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Grippe aviaire : quatre questions sur le confinement controversé des volailles, qui laisse craindre une hausse du prix des œufs

Le gouvernement a décidé de confiner une nouvelle fois les élevages de volaille pour faire face à l'épidémie de grippe aviaire. Une décision contestée par certains éleveurs et par les ONG environnementales.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des poules dans un élevage d'Argeliers (Aude), le 2 septembre 2022. (JUSTINE BONNERY / HANS LUCAS / AFP)

La décision est tombée jeudi 10 novembre. Les volailles de plein air doivent de nouveau être confinées partout en France pour tenter d'endiguer la grippe aviaire qui a entraîné l'abattage de plus de 770 000 animaux depuis l'été. Le niveau de risque lié à la grippe aviaire a été porté de "modéré" à "élevé" dans l'Hexagone et en Corse par un arrêté publié jeudi au Journal officiel. Franceinfo revient sur cette décision controversée.

1Quelle est la situation sanitaire ?

Le virus a recommencé à frapper des élevages français dès l'été, de manière exceptionnellement précoce après une saison 2021-2022 catastrophique. "A la mi-octobre 2022, environ 21,8 millions d'animaux (palmipèdes et volailles) avaient été abattus en France dans le cadre de la gestion de la crise (août 2021-mai 2022)", détaille le ministère de l'Agriculture sur son site. "Les éleveurs sont traumatisés, certains arrêtent de produire pour ne pas revivre le printemps" dernier, souligne le président de la chambre d'agriculture Pays de la Loire-Vendée, Joël Limouzin.

"A la date du 11 novembre, 52 foyers en élevage ont été confirmés depuis le 1er août", précise le ministère. En l'espace de trois mois, plus de 770 000 canards, poulets ou poules pondeuses ont déjà été abattus, a appris l'AFP auprès du ministère. 

2Comment se justifie le gouvernement ?

"Dans un contexte marqué par une persistance inédite du virus dans l'environnement et une forte activité migratoire d'oiseaux sauvages, il est essentiel de renforcer les mesures de prévention pour éviter la contamination des élevages de volailles", a justifié le ministère de l'Agriculture dans un communiqué le 10 novembre. Cela impose la "mise à l'abri de toutes les volailles", rappelle le ministère. Ce dernier prévient : les éleveurs récalcitrants ne pourront pas prétendre pleinement aux indemnisations de l'Etat en cas d'abattage sanitaire.

Avant même la reprise de l'épizootie pendant l'été, la facture de la grippe aviaire s'élevait pour l'Etat français à plus d'un milliard d'euros pour indemniser les pertes des professionnels. Les grandes zones de production de volailles (la Bretagne, les Pays de la Loire, ainsi que le département des Deux-Sèvres) devaient déjà enfermer les volailles depuis la mi-octobre. 

Le gouvernement voit cette décision comme une mesure transitoire en attendant un éventuel vaccin. "L'objectif pour nous, c'est d'aider les éleveurs à passer le cap et de faire en sorte que l'année prochaine, avec le vaccin, on ait quelque chose qui permette d'aborder plus sereinement la période" avec la mise en place d'un vaccin pour protéger les élevages de canards de la grippe aviaire, a affirmé lundi sur France Bleu Périgord le ministre de l'Agriculture. Selon Marc Fesneau, le vaccin est en cours d'expérimentation "depuis le mois de juin" et les premiers résultats "tangibles" sont attendus en "décembre ou janvier". Le gouvernment "nourrit l'espoir" d'avoir "une stratégie vaccinale pour la saison prochaine".

3Pourquoi cette décision est-elle contestée ?

En 2022, les volailles n'ont finalement goûté au grand air que quelques mois. "Confiner, on a bien vu que ça ne marche pas, ça ne protège pas du virus", déplore auprès de l'AFP Lionel Candelon, éleveur dans le Gers et président de l'association Canards en colère.

Jugeant que les "filières animales industrielles" sont responsables de la diffusion du virus, 22 organisations de défense des petits agriculteurs (Confédération paysanne, Mouvement de défense des exploitants familiaux), de l'environnement (France nature environnement, Greenpeace) et des animaux d'élevage (CIWF, Welfarm-Protection mondiale des animaux de ferme) ont appelé jeudi le gouvernement à "changer radicalement de politique face aux épizooties". Elles demandent la mise en place d'un "principe de protection" de l'élevage de plein air dont elles craignent l'"effondrement".

Dans le même temps, la Confédération paysanne et le collectif Sauve qui poule Poitou se sont eux  mobilisés contre l'abattage préventif de 3 000 poules et pintades dans un élevage bio à Largeasse (Deux-Sèvres), après la détection de cas de grippe aviaire dans un élevage voisin de canards. En signe de protestation, et sans les empêcher d'agir, une cinquantaine de personnes ont accueilli le convoi des services vétérinaires et des prestataires chargés d'appliquer la décision préfectorale.

Dans son entretien à France Bleu Périgord, Marc Fesneau a semblé lâcher du lest, en envisageant la possibilité de demander d'"un peu relâcher la pression" pour certains élevages de plein air, "de petite taille ou de taille modeste". Cela dépendra "des données scientifiques" et du "risque de contagiosité à d'autres élevages", précise-t-il, l'idée étant "d'améliorer les choses pour rassurer un peu les éleveurs".

4Quelles sont les potentielles conséquences pour les consommateurs ?

La situation "donne des frissons", a déclaré, mercredi, devant la presse le président de l'interprofession de l'œuf. Yves-Marie Beaudet alerte ainsi sur les menaces pesant sur la production nationale d'œufs. L'abattage des volailles fait en effet mécaniquement chuter la production et grimper les prix. Selon le calculateur de franceinfo, le prix de la boite de six œufs a déjà grimpé de 13% depuis septembre 2021.

Par ailleurs, les confinements à répétition entraînent la suspension des mentions de l'élevage de plein air dans les cahiers des charges de productions réputées, comme le canard à foie gras du Sud-Ouest ou les œufs de Loué.

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