette collusion entre le secteur de l'industrie pharmaceutique et le gouvernement. Et ces deux épisodes ont largement baissé l'assentiment des Français dans la vaccination. Mais actuellement, on est encore sur un phénomène bien plus important.
Aujourd'hui, qu'est-ce qui pourrait convaincre les Français d'après vous ? L'exécutif peut-il encore inverser cette défiance ?
Oui, il y a la possibilité d'inverser cela avec une communication vraiment basée sur la transparence. D'abord la transparence sur l'aspect sanitaire, en ne niant pas qu'il peut y avoir quelques effets secondaires à la vaccination. Cacher les effets secondaires, ce serait donner vraiment une opportunité aux théories conspirationnistes de s'emparer de cette question. Les Français ont vraiment envie d'avoir cette transparence. Et puis une transparence également au niveau plutôt économique et financier, puisqu'on se rend compte que le sujet de discussion principal sur les réseaux sociaux concernant le vaccin, c'est la crainte d'avoir des collusions financières entre le gouvernement et l'industrie pharmaceutique qui pousseraient à la stratégie vaccinale et non pas un intérêt de santé publique.
À l'heure actuelle, on voit qu'il y a à peu près 60% de la population qui dit être plutôt d'accord avec le fait de se faire vacciner ou plutôt pas d'accord. Donc, ça laisse beaucoup de personnes qui sont finalement "convaincable" du bon côté. Et en tous les cas, la transparence sur la question sanitaire et sur la question économique sont absolument déterminantes pour pouvoir convaincre les personnes. Aujourd'hui, disons qu'il y a des efforts qui sont faits. On voit sur les plateaux de télévision se succéder des professeurs de médecine qui expliquent vraiment concrètement ce qu'est le vaccin, par exemple ce que ça veut dire un vaccin avec ARN messager. Il y a toute cette pédagogie qui est nécessaire afin de rendre ce vaccin compréhensible.
L'idée de rendre ce vaccin obligatoire, ça aurait été pire en termes de confiance ?
Ça aurait été largement pire. Il y a beaucoup d'experts, et pas seulement en France, qui ont un peu planché sur cette question. En disant que finalement, vu l'état de défiance généralisé dans la population et notamment sur les questions de santé, avoir un vaccin obligatoire aurait été perçu comme une mesure liberticide qui aurait pu entraîner des conséquences assez dramatiques.
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