Cet article date de plus de trois ans.

Vrai ou faux Le vaccin Pfizer pourrait-il "accélérer la propagation" du virus du Covid-19 dans l'organisme, comme l'avance François Asselineau ?

L'ancien candidat à l'élection présidentielle fait une lecture erronée d'une étude de scientifiques allemands portant sur le cas d'un patient âgé décédé qui avait reçu une première dose du vaccin contre le Sars-CoV-2.

Article rédigé par franceinfo - Julien Nguyen Dang
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des soignants prennent en charge un patient atteint du Covid-19 dans le service de réanimation de l'Institut mutualiste Montsouris à Paris, le 6 mai 2021. (ANTONIN BURAT / HANS LUCAS / AFP)

La vaccination poursuit sa course en France. Plus de 46% de la population, soit quelque 31 millions de personnes, ont reçu au moins une première injection de vaccin contre le Covid-19, et 16 millions d'entre elles ont reçu les deux doses. Mais face aux incitations à se faire vacciner, de nombreuses informations douteuses circulent. En particulier vis-à-vis des vaccins à ARN messager, une technique employée pour la première fois à grande échelle par Pfizer-BioNtech et Moderna.

François Asselineau, président de l'Union populaire républicaine (UPR) et ancien candidat à l'élection présidentielle, a ainsi fait part d'une "découverte inquiétante" sur Twitter, mardi 15 juin. Une "découverte" également signalée à franceinfo par des internautes via ce formulaire.

L'homme politique, qui multiplie les prises de position hostiles aux vaccins, affirme se fonder sur une étude allemande publiée en juin par l'International Journal of Infectious Diseases*. L'article scientifique est consacré à l'autopsie d'un patient âgé de 86 ans qui avait reçu une dose de vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech, quatre semaines avant sa mort. "Le vaccin ARNm (...) n'a pas semblé arrêter la propagation du virus (...) dans tout le corps", avance François Asselineau. Preuve, selon lui, que les vaccins à ARN "peuvent peut-être (...) accélérer la propagation [du] Covid-19". Mais qu'en est-il vraiment ?

Cette étude citée par François Asselineau a été montée en épingle par la sphère complotiste. Le site du commentateur d'extrême droite américain Hal Turner* semble être à l'origine de la rumeur, dans un article publié dimanche 13 juin. Le contenu a été repris par plusieurs sites de désinformation, tels que Réseau international ou The European Union Times*, la source mentionnée par François Asselineau. Tous avancent que "de l'ARN viral a été trouvé dans tous les organes du corps du patient". C'est inexact.

Non, de l'ARN viral n'a pas été trouvé dans tous les organes du patient

Reprenons depuis le début. L'équipe du professeur Torsten Hansen, de l'université de Bielefeld, en Allemagne, a effectué des relevés sur la dépouille d'un homme mort à l'âge de 86 ans. En janvier, quatre semaines avant son décès, l'octogénaire avait reçu une première dose de vaccin Pfizer-BioNTech. Dix-sept jours plus tard, l'homme a été hospitalisé pour une diarrhée persistante. Son état de santé a continué de se dégrader. La veille de sa mort, le patient a été testé positif au Covid-19 pour la première fois depuis son admission à l'hôpital ; une infection vraisemblablement due à son voisin de chambre. L'homme a finalement succombé à des insuffisances respiratoire et rénale.

Durant son autopsie, les chercheurs allemands ont identifié dans plusieurs endroits de son organisme le code génétique du virus : l'ARN viral. Mais pas dans tous les organes du défunt ou presque, contrairement à ce qu'affirment Hal Turner ou François Asselineau. "Nous avons seulement analysé neuf organes. (...) Ce n'est même pas la majorité des organes présents dans le corps humain", explique à franceinfo le pathologiste Torsten Hansen. L'équipe s'est concentrée sur des tissus tels que les poumons, la langue et la trachée, parce qu'ils font partie du "chemin de diffusion virale", éclaire Mylène Ogliastro, chercheuse à l'université de Montpellier et vice-présidente de la Société française de virologie, jointe par franceinfo.

