Vaccins contre le Covid-19 : l'appel à lever les brevets "est un peu démagogique", selon une eurodéputée LREM
Le président américain, Joe Biden, a appelé à la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19 au nom de la solidarité mondiale. Pour Véronique Trillet-Lenoir, la solution la plus rapide pour étendre la vaccination reste le don de doses aux pays en développement.
"C'est un leurre de penser qu'en levant un brevet, on va régler la problématique de la vaccination contre le Covid-19 à l'échelle de l'ensemble de la planète", a affirmé vendredi 7 mai sur franceinfo Véronique Trillet-Lenoir, eurodéputée LREM, spécialiste des questions de santé pour le groupe Renew Europe. À l'occasion d'un sommet européen au Portugal, Emmanuel Macron s'est dit "ouvert" à l'idée de lever les brevets, tout en précisant que cela ne devait "pas tuer la rémunération de l'innovation". Une position qui ne fait pas l'unanimité au sein de l'UE.
franceinfo : Emmanuel Macron est favorable à la levée des brevets sur les vaccins, mais il affirme en même temps que ce n'est pas sa priorité. Cela ne manque-t-il pas de clarté ?
Véronique Trillet-Lenoir : Ça devient clair quand on comprend que la levée de brevets, ou l'abandon de la propriété intellectuelle, est loin de régler tout le problème du transfert de technologie d'un vaccin.
"C'est un peu comme si vous donniez à quelqu'un qui ne sait pas cuisiner une liste d'ingrédients sans lui donner la recette, et en bloquant les ingrédients de base."
Véronique Trillet-Lenoirà franceinfo
C'est ce que font les Américains qui détiennent les substances actives de base et qui les bloquent à l'exportation. Pour pouvoir fabriquer un vaccin, il faut avoir les ingrédients, il faut avoir la technique et la technologie. Et ça, ça prend du temps et cela n'est certainement pas la manière la plus efficace et surtout la plus rapide d'avoir accès à un vaccin. C'est pourquoi nous croyons beaucoup plus à l'alternative que l'Europe a privilégiée depuis le début de la crise, c'est à dire le don de doses, la livraison de vaccins clés en main à des pays qui n'en fabriquent pas. Cela ne veut pas dire qu'on n'ait pas ouvert une discussion sur des levées de brevets, parce qu'à plus long terme, cela pourrait être une manière de déployer encore mieux la technologie vaccinale. Mais c'est un leurre de penser qu'en levant un brevet, on va régler la problématique de la vaccination à l'échelle de l'ensemble de la planète.
Est-ce que, quand Joe Biden prône la levée de brevets, c'est avant tout une position diplomatique ?
C'est un peu démagogique. Il y a même une certaine hypocrisie à ce que ce soient les États-Unis qui, précisément, bloquent l'arrivée de substances actives dans les autres continents, qui fassent ce grand geste de largesse qui n'est qu'une étape, et qui peut par ailleurs avoir quand même l'inconvénient de décourager les industriels vis à vis de l'innovation.
Comment la France et les Européens peuvent-ils convaincre Joe Biden et les États-Unis de partager leurs vaccins ?
Probablement par une forme de pédagogie. Probablement aussi, en lui rappelant ce qu'il sait, c'est à dire que l'Union européenne est actuellement le plus grand donneur de vaccins, non seulement exportateur, mais généreux donneur de vaccins pour un ratio d'environ 45 sur 55%, alors que les États-Unis ne font absolument aucun don de vaccins. Ils financent le programme Covax.
"Simplement, le financement pour des pays qui n'ont pas la technologie et pas les ingrédients, c'est bien, mais ça n'avance pas vite."
Véronique Trillet-Lenoirà franceinfo
Donc, à notre avis, le don de doses dans le court terme est la bonne stratégie. Ce qui n'empêche pas, bien évidemment, de discuter de toutes les autres, y compris peut être de la mise en commun de plateformes technologiques mutualisées entre différents pays, différents continents.
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