Zika et syndrome de Guillain-Barré : le lien se confirme
Le syndrome de Guillain-Barré (SGB) est une atteinte des nerfs périphériques caractérisée par une paralysie progressive, débutant le plus souvent au niveau des jambes, et remontant parfois jusqu'à atteindre les muscles de la respiration puis les nerfs de la tête et du cou. La maladie provoque, dans 20 à 30% des cas une défaillance respiratoire et, dans les pays riches, environ 5% de décès.
Ce syndrome neurologique rare est observé à la suite d'autres infections virales (grippe, dengue, virus du Nil occidental...) mais également à la suite d'une infection bactérienne (moins d'une infection à Campylobacter sur mille).
L'implication du virus Zika dans de nombreux cas de SGB en Amérique du Sud avait été postulée par plusieurs autorités sanitaires. Pour trancher cette question, des chercheurs français ont analysé des données recueillies en Polynésie française entre octobre 2013 et avril 2014, quand une épidémie de Zika a touché les deux-tiers de la population
Le syndrome de Guillain-Barré (SGB), pouvant entraîner à la fois une paralysie des membres et une atteinte respiratoire, a été diagnostiqué chez 42 patients, dont 16 sont passés en réanimation pour avoir une assistance respiratoire. Aucun n'est mort.
2,4 cas pour 10.000 infections
"Le risque de développer un syndrome de Guillain-Barré a été estimé à 2,4 pour 10.000 infections par le virus Zika", note le professeur Arnaud Fontanet, responsable de l'unité d'Épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur à Paris, qui a coordonné l'étude publiée ce 1er mars dans la revue médicale The Lancet.
Avec plus de 1,5 million de cas d'infections par le virus Zika au Brésil, et plusieurs milliers ailleurs, dont déjà plus de 40.000 cas en Colombie, les auteurs de l'étude mettent en garde sur les risques de voir les capacités des services de soins intensifs dépassées, en particulier en dehors des cités urbaines.
"Dans les zones qui vont être touchées par l'épidémie de virus Zika, il faut penser, quand c'est possible, à renforcer les capacités en soins intensifs parce qu'on sait qu'un certain nombre de patients vont développer un SGB et parmi eux, 30% vont en avoir besoin, notamment pour une assistance respiratoire", a souligné le Pr Fontanet, dans un entretien avec l’AFP. L'épidémiologiste rappelle toutefois que, dans la grande majorité des cas, l'infection par le virus Zika, contre laquelle il n'existe ni vaccin, ni traitement curatif, est bénigne.
Des arguments très forts en faveur du lien de cause à effet
Le lien de cause à effet est appuyé par trois preuves : l'augmentation des cas du syndrome pendant l'épidémie polynésienne - leur nombre a été multiplié par vingt par rapport aux taux habituels - et les signes évocateurs d'infection Zika une semaine avant le début des signes neurologiques. Enfin, "on a retrouvé la présence récente du virus Zika chez 100% des patients atteints de Guillain-Barré" avec des tests sanguins à la recherche d'anticorps et "chez 93% de ces patients, ces anticorps étaient d'apparition récente".
Pour le Pr Fontanet, les liens sont aussi forts que lorsque l'on dit que "le tabac cause le cancer du poumon", même si l'étude ne permet pas d'expliquer le mécanisme par lequel le virus entraîne le syndrome neurologique.
Son équipe estime avoir écarté le rôle de la dengue dans la survenue de ces atteintes neurologiques. Les chercheurs relèvent également qu'une infection par la dengue dans le passé n'augmente pas le risque de faire un SGB parmi les patients infectés par le virus Zika. Une crainte qui a été exprimée, car les régions touchées par Zika le sont souvent aussi par la dengue.
La rigueur de ces travaux est saluée par plusieurs experts. "Cette étude fournit la preuve la plus convaincante à ce jour d'un lien causal entre l'infection par le virus Zika et le syndrome neurologique de Guillain-Barré", a ainsi déclaré Jeremy Farrar, directeur du Wellcome Trust en Grande-Bretagne. "L'ampleur de la crise qui se déroule en Amérique latine nous a tous pris par surprise, et nous devons être prêts à faire face à d'autres complications imprévues... dans les semaines et les mois à venir", a-t-il précisé.
D'autres chercheurs sont plus circonspects, jugeant que ces résultats ne peuvent être généralisés à d'autres régions touchées. "Il faudra encore beaucoup travailler avant que les mêmes conclusions puissent être étendues à l'épidémie Zika en Amérique du Sud", a ainsi jugé Peter Barlow, porte-parole de la British Society for Immunology.
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