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Vaccins contre le Covid-19 : huit questions sur Covireivac, la plateforme pour les Français qui souhaitent participer à un essai clinique

Plus de 40 000 personnes ont déjà rempli un formulaire pour déposer leur candidature. Grâce à ce "guichet unique du volontariat", près de 2 200 volontaires vont intégrer des essais menés en France à partir de la mi-décembre.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Un essai clinique du candidat vaccin d'AstraZeneca, le 23 novembre 2020, à l'université d'Oxford (Royaume-Uni). (JOHN CAIRNS / UNIVERSITY OF OXFORD / AFP)

"On est prêts, on attend." Depuis deux mois, Odile Launay coordonne Covireivac, une plateforme qui permet aux volontaires de s'enregistrer pour participer à un essai clinique pour tester les vaccins contre le Covid-19. Mais la spécialiste des maladies infectieuses doit prendre son mal en patience : le feu vert n'a pas encore été donné par les autorités sanitaires, l'Agence nationale de sécurité du médicament et le Comité de protection des personnes.

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Une fois le sésame obtenu, les premiers volontaires de la plateforme vont pouvoir rejoindre deux essais mondiaux à la mi-décembre, puis un troisième plus spécifique à la fin de l'année. A l'heure actuelle, aucune étude clinique ne se déroule en France, hormis un essai de phase 1 (étude en anglais) mené par l'Institut Pasteur.

1Qui s'est porté volontaire ?

Lancée le 1er octobre, la plateforme nationale ouverte aux volontaires majeurs Covireivac avait attiré 25 000 personnes en seulement dix jours. Début décembre, ce nombre atteignait 41 374 candidats, dont 23% de personnes âgées de 65 ans ou plus. La majorité des volontaires sont des hommes (63%), relève par ailleurs Odile Launay, une situation souvent observée lors des essais cliniques. Pour le moment, seule une petite partie d'entre eux ont été ou sont en passe d'être recontactés. Ils peuvent changer d'avis et se rétracter jusqu'au dernier moment.

2Quels seront les premiers vaccins testés ?

A partir de la mi-décembre, et sous réserve d'obtenir les autorisations réglementaires, un millier de volontaires vont rejoindre l'essai de phase 3 mené par le groupe suédo-britannique AstraZeneca. Les deux tiers recevront deux doses complètes de ce vaccin à vecteur viral (adénovirus de chimpanzé), et l'autre tiers deux doses de placebo, avec à chaque fois un mois d'écart entre les deux injections. A la même période, un autre millier de volontaires vont intégrer l'essai de phase 3 de Janssen, la filiale belge du groupe américain Johnson & Johnson. La moitié recevra deux doses de cet autre vaccin à vecteur viral (adénovirus humain), et le reste deux injections de placebo, cette fois-ci à deux mois d'écart. Bien entendu, les volontaires des deux essais ne sauront pas à quel groupe ils appartiennent.

L'inclusion des volontaires Covireivac a été validée après un avis du Comité scientifique sur les vaccins Covid-19, qui évalue l'intérêt pour la France de se joindre aux essais des fabricants. Durant l'été, des discussions avaient déjà eu lieu avec plusieurs laboratoires pour organiser des essais en France, mais la circulation du coronavirus était alors peu importante en Europe. "Nous essayons d’avoir le plus rapidement possible les vaccins", explique Odile Launay, qui se heurte par ailleurs "au fait que certains industriels ne souhaitent pas être évalués par d’autres laboratoires que les leurs avant l’examen de leurs demandes d’autorisation".

Pour le moment, les discussions avec Pfizer et BioNTech, dont le vaccin est pourtant en passe d'obtenir une autorisation de mise sur le marché, n'ont pas abouti.

"C'est dommage de ne pas avoir eu la possibilité d'évaluer leur vaccin avant qu'ils ne déposent la demande d'autorisation. Quelque part, on regrette de ne pas avoir eu accès à ce candidat vaccin."

Odile Launay, coordinatrice de Covireivac

à franceinfo

Ce candidat vaccin, qui bénéficie d'un important financement du gouvernement américain, a surtout fait l'objet d'un essai aux Etats-Unis, en Allemagne (pays de BioNTech) et en Amérique du Sud.

3Est-ce important pour les autorisations ?

En réalité, la participation des volontaires français à ces deux essais n'a pas vocation à valider ou non la commercialisation des vaccins concernés sur le marché hexagonal. Dans les deux cas, on parle d'essais "à promotion industrielle", car les données collectées vont être ajoutées aux essais internationaux menés par AstraZeneca (dans six pays) et Janssen (dans neuf pays). “Ce n’est pas nous qui décidons de la manière dont sont conduites ces études de phase 3", résume Jean-Daniel Lelièvre, immunologue et membre de la Haute Autorité de santé.

