Dépenses de santé : quatre questions sur le doublement de la franchise médicale, envisagé par le gouvernement pour "faire des économies"
"Effectivement, on cherche à faire des économies." Le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, a annoncé vendredi 25 août que la franchise médicale sur les médicaments pourrait bientôt doubler. "La piste à l'étude est d'augmenter de 50 centimes" la franchise actuelle du même montant, "tout en tenant compte des situations les plus difficiles" parmi les patients, a-t-il déclaré sur France 2. En quête de recettes pour le budget 2024 et le financement de la Sécurité sociale, le gouvernement ne cesse d'évoquer cette possibilité parmi d'autres, déclenchant l'ire des représentants de patients et de médecins.
1Qu'est-ce qu'une franchise médicale ?
Les franchises médicales sont un reste à charge que paient tous les assurés sur chaque boîte de médicaments ou acte paramédical (kiné, soins infirmiers...). Il s'élève à 50 centimes d'euro par boîte ou par acte, ou à 2 euros par transport sanitaire. "La franchise ne s'applique pas aux médicaments délivrés au cours d'une hospitalisation, ni aux actes paramédicaux effectués au cours d'une hospitalisation, ni aux transports d'urgence", précise le site de l'Assurance-maladie.
Ces franchises sont plafonnées à 50 euros par an et par personne et concernent tous les patients, sauf les moins de 18 ans, les femmes enceintes ou encore les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire ou de l'aide médicale de l'Etat. "La franchise médicale n'est prélevée que sur les médicaments remboursés", rappelle également l'Assurance-maladie. Autrement dit, si vous achetez à la pharmacie une boîte de médicaments non prise en charge par la Sécurité sociale, vous ne payez pas cette franchise.
2Comment les patients paient-ils ce reste à charge ?
Les franchises médicales sont prélevées lors des remboursements faits par la Sécurité sociale après un règlement à la pharmacie ou après un soin. Par exemple : pour une boîte de 10 euros achetée en pharmacie et remboursée à 65%, on "vous remboursera 6 euros (6,50 euros - 0,50 euros de franchise)", détaille l'Assurance-maladie.
"En cas de tiers payant, si vous ne réglez pas vos médicaments ou vos soins, la franchise médicale sera déduite ultérieurement lors d'un prochain remboursement quel qu'il soit" ou devra être "réglée directement à l'Assurance-maladie", ajoute le site Ameli. Ces franchises ne sont d'ailleurs généralement pas prises en charge par les mutuelles.
3Pourquoi le gouvernement veut-il l'augmenter ?
Le gouvernement est en quête d'économies budgétaires pour 2024. "Ce qu'on souhaite, c'est garantir le financement de la Sécurité sociale" et "effectivement, on cherche à faire des économies", a reconnu Thomas Cazenave vendredi matin. "Depuis 2017, on a augmenté l'accès à la santé, aux lunettes, aux prothèses audio, aux soins dentaires... On continue à financer une santé accessible à tous, mais on doit aussi, en responsabilité, trouver parfois de nouvelles sources de financement pour garantir notre modèle", a fait valoir le ministre délégué aux Comptes publics.
Créée en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, cette franchise n'a pas vu son montant évoluer depuis. La doubler sur les médicaments, en passant de 50 centimes à 1 euro, pourrait rapporter de 500 à 600 millions d'euros dans les caisses de l'Etat, selon un calcul de Bercy, écrit Le Monde.
"Il ne s'agit évidemment pas d'empêcher les gens de se soigner", a déclaré mercredi la Première ministre sur France Bleu. Elisabeth Borne a assuré qu'elle voulait continuer de "protéger" les "personnes très vulnérables, très modestes" et les "patients qui auraient des affections de longue durée (ALD) ou chroniques". Mais la France consomme "plus de médicaments" que ses voisins, a-t-elle rappelé.
Cette probable hausse des franchises avait également été évoquée au printemps. La "quasi-gratuité" des médicaments peut conduire à "déresponsabiliser le patient", avait jugé en juin le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire.
Bercy envisagerait même d'aller plus loin et d'étendre la franchise aux dispositifs médicaux tels que les pansements ou béquilles, jusqu'alors exemptés, selon Les Echos. Autre option envisagée par le gouvernement pour augmenter ses recettes : doubler la participation forfaitaire qui s'applique aux consultations chez le médecin (de 1 euro actuellement à 2 euros).
Enfin, un possible doublement des plafonds annuels (50 euros actuellement) serait aussi à l'étude, poussant jusqu'à 1,5 milliard le gain annuel potentiel. "Cela paraît beaucoup, à première vue, mais rapporté au budget de la Sécu qui s'élève à 470 milliards d'euros de prestations versées chaque année, c'est une goutte d'eau !", nuance Nathalie Coutinet, économiste de la santé, auprès de Capital.
4 Qu'en pensent les médecins et les associations de patiens ?
Sur fond d'inflation et de crise du pouvoir d'achat, la piste d'une hausse des franchises médicales est périlleuse. "Encore une fois, ce sont les personnes malades qui vont trinquer, alors que la prise de médicaments n'est pas un choix, ni du confort, mais bien une nécessité absolue, voire vitale !", a réagi France Assos santé. L'organisation représentative des patients "s'oppose fermement à cette hausse du reste à charge et demande l'abandon de ce projet".
"Dans ces choix très politiques (...) on voit bien que ce n'est pas la santé publique qui compte", a abondé la présidente du syndicat de médecins MG France, Agnès Giannotti. S'attaquer aux franchises "est totalement inégalitaire" et revient à "faire payer les plus modestes, les plus malades". Si certains sont exonérés, comme les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, "tous ceux qui sont à peine au-dessus des seuils", déjà frappés par l'inflation, risquent de "renoncer aux soins", avertit-elle.
De son côté, le président de la branche des généralistes au sein de la Confédération des syndicats médicaux français, Luc Duquesnel, s'inquiète que la mesure ne vienne "aggraver les problématiques d'accès aux soins". "De telles augmentations contreviennent au principe même de la Sécurité sociale et à la vision de celle-ci (...) De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins", a pour sa part déploré la CGT.
"Je comprends" que "tout ce qui pèse sur le pouvoir d'achat" préoccupe les Français, a répondu sur RMC et BFMTV le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, mais "si on veut être responsabilisé, (...) il faut dire les choses [et savoir] par où augmentent les dépenses".
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