Obligation pour les laboratoires de stocker certains médicaments : "Nécessaire parce que les pénuries ont très fortement augmenté", alerte une économiste de la santé
Le décret est officiellement entré en vigueur mercredi. Les laboratoires doivent constituer un stock de sécurité minimal de deux mois pour tous les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, afin d'éviter les pénuries.
Nathalie Coutinet, économiste de la santé, enseignant-chercheur à l'Université Sorbonne Paris-Nord, a alerté vendredi 3 septembre sur franceinfo sur les conséquences pour les patients d'une pénurie de médicaments. Elle peut "mettre en jeu la vie des patients ou le confort de vie des patients", prévient-elle. Les laboratoires pharmaceutiques français doivent désormais faire des stocks de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, a annoncé l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Au moins deux mois de réserve pour lutter contre les pénuries. Autre solution, selon elle, "obliger les entreprises à multiplier les sites de production et à avoir des sites de production, par exemple en Europe".
franceinfo : Cette mesure était-elle nécessaire ?
Nathalie Coutinet : C'était nécessaire parce que les pénuries ont très fortement augmenté. Elles ont été multipliées par dix en dix ans et ces pénuries touchent des médicaments qui peuvent être absolument essentiels pour les patients. Il faut effectivement résoudre ce problème de pénurie et une des solutions, ce n'est pas la seule, c'est effectivement d'inciter ou d'obliger les grands laboratoires pharmaceutiques à stocker des médicaments pour faire face aux ruptures qui peuvent être liées, par exemple, à des problèmes dans des usines ou à des problèmes d'acheminement.
C'est une question de vie ou de mort ?
La vie peut se retrouver en danger ou le confort de vie du malade peut en être fortement altéré. Pour certains traitements, la maladie de Parkinson par exemple, il existe un traitement qui est vraiment efficace. Si ce traitement vient à manquer, on comprend bien que pour les patients, c'est un vrai problème.
"Ces médicaments thérapeutiques majeurs, c'est la moitié des médicaments."
Nathalie Coutinet, économiste de la santéà franceinfo
Ce n'est pas une petite partie des médicaments qui sont aujourd'hui disponibles et vendus en France. C'est vraiment une grosse partie.
Pour obliger les laboratoires pharmaceutiques à stocker, des sanctions financières sont prévues. C'est suffisant ?
Il faut essayer d'obliger les entreprises qui ne le font pas forcément naturellement parce qu'un stock pour une entreprise, c'est forcément coûteux. C'est un médicament qui a été fabriqué, mais qui n'est pas vendu, qui a coûté, mais qui n'a pas encore rapporté. Donc, il y a un coût. Et ces entreprises ne sont pas forcément disposées à immobiliser ces sommes pour une durée de deux ou quatre mois. Dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2020, il y a plus d'un an maintenant, il y avait cette proposition faite par les sénateurs, de faire des stocks de quatre mois de produits. Là, c'est deux mois. Cela a été divisé par deux. Et ça me semble presque un peu juste.
Quelles autres solutions préconisez-vous ?
Certains produits sont fabriqués dans très peu d'usines, voire dans une seule usine.
"Obliger les entreprises à multiplier les sites de production et à avoir des sites de production, par exemple en Europe, est un autre moyen de réduire ces ruptures."
Nathalie Coutinetà franceinfo
Toutes les ruptures n'ont pas la même cause. Mais dans certains cas, c'est le fait qu'il y ait une seule usine qui produit le traitement. L'usine va avoir un problème, et le médicament va se trouver en rupture. De multiplier les sites de production, cela peut être une des solutions possibles.
L'État doit être encore plus présent dans l'industrie pharmaceutique ?
L'Industrie pharmaceutique est déjà fortement réglementée par l'État et est rendue solvable par les organismes qui remboursent les médicaments. Donc, effectivement, l'intervention publique doit être forte parce qu'on n'est pas sur des produits traditionnels. Ce ne sont pas des téléphones ou des chaussures, ce sont des médicaments qui peuvent mettre en jeu la vie des patients ou le confort de vie des patients. Effectivement, la régulation publique est nécessaire.
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