Reportage "S'ils nous prennent pour des billes, on durcira la grève" : les salariés de Sanofi toujours mobilisés après l'accord pour la vente de Doliprane

L'État va entrer au capital d'Opella, qui produit le Doliprane, mais cela ne rassure pas les salariés de cette filiale de Sanofi à Lisieux. Ils envisagent de durcir leur mouvement.
Article rédigé par franceinfo
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La mobilisation continue devant l’usine Sanofi-Opella à Lisieux, dans le Calvados, le 21 octobre 2024. (LAURIANE DELANOE / FRANCEINFO)

Les 1 700 salariés d’Opella en France vont passer sous pavillon américain. Sanofi l’a officialisé lundi 21 octobre : le laboratoire entre en négociations exclusives avec le fonds d’investissement CD&R pour lui céder 51% de sa branche qui produit le Doliprane. Il s'agit d'un accord tripartite entre Sanofi, le fonds d'investissement américain et l'Etat français. Le gouvernement annonce que la Banque publique d’investissement (BPI France) va entrer au capital, à hauteur de 1 à 2%, pour avoir un droit de regard. Des engagements sont pris pour garantir le maintien de la production et de l'emploi en France. Mais ces promesses ne rassurent pas les salariés de l’usine de Lisieux, où est produit le Doliprane. Ils maintiennent leur mouvement de grève, malgré ces annonces.

Sous la pluie, à l'abri de barnums détrempés, les salariés de Sanofi restent visibles et mobilisés devant leur usine. Pour eux, il n'est pas question de renoncer. "Je suis en grève, tant qu'il y aura besoin", affirme Philippe, 37 ans d’ancienneté à Sanofi. Avec sa collègue Aurélie, opératrice depuis quatre ans, ils ne croient pas aux engagements du gouvernement et du fonds d’investissement américain. "Pour l'instant, on attend les accords et puis s'ils nous prennent pour des billes, on durcira la grève, on fera un peu plus de bruit tant pis"; assure Aurélie.

"Franchement, je trouve que c'est un peu du foutage de gueule, nous aujourd'hui, on veut le décret Montebourg, c'est-à-dire annuler la vente, c'est tout."

Aurélie, salariée de Sanofi

à franceinfo

"Ils vont nous garantir l'emploi et la localisation du Doliprane à Lisieux, reprend Philippe, mais pour combien de temps ? Parce que quand ils vont revendre - parce qu'ils vont revendre à un moment donné - qu'est-ce qu'il se passera ?" "Les investisseurs, leur seul but, c'est l'argent. Et dans cinq ans, ils feront quoi ? On fait quoi nous ? Ils font quoi de nous ?", s'interroge Aurélie.

"Pourquoi l'État serait écouté ?"

Et l’État ne pourra rien faire contre des licenciements ou une délocalisation, c'est ce que pensent tous ces salariés. Ils sont plusieurs dizaines à se relayer sur le piquet de grève et ils ont bien entendu la promesse du gouvernement et la participation de l'État au capital d’Opella, avec un siège au conseil d’administration de BPI France. Mais cela ne suffira pas, tranche Frédéric Debève, délégué central CGT : "2% ? Nous les salariés d'Opella, on représente 1,7% au capital. Donc pourquoi l'État serait écