Kyrielle, "enfant papillon" atteinte de microcéphalie
Près de Sedan, cette toute petite fille grandit peu à peu, malgré la maladie et le handicap. Un combat de tous les instants, porté par sa maman, Annabelle.
Lorsque nous franchissons le seuil de sa maison à Floing, un gros village aux portes de Sedan et de la campagne ardennaise, Kyrielle sourit de toutes ses dents. Ses yeux pétillent. "C'est une charmeuse", sourit Annabelle, sa mère. Dans ses bras, la fillette paraît minuscule : elle fait la taille d'un enfant de 2 ans à peine, elle en aura pourtant bientôt 4. Kyrielle souffre d'un grave retard de développement causé par une microcéphalie.
La maladie est entrée dans la vie d'Annabelle et de son mari Cédric il y a douze ans, bien avant qu'elle ne fasse parler d'elle avec l'épidémie de virus Zika. Le couple attendait son premier enfant, lorsque l'échographie a révélé une microcéphalie sévère. "Notre petit garçon avait une tête en pain de sucre. Il n'avait presque pas de cerveau. Il n'aurait sans doute pas survécu à l'accouchement. Et quand bien même, ce n'était pas une vie pour lui", raconte la jeune femme. Les médecins leur ont proposé de pratiquer un avortement thérapeutique. Et la future maman a dû mettre au monde un bébé mort-né. Annabelle a fait son deuil "très vite". Cédric, lui, s'est longtemps muré dans sa douleur.
"A la naissance, elle était très petite mais proportionnée"
Le jeune couple a surmonté cette épreuve. Pour ses trois grossesses suivantes, Annabelle a suivi un traitement à l'acide folique, et mis au monde trois garçons en parfaite santé : Marley, 11 ans, Bao, 8 ans, et Aloys, 6 ans. Cela n'a pas été le cas avec leur dernier enfant, Kyrielle. "Il y a eu une suspicion de microcéphalie pendant la grossesse, à sept mois et demi", raconte sa mère. Mais cette fois, Annabelle et Cédric ont fait le choix de garder le bébé. "A la naissance, elle était très petite, mais proportionnée. Le gynécologue obstétricien n'a rien vu, se souvient la jeune maman. Le lendemain, à l'échographie, on a vu qu'elle n'avait presque pas de fontanelle. Les os de son crâne étaient déjà presque soudés." Neuf mois plus tard, après une IRM, le diagnostic tombe : microcéphalie à gyration simplifiée.
Maman est nostalgique de moi a la naissance
Posté par La microcéphalie n'ai pas une fin en soi!! ma fille en est la preuve sur samedi 25 avril 2015
L'hémisphère droit du cerveau de Kyrielle, qui commande la partie gauche de son corps, ne s'est pas développé normalement. La fillette ne se sert donc pratiquement pas de ses membres gauches. Et une absence de tonus musculaire affecte en partie son corps. "Elle a énormément de besoins", résume sa mère. Depuis sa naissance, sa vie est donc rythmée par les rendez-vous médicaux. Trois fois par semaine, le kinésithérapeute fait travailler ses membres et ses muscles, et lui apprend à faire "ce que les autres enfants font naturellement".
Un peu avant ses 2 ans, Kyrielle est enfin parvenue à s'asseoir. Puis elle a commencé à ramper et à gambader à quatre pattes. Et depuis ses 2 ans et demi, elle se tient debout toute seule en se cramponnant aux meubles. Elle parvient même désormais à faire quelques pas mal assurés sur ses petites jambes raides, en prenant appui sur son trotteur.
Cc les amis tout d'abord je vous souhaite à tous bonne et heureuse année pleine de joie et de bonheur moi je la commence plutôt bien donc vous les papas et mamans gardé toujours espoir en nous car comme moi aujourd'hui je prouve que la patience paye un jour gros bisous à vous tous
Posté par La microcéphalie n'ai pas une fin en soi!! ma fille en est la preuve sur mardi 12 janvier 2016
Toute la famille a pleuré de joie lorsqu'elle a fait ses premiers pas. "C'était un grand moment et aussi la fierté du travail accompli. Ça m'a déjà fait beaucoup de bien quand elle a marché à quatre pattes. Ça m'a soulagée", glisse Annabelle, qui a des douleurs aux bras et au dos à force de devoir porter sa fille. La maman attend avec impatience "la prochaine grande étape" : "la marche". Mais, pour l'heure, Kyrielle "manque encore d'assurance".
La fillette a aussi une séance hebdomadaire chez une psychomotricienne, qui la force à se servir de sa main gauche et à faire travailler la partie droite de son cerveau. "Les connexions neurologiques commencent à se faire. C'est beaucoup de travail. Elle a du mal à se concentrer, on travaille ça aussi", poursuit Annabelle. A force d'exercices, Kyrielle se sert un peu plus de son bras gauche qu'elle laissait au début pendre le long de son petit corps. Et sa jambe gauche, légèrement plus courte que la droite, récupère également.
Les vocalises de Kyrielle ponctuent la conversation. La fillette ne s'exprime que par des sons, désignant de son index les jouets d'éveil qu'elle manipule avec plaisir. "Mais elle peut parler", déclare Annabelle, qui tapote régulièrement le bas du visage de sa fille pour en stimuler les muscles, et espère beaucoup de l'orthophonie. En attendant, elle lui enseigne les rudiments de la langue des signes.
A cause de l'hypotonie de sa bouche, Kyrielle bave abondamment. "Il faut la changer quatre à cinq fois par jour. Et, à force, la salive brûle les bavoirs et les vêtements. C'est irrécupérable." Alors sa grand-mère fabrique des bavoirs en serviette-éponge à tour de bras. Incapable de mâcher, Kyrielle mange encore des aliments liquides. "Ça commence à ne plus lui plaire. Elle refuse son biberon et veut manger comme nous."