Sur les neuf organes analysés, seuls sept présentaient de l'ARN viral : le signe d'un "stade précoce d'infection", concluent les chercheurs allemands. "C'est pourquoi [dire que] de l'ARN viral a été trouvé dans presque tous les organes du patient est tout simplement faux", conclut Torsten Hansen auprès de franceinfo. Le scientifique insiste surtout sur un point : cet ARN provient uniquement du virus, et en aucune manière "du vaccin".

"C’est avec un sentiment de consternation que nous nous distancions de cette présentation mensongère des faits."

Torsten Hansen, professeur de pathologie et directeur de l'étude allemande

à franceinfo

Non, la mort du patient n'est pas liée au vaccin de Pfizer-BioNTech

Autre accusation portée par Hal Turner : la dose de vaccin "prise par ce patient" aurait provoqué sa mort. Selon lui, des "caillots sanguins" causés par la vaccination en seraient à l'origine. Torsten Hansen s'offusque : "Il est vraiment incompréhensible pour nous de savoir comment [ces commentateurs] en viennent à cette conclusion, parce que nous n'avons observé aucun effet secondaire de la vaccination, que ce soit par un examen clinique ou morphologique", explique le chercheur de l'université de Bielefeld.

Dans sa réponse détaillée à franceinfo, Torsten Hansen confirme n'avoir trouvé aucun caillot sanguin et rappelle les antécédents médicaux du patient, atteint d'une lésion grave du gros intestin appelée colite ischémique, une pathologie déjà présente quinze ans auparavant. 

"Nous n'avons fait aucune découverte en particulier qui pourrait être vue comme un effet secondaire de la vaccination."

Torsten Hansen

à franceinfo

Non, le virus du Covid-19 n'a pas causé la mort du patient

La découverte d'ARN viral suggère à François Asselineau que le vaccin "n'a pas semblé arrêter la propagation du virus". Voire, selon l'article cité par l'homme politique dans son tweet, que "le coronavirus se répand plus rapidement [dans l'organisme] des individus vaccinés". Mais, une fois encore, c'est une lecture erronée.

L'analyse des tissus du patient autopsié a apporté aux chercheurs allemands des informations sur l'"immunité stérilisante" fournie par le vaccin après une première injection, c'est-à-dire sa capacité à "empêcher le virus de rentrer dans les cellules [grâce aux] anticorps", explicite la virologue Mylène Ogliastro. Pour les chercheurs de l'université de Bielefeld, l'infection du patient par le virus signifie que "l'immunité stérilisante ne s'est pas développée de manière adéquate" après une seule dose de vaccin, alors que deux injections sont prévues dans le schéma vaccinal classique.

Seulement voilà : dans son article, l'équipe de Torsten Hansen explique n'avoir observé chez le patient aucune des "caractéristiques morphologiques" du Covid-19. Cela les amène à conclure que la maladie n'a nullement causé sa mort et qu'il aurait bien profité d'une réponse immunitaire, grâce à son unique dose de vaccinEn aucun cas le vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech n'accélèrerait donc la propagation du Sars-CoV-2, comme l'envisage François Asselineau. Au contraire, l'étude des chercheurs allemands permet de supposer qu'une seule dose de vaccin à ARN permet déjà d'enclencher une réponse immunitaire.

Même s'il explique avoir reçu "des retours positifs de la communauté scientifique" après la publication de son article, Torsten Hansen tempère : "Les résultats d'une étude de cas doivent toujours être interprétés avec prudence. Pour tirer des conclusions générales, et notamment au sujet des patients vaccinés contre [le virus du Covid-19], de plus larges cohortes sont nécessaires."

* Ces liens renvoient vers des articles en anglais.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.