Cet article date de plus de huit ans.

Le baclofène, efficace mais pas miraculeux

Plusieurs résultats attendus sur le baclofène ont été présentés ce 3 septembre dans un congrès à Berlin. Le traitement ne semble pas faire mieux qu'un placebo en terme d’aide à l’abstinence (avant ou après un sevrage). À doses élevées, il aiderait néanmoins à réduire de quelques verres la consommation des plus gros buveurs. L'intérêt clinique de ce traitement resterait donc limité, alors même que de nombreuses données relatives à ses effets secondaires n’ont pas encore été rendues publiques.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
 

Des données issues de quatre études sur l’efficacité du baclofène - dont deux françaises - étaient discutées ce week-end au Congrès mondial d'alcoologie, à Berlin. L'une de ces recherches, l'étude allemande BACLAD, avait déjà fait l’objet d’une publication en 2015. Des résultats très encourageants avaient alors été observés en terme d'abstinence. Toutefois, outre le fait qu’ils étaient comparables à ceux obtenus avec des médicaments existants, le faible nombre de participants à l’étude - 56 - rendait indispensable la conduite d’investigations plus rigoureuses.

La deuxième étude présentée, menée par des chercheurs néerlandais, portait sur des doses variables de baclofène (inférieures à 150 mg/jour). À ces doses, aucune différence significative n’a été observée en terme de maintien de l’abstinence après le sevrage, comparativement à un groupe soigné par placebo.

Deux études françaises ont été présentées lors du congrès. La première, conduite par le Pr Michel Reynaud, comparait l’administration (à des patients sans pathologies lourdes associées à leur alcoolisme) de doses élevées de baclofène (180 mg/jour) à celle d’un placebo. Là encore, les résultats obtenus ont déçu les attentes. En effet, aucune différence significative entre les deux groupes testés n’a été observée, ni en termes d’abstinence, ni en termes de réduction de la consommation d’alcool.

La seule différence statistiquement significative enregistrée concerne le désir compulsif d’alcool chez les plus gros buveurs (en moyenne, un verre quotidien de moins que dans le groupe témoin), ce qui fait dire au Pr Reynaud que le médicament "présente un intérêt clinique". Interrogé par Allodocteurs.fr, le chercheur estime que le nombre de participants (320, dont 130 ont interrompu leur participation à l’étude) était "trop faible" pour permettre d'obtenir des résultats solides. Il estime aussi que "l’attente générée par les médias à l’égard du baclofène" a pu décourager certains participants qui s’attendaient à un effet "miracle".

Les effets indésirables (somnolence, fatigue, insomnie...) sont apparus "plus fréquents sous baclofène", bien "[qu’]aucun problème grave n'a été enregistré".

Essai Bacloville : des résultats statistiquement significatifs

Durant le congrès de Berlin, des résultats préliminaires du très attendu essai "Bacloville" ont également été dévoilés. Cette étude a porté sur 320 malades (dont 102 ont quitté l’étude), sans sélection ni sevrage préalable, suivis en ville par des médecins généralistes. Les doses utilisées étaient ici supérieures à l’essai mené par le Pr Reynaud (jusqu'à 300 mg/j). Les données présentées montrent que le baclofène est au moins 15% supérieur au placebo en terme de diminution de la consommation jusqu’à des seuils définis comme "faibles" par les chercheurs (moins de 20 g d’alcool par jour chez les femmes, et moins de 40 g/j chez les hommes). Ces résultats sont statistiquement significatifs, mais sont comparables aux résultats obtenus avec les traitements existants.

Surtout, les données en terme de sûreté et d’effets indésirables ne sont pas encore publiées pour Bacloville, où les doses de médicament employées étaient particulièrement élevées. Les résultats d'une étude spécifiquement consacrée aux effets indésirables du baclofène sur l'ensemble des utilisateurs, commandée par l'ANSM à l'Assurance maladie, sont attendus fin 2016.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.