Santé : on vous explique pourquoi les frais dentaires pourraient vous coûter plus cher à partir de cet automne
Une nouvelle qui passe mal. Le ministre de la Santé a annoncé, vendredi 16 juin, que la prise en charge des soins dentaires par l'Assurance maladie passera de 70% à 60% à partir du 1er octobre. Le ticket modérateur, la part des dépenses qui reste à la charge des patients, mais souvent prise en charge par les mutuelles, "passera de 30% à 40%". "Ce n'est pas une baisse du remboursement, mais une répartition différente", a déclaré à franceinfo Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Caisse nationale d’assurance-maladie.
Pour défendre sa mesure, le ministre de la Santé, François Braun, part en particulier d'un constat : "Le domaine des soins bucco-dentaires [est] historiquement tourné vers la réparation et le curatif". C'est pourquoi il veut mettre en place des rendez-vous de prévention plus réguliers pour les "jeunes générations (3 à 24 ans)". L'objectif est de parvenir "à des futures générations sans carie", précise-t-il dans son communiqué, "et de diminuer à long terme le recours de la population aux actes prothétiques et implantaires". Ainsi, défend-on avenue Duquesne, cette prévention doit permettre des économies pour les patients, car "une meilleure prévention engendre moins de dépenses, en termes de prothèses dentaires notamment".
"Des conséquences sur les cotisations"
Toutefois, ces dépenses ont un coût et l'assurance-maladie dispose d'un "budget contraint". Le ministère a donc décidé de faire porter cet effort financier, d'un montant de 500 millions d'euros, sur les mutuelles. A l'automne 2022, les parlementaires avaient pourtant adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023, qui décidait de mettre à contribution les mutuelles à hauteur de "seulement" 300 millions d'euros.
"Depuis l'automne 2022, des discussions régulières sont organisées entre le ministère, les complémentaires et la Sécu", stipule-t-on au ministère. Ce dernier précise que "les complémentaires ont été associées à tout le processus" et que ces dernières "ont fait part de leur envie d'investir plus sur ces questions de prévention". Le ministère l'a promis : ce changement "n'engendrera pas de coûts supplémentaires pour les assurés, ni pour les cabinets de dentistes", puisque "quasiment 97% des Français sont couverts par une complémentaire santé".
Du côté des mutuelles, cet effort financier s'avère toutefois difficile à avaler. "Cette décision aura mécaniquement des conséquences sur les cotisations", a réagi jeudi auprès de l'AFP Marie-Laure Dreyfuss, la déléguée générale du Centre technique des institutions de prévoyance. "C'est presque 2% de dépenses en plus remboursées par les mutuelles l'année prochaine", a abondé, vendredi sur franceinfo, Séverine Salgado, directrice générale de la Mutualité française, qui rassemble une bonne partie des mutuelles du pays. Or, "ces transferts auront nécessairement un impact sur les équilibres économiques des mutuelles", qui "contrairement à la Sécurité sociale, ne peuvent pas faire de déficit et sont aujourd'hui tout juste à l'équilibre".
"La facture finale" pour les patients "augmentera de fait", conclut vendredi sur franceinfo Séverine Salgado, qui estime "prématuré" d'essayer d'estimer la hausse que cela représentera pour les patients sur le prix de leur mutuelle. "A chaque fois que l'Etat nous transfère une charge, on l'intègre dans les cotisations de l'année suivante, à l'euro près", explique Fabrice Heyriès, directeur général de la MGEN, auprès de franceinfo. "Ce qui reste à déterminer, c'est la traduction de cette augmentation dans les chiffres.
"Cela ne s'arrêtera pas à ces 500 millions, car il y a d'autres décisions publiques qui vont intervenir, dont la revalorisation de la consultation chez le médecin généraliste."
Fabrice Heyriès, directeur général de la MGENà franceinfo
Le ministère soutient mettre tout en œuvre pour que les complémentaires santé ne répercutent pas ce surcoût sur leurs assurés. A cela s'ajoute la question des patients qui n'ont pas de mutuelle. Dans les catégories les plus défavorisées, cela concerne, "autour de 11 à 12%" des personnes, a estimé vendredi sur franceinfo Féreuze Aziza, chargée de mission assurance-maladie à France assos santé. Elle craint ainsi que beaucoup d'entre elles renoncent aux soins dentaires.
Des négociations en cours
Cette décision a été prise par le ministre de la Santé alors que des négociations conventionnelles sont en cours avec l'assurance-maladie et les chirurgiens-dentistes jusqu'au 24 juillet. "Ces discussions visent à ce que chacun des acteurs prenne une part plus importante dans le financement, notamment, de la prévention bucco-dentaire", précise le ministère. "Nous investirons de l'argent de l'assurance-maladie sur ces thématiques et nous voulons partager ces investissements avec les complémentaires santé."
"C'est la surprise du chef", regrette Pierre-Olivier Donnat, président du syndicat des Chirurgiens -Dentistes de France, contacté par franceinfo. "En plein milieu des négociations, on aurait pu envisager meilleure annonce. C'est un très mauvais signal pour la santé orale de nos concitoyens", ajoute-t-il, pointant également "une certaine incohérence de la part de l'Etat qui avait assuré se réengager dans la santé orale des Français."
Si, à l'issue de ces pourparlers, aucun accord n'était trouvé, un arbitrage devrait être effectué, à l'image de ce qui a eu lieu fin février avec les médecins généralistes. Elle a abouti à une augmentation de 1,50 euro des consultations.
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