Le circuit de mise sur le marché français reste donc inchangé : AstraZeneca et Johnson & Johnson doivent présenter des résultats concluants auprès de l'Agence européenne du médicament, dans le cadre d'une demande d'autorisation.

4Quel est le troisième essai prévu ?

Des volontaires inscrits sur Covireivac vont participer à une autre étude, menée dans le cadre d'un essai à "promotion académique" et non plus à "promotion industrielle". Cela signifie qu'il est proposé par un organisme de recherche indépendant du fabricant, en l'occurrence l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Cet essai de phase 2 doit débuter fin décembre ou début janvier, avec 180 volontaires mobilisés pour mettre à l'épreuve le vaccin à ARN de Moderna, qui a donné son accord.

Il y a ici une particularité : parmi ces inscrits, 120 personnes seront âgées d'au moins 70 ans. L'objectif de l'AP-HP est d'obtenir des données plus fouillées sur l'immunogénicité du vaccin (soit sa capacité à déclencher une réponse immunitaire) chez les plus âgés. En effet, les seniors ont un système immunitaire généralement affaibli et sont également plus à risque de développer des formes graves de Covid-19. Pourtant, ce public n'apparaît pas toujours dans les essais cliniques classiques. De telles données sont donc précieuses, alors que la France a ciblé en priorité cette catégorie d'âge dans sa future campagne de vaccination.

A la différence des essais à promotion industrielle, dont le but est de contrôler l'efficacité et l'innocuité avant une autorisation de mise sur le marché, ces essais sont plus ciblés et peuvent potentiellement “modifier les stratégies vaccinales” dans notre pays, explique Jean-Daniel Lelièvre. Afin de guider au mieux le choix des vaccins utilisés en France, l'équipe de Covireivac souhaiterait en savoir plus, par exemple, sur la nécessité ou non de vacciner les personnes déjà infectées.

Moderna pourrait obtenir une autorisation de mise sur le marché avant le 12 janvier, très probablement avant les résultats de l'essai de l'AP-HP. "Mais ces derniers resteront importants dans la perspective d’une vaccination", insiste Odile Launay. "Ils vont apporter des éléments d’information importants dans le choix des vaccins que la France va faire au cours des prochains mois."

5Quid des milliers d'autres volontaires ?

Au total, ce mois-ci, environ 2 180 volontaires de Covireivac vont être contactés pour des essais. Ainsi, la très grande majorité des inscrits ne sera pas appelée avant l'an prochain et devra patienter avant d'être incluse dans un essai. "Il est probable qu’il n’y en aura pas assez pour toutes les personnes inscrites sur la plateforme", concède Odile Launay, "mais celles-ci pourraient être invitées à participer sous une autre forme à la recherche en cours". En deux ou trois semaines, de toute manière, il aurait été difficile d'inclure plus de 40 000 personnes dans des essais.

6Où seront menés ces essais ?

Les essais seront conduits partout en France, dans 30 centres de recherche clinique appuyés par près de 15 centres de ressources biologiques. "C’est une chance que l’on a et nous sommes ravis de saisir cette opportunité", déclarait récemment Frédérique Bertholon, du service de physiologie clinique du CHU de Saint-Etienne (Loire), au cours d'un entretien à France 3. Des médecins généralistes devraient également compléter le dispositif, à travers le Collège national des généralistes enseignants.

Pour l'heure, on ne connaît pas précisément les sites retenus pour les deux premiers essais, mais la fiche de l'essai clinique (étude en anglais) de Janssen (Johnson & Johnson) livre quelques indices : Montpellier, Bordeaux, Saint-Etienne, Toulouse, Nancy, Cochin et Saint-Antoine à Paris.

7Combien de temps dure le suivi ?

Les volontaires retenus se rendent d'abord chez le médecin pour confirmer leur consentement et réaliser un test sanguin au Covid-19, afin de s'assurer qu'ils n'ont pas déjà été en contact avec le virus. Les éventuels effets secondaires seront scrutés dès la vaccination, sur le lieu même de l'injection, puis de manière régulière la première semaine, et de façon hebdomadaire le reste du premier mois. Plusieurs outils sont mobilisés durant toute la durée du suivi (carnet, entretiens téléphoniques, consultations médicales...). Cette surveillance prolongée peut durer un an, assez pour permettre la remontée d'éventuels événements à moyen terme.

8La participation est-elle est rémunérée ?

Les volontaires ne sont pas rémunérés mais ils peuvent être indemnisés "en fonction des contraintes qui leur sont imposées (déplacement à l’hôpital, injection du vaccin, prises de sang, etc.)", explique Covireivac. Cette indemnité dépendra des caractéristiques de l'essai. Mais pour tous ces Français engagés sur le front, l'important est avant tout de jouer un rôle actif, aussi modeste soit-il, dans la recherche scientifique.

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