"Ce n'est pas rose tous les jours"
Toujours pas propre, Kyrielle n'a pas pu aller à la maternelle. Et Annabelle a dû rester à la maison pour s'occuper de sa fille. La famille vit de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de l'allocation chômage de Cédric. Annabelle ne se plaint que du manque de moyens, des structures surchargées et des lourdeurs administratives. Elle vante la meilleure prise en charge du handicap en Belgique, au Canada ou aux Etats-Unis. Et surtout, elle attend qu'une place se libère à l'Institut d'éducation psychomotrice (IEPM) d'une commune voisine. Kyrielle est première sur la liste d'attente.
Parfois, je n'ai plus envie de rien faire...
"Ce n'est pas rose tous les jours", reconnaît Annabelle, qui se définit pourtant comme "une femme de caractère" qui "ne lâche jamais rien". "Parfois, Kyrielle nous rejette. Elle en a marre qu'on l'aide. Elle veut y arriver toute seule." Car la fillette "a son âge mental, elle comprend tout ce qu'on lui dit", assure Annabelle. "Mais, parfois, Kyrielle fait quelque chose qu'elle ne faisait pas avant et ça me rebooste. Parfois, c'est l'inverse. On est complémentaires. On ne fait pas grand-chose l'une sans l'autre. C'est beaucoup de contraintes, mais je n'y renoncerais pour rien au monde quand je vois l'évolution de ma fille."
Tandis que les deux chats paressent sur le plan de travail de la cuisine et que les deux gros chiens s'égaillent dans le jardin, Cédric occupe leurs trois garçons avec leurs consoles de jeux vidéo, dans le salon aux murs recouverts de photos de famille. "On ne leur cache rien", dit Annabelle, pour qui "une famille heureuse n'a pas de secrets".
"Dès qu'ils ont eu l'âge de comprendre, on leur a expliqué. Ils savent qu'il y a eu un grand frère qui n'est plus avec nous, et que Kyrielle a la même maladie mais en moins grave. Et quand ils voudront être pères, je leur en reparlerai." Quant à Kyrielle, Annabelle "l'élève comme ses frères" et "l'habitue au rythme scolaire". "Quand les grands vont à l'école, elle va à ses séances."
Kyrielle est suivie par un centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP), mais Annabelle garde une certaine défiance à l'égard du monde médical. Elle se souvient de cette neuropédiatre de Reims à qui elle a asséné : "Nous, on voit ce que nos enfants font. Vous, vous nous rabaissez en nous disant ce qu'ils ne font pas. Nous, on a de l'espoir. Vous, vous avez de la défaite. Je préfère garder espoir." Il y a aussi eu ce pédiatre qui lui a dit : "Le cas m'intéresse." Sans même appeler sa fille par son prénom. "Ma fille n'est pas une bête de foire", a répliqué la maman, outrée.
Contrairement à d'autres familles, Annabelle et Cédric n'ont pas voulu multiplier les examens médicaux pour connaître l'origine de la maladie. "On n'embête pas Kyrielle avec ça. Ça changerait quoi pour elle ?" Ils se demandent tout de même si le nuage radioactif de Tchernobyl qui a survolé la région quand Annabelle avait 6 ans n'aurait pas détraqué les gènes de la future maman.
"Nos enfants ne sont plus dans l'ombre"
Annabelle n'a pas honte du handicap de sa fille. Au contraire, elle le "revendique". Elle a ouvert une page Facebook au nom révélateur : "La microcéphalie n'est pas une fin en soi ! Ma fille en est la preuve." Elle y publie des photos et des vidéos des progrès de Kyrielle "pour montrer aux autres parents que, malgré la maladie, on peut faire de belles choses". "C'est la petite page du bonheur, dit-elle. On y met un petit bout de notre vie et ça aide beaucoup de monde."
C'est gratifiant d'arriver à faire relever la tête à certains parents.
Elle-même se souvient de certaines rencontres qui lui ont redonné espoir. Comme cette jeune femme étudiante en cinquième année de médecine, et pourtant atteinte de microcéphalie, qui lui a dit : "Si, comme ma mère, vous ne renoncez pas, votre fille ne baissera pas les bras."
Cc les amis voilà mes progrès je vous embrasse force et courage à tous
Posté par La microcéphalie n'ai pas une fin en soi!! ma fille en est la preuve sur vendredi 16 octobre 2015
Sur le réseau social, Annabelle retrouve les autres parents d'enfants atteints de microcéphalie : Nathalie, la maman de Vahina, Claire, celle de Timéo, Maud et sa petite Shana, Marion et Leïa, Cosette et Léonie. Et bien d'autres du Canada, du Japon, d'Algérie ou de Madagascar. "On a chacun notre histoire, chacun des enfants différents, chacun un type de microcéphalie. On s'échange des petits messages pour prendre des nouvelles. On se donne des conseils. On se remonte le moral, quand on voit que ça ne va pas."
Annabelle ne regrette pas son choix. "Ça ne sert à rien de rendre malheureux son enfant et son entourage. Du haut de sa maladie, Kyrielle, au contraire, met du baume au cœur." "Ça y est, maintenant, on parle de la microcéphalie. Nos enfants ne sont plus dans l'ombre", se félicite-t-elle. Elle les appelle les "enfants magiques" : de petites chrysalides qui font lentement leur métamorphose et deviennent des "enfants papillons". Cédric, lui, a voulu que le second prénom de sa fille soit Espérance.
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