Grippe aviaire : quatre questions sur la contamination d’un humain par une vache aux Etats-Unis
C'est une première. Au Texas, une vache laitière a contaminé un humain, qui a été testé positif à la grippe aviaire, ont annoncé les autorités américaines lundi 1er avril. Jusque-là, le seul cas similaire recensé aux Etats-Unis ne concernait pas les bovins : en 2022, dans le Colorado, une personne avait été infectée par des volailles, selon l'agence américaine de santé publique (CDC). Or, depuis quelque temps, le virus H5N1 semble ne plus se cantonner aux oiseaux.
Il a été détecté chez des chèvres dans le Minnesota, le 20 mars. Le 25, ce sont des vaches qui ont été testées positives dans des exploitations laitières au Texas et au Kansas. Du Michigan à l'Idaho en passant par le Nouveau-Mexique, il n'a fallu qu'une semaine pour que plusieurs autres cas soient recensés dans des Etats éloignés. Un premier motif de préoccupation, auquel s'ajoute désormais cet exemple de transmission d'un bovin à l'homme. Franceinfo revient sur plusieurs questions soulevées par ces découvertes.
1 Quels symptômes présente le patient ?
Le communiqué du CDC se veut rassurant sur l'état de santé de la personne testée positive au H5N1. Hormis une "rougeur oculaire (compatible avec une conjonctivite)", sa santé n'a rien de préoccupant. Elle est à l'isolement et suit un traitement antiviral contre la grippe pour se rétablir. On sait simplement qu'elle a été "exposée" à des vaches laitières dont on soupçonne qu'elles étaient infectées.
Selon l'agence de santé publique américaine, la plupart des signes et symptômes d'une infection par la grippe aviaire sont similaires à ceux d'autres maladies respiratoires, comme la grippe saisonnière ou le Covid-19. Ils peuvent inclure, chez l'humain, de la fièvre, une toux, un mal de gorge, des difficultés respiratoires, une irritation des yeux, des maux de tête, le nez qui coule, des douleurs musculaires ou une diarrhée.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) rappelle cependant, au sujet d'un cas mortel au Vietnam fin mars, que "les infections chez l'homme peuvent provoquer une maladie grave avec un taux de mortalité élevé."
2 Comment le virus H5N1 se propage-t-il ?
Ce sont précisément les récentes évolutions de la réponse à cette question qui préoccupent les spécialistes. "Le H5N1 a montré une adaptation aux mammifères, ce qui peut expliquer la transmission étendue aux mammifères (otaries, chats, renards et maintenant vaches)", analyse l'épidémiologiste Deepti Gurdasani sur X. Elle précise toutefois qu'"aucun cas clair de transmission interhumaine n'a été identifié", puisque "presque tous les cas ont eu un contact avec des oiseaux/volailles". Ces derniers demeurent pour l'heure le premier maillon de la chaîne, certains oiseaux migrateurs ayant été retrouvés morts près des terres d'exploitations agricoles sur lesquelles les vaches laitières ont contracté le virus H5N1.
Néanmoins, le lien n'a pas été systématiquement établi, ce qui entraîne une vive préoccupation pour certains épidémiologistes. "L'introduction d'une vache infectée d'une ferme semble avoir conduit à l'infection de vaches dans une autre ferme (sans contact direct évident avec des oiseaux infectés)", explique Deepti Gurdasani. La chercheuse à l'université Queen Mary de Londres laisse apparaître sa crainte de voir la contagiosité du virus s'accroître : "La transmission de mammifère à mammifère est suspectée depuis un certain temps, mais n'est pas confirmée. Si le séquençage le confirme, ce serait une étape assez inquiétante dans l'évolution du virus."
Pour l'heure, les autorités texanes ont au moins été rassurantes sur un point : l'infection des bovins ne présente pas de problème pour la commercialisation du lait. En effet, non seulement les laiteries sont tenues de détruire le lait des vaches malades, mais surtout, la pasteurisation tue les virus. Le ministère de l'Agriculture américain a toutefois précisé que "les personnes exposées de près ou de manière prolongée et sans protection à des oiseaux ou à d'autres animaux infectés (y compris le bétail), (...) courent un plus grand risque d'infection".
3 Le grand public doit-il s'inquiéter ?
L'agence américaine de santé publique se veut rassurante : "Cette infection ne modifie pas l'évaluation du risque pour la santé humaine de la grippe aviaire H5N1 pour le grand public américain, que le CDC considère comme faible". Elle affirme aussi que "l'analyse préliminaire des virus H5N1" ne montre aucune évolution susceptible de rendre les rendre résistants aux médicaments "antiviraux contre la grippe actuellement approuvés" aux Etats-Unis. Par conséquent, des solutions existent, même en cas de propagation.
Le risque de pandémie est d'autant moins présent que les analyses rendues publiques par le CDC mardi se révèlent rassurantes : "Les séquences bovines et humaines (...) manquent pour la plupart de changements qui les rendraient mieux adaptées pour infecter les mammifères."
Sur son compte X, l'épidémiologiste Raywat Deonandan a pour sa part appelé à ne "pas réagir de manière excessive à l'annonce qu'une ou deux personnes ont attrapé" la grippe aviaire, rappelant que les animaux sont surveillés "depuis des décennies". "Nous avons les outils et les connaissances pour la stopper si elle devient un problème, si chacun fait sa part", estime ce chercheur de l'université d'Ottawa (Canada).
4 Est-ce un tournant dans l'épidémie mondiale de grippe aviaire ?
Ce cas atteste que "le virus s'adapte à la transmission de mammifère à mammifère, plutôt qu'à une transmission accidentelle d'oiseau à mammifère", souligne l'épidémiologiste Eric Feigl-Ding, de l'Institut des systèmes complexes de Nouvelle-Angleterre à Cambridge (Etats-Unis), sur son compte X. Ce double franchissement de la barrière entre les espèces, indique, selon lui, qu'"il y aura inévitablement davantage de cas humains de grippe aviaire". D'où son souhait que le CDC privilégie "la prévention et le contrôle".
Si la problématique prend de l'ampleur ces derniers jours, la grippe aviaire circule depuis plusieurs années. En juillet dernier, un communiqué de l'OMS rappelait d'ailleurs que l'organisation travaille avec d'autres organismes "pour surveiller l'évolution de ces virus, à la recherche de signaux indiquant tout changement qui pourrait être plus dangereux pour l'homme".
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