Grippe aviaire : après la détection de foyers de contamination, faut-il s'inquiéter du risque relevé à son niveau maximum en France ?

La grippe aviaire prend ses quartiers d'hiver en Europe. En France, le gouvernement a relevé mardi le niveau de risque à "élevé". Les éleveurs de plein air sont obligés de confiner leurs volailles. De quoi inquiéter sur de possibles répercussions économiques pour la filière comme les consommateurs.
Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
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Des pintades confinées dans un poulailler lors d'une précédente épizootie de grippe aviaire, le 5 décembre 2022 aux Herbiers (Vendée). (LOIC VENANCE / AFP)

"C'est un peu la routine depuis quelques années", lâche Clément Blanchard, éleveur de volailles en plein air en Vendée. L'aviculteur a pris connaissance, mardi 5 décembre, du passage de la grippe aviaire en risque "élevé", le niveau maximum, après la détection de "plusieurs foyers" en France hexagonale, selon un texte publié lundi au Journal officiel. Comme le prévoit l'arrêté, il a confiné ses volatiles. "On s'y était préparés et on s'y attendait avec l'arrivée de l'hiver", confie-t-il.

De "négligeable" en début juillet, le niveau de risque d'épizootie de grippe aviaire était déjà passé à "modéré" fin novembre, après la détection d'un foyer dans un élevage de dindes dans le Morbihan, le premier cas de l'automne en France. Ce passage au troisième et dernier seuil de l'échelle d'alerte a été pris en "considérant la confirmation de plusieurs foyers en élevage""la dynamique de l'infection dans les couloirs de migration", ainsi que "la possibilité de diffusion du virus par ces oiseaux migrateurs", précise le Journal officiel.

Les foyers se multiplient en Europe

Ce relèvement du risque a été décidé notamment en raison de la présence du virus chez des "oiseaux sauvages qui descendent du nord vers le sud pour leur migration hivernale, passant au-dessus du territoire" français, expose sur France Inter Gilles Salvat, directeur général délégué de l'Agence nationale de sécurité sanitaire et alimentaire (Anses). "C'est une décision logique au regard de la dégradation de la situation sanitaire en Europe depuis quelques semaines, et encore plus ces derniers jours", observe Jean-Luc Guérin, professeur en pathologie aviaire à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse et directeur de laboratoire à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). "Le signal consiste à dire : on augmente la vigilance ainsi que les systèmes de surveillance et de protection sanitaire."

"La situation est sérieuse et on arrive dans une phase critique."

Jean-Luc Guérin, professeur en pathologie aviaire et directeur de laboratoire à l'Inrae

à franceinfo

L'épizootie progresse sur le continent européen. Depuis le 1er août, 107 foyers de grippe aviaire chez des volailles ont été détectés dans 27 pays en Europe, principalement en Hongrie (54) et au Royaume-Uni (16), selon le dernier bulletin hebdomadaire de la plateforme française d'épidémiosurveillance en santé animale. En France, l'influenza aviaire a été détectée dans le Morbihan et dans la Somme, où des oiseaux ont été abattus. Si la situation reste pour le moment sous contrôle, la France a été touchée par la grippe aviaire de 2015 à 2017, puis quasiment en continu depuis fin 2020. En 2022, le pays avait connu sa pire crise sanitaire, ce qui avait entraîné l'abattage de millions de volailles.

Dans un communiqué, le ministère de l'Agriculture justifie le passage en risque élevé d'épizootie afin de "renforcer la protection des élevages". Alors que les premiers cas de contamination sont en général dus à des contacts directs ou indirects (via les excréments par exemple) avec des oiseaux sauvages porteurs du virus, les autorités veulent éviter que les contaminations se propagent entre les élevages, ce qui rendrait la situation difficilement contrôlable.

Le confinement des volailles qui évoluent habituellement à l'extérieur répond à cette crainte. Le directeur général délégué de l'Anses appelle certes à "mettre les oiseaux à l'abri", mais il prévient que "cela ne suffit pas". "Il faut absolument renforcer les mesures de biosécurité, c'est-à-dire tout ce que l'éleveur fait pour éviter de faire rentrer le virus dans son élevage", insiste Gilles Salvat.

La vaccination des canards, un atout face à la maladie

Le risque d'une épizootie de grande ampleur ne semble toutefois pas à l'ordre du jour. Gilles Salvat observe que, contrairement aux années précédentes, les canards français paraissent pour l'heure épargnés par le virus. "On espère que c'est lié au fait qu'on vaccine les canards", avance le dirigeant de l'Anses.

Ces oiseaux ont en effet été identifiés comme des vecteurs importants de diffusion de la grippe aviaire, notamment parce qu'ils excrètent le virus dans l'environnement plusieurs jours avant de présenter des symptômes. Leur vaccination a été rendue obligatoire en France dans les élevages de plus de 250 volatiles. Depuis, l'Anses comptabilise "8 millions de premières doses administrées et 6 millions de doses de rappel". "On estime que les canards ont quasiment tous au moins reçu leur première dose aujourd'hui", a déclaré à l'AFP Marie-Pierre Pé, directrice de l'association des professionnels du foie gras Cifog.

"L'introduction de la vaccination chez les palmipèdes, qui sont très sensibles et avaient participé à la contamination d'autres élevages, devrait permettre d'éviter de grandes vagues d'épizooties", espère Jean-Luc Guérin. "C'est un outil précieux pour limiter le risque de diffusion" du virus, particulièrement à d'autres élevages non vaccinés, comme les dindes ou les poulets, souligne le professeur en pathologie aviaire à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, estimant que le recours à des abattages préventifs pourrait ainsi être restreint. 

Mais si les canards semblent relativement protégés cette année, aucune vaccination n'est pour l'heure autorisée pour les dindes en France. Certes, des "vaccins existent" et ont été testés en Italie, mais ils "n'ont pour l'instant pas d'autorisation de mise sur le marché" en France. Surtout, "ils sont beaucoup moins efficaces", juge Gilles Salvat. Dans la Somme comme dans le Morbihan, ce sont des élevages de dindes qui ont été contaminés.

"Aucune inquiétude" pour les fêtes de fin d'année

La progression hivernale du virus peut-elle avoir un impact massif sur la filière et les volailles, à quelques semaines des fêtes de fin d'année, où les tables se garnissent de chapons et de foie gras ? Jean-Luc Guérin estime que non. "Il faudrait une dégradation très forte pour avoir à recourir à des abattages massifs", juge-t-il. "Aucune inquiétude" concernant Noël, abonde Marie-Pierre Pé. "Les foies gras sont souvent déjà dans les rayons. Les foies crus, à préparer, vont arriver et il n'y a pour l'instant aucune raison de penser qu'il y aura un impact" sur leur disponibilité, assure la directrice du Cifog.

La filière comme les consommateurs vont cependant encore subir les conséquences de l'épisode de grippe aviaire de 2022, où les canards avaient été décimés par le virus ou les abattages préventifs. Le Cifog a prévenu qu'après une augmentation des prix de plus de 15% en 2022, le foie gras coûterait cette année encore "environ 5%" plus cher dans les rayons.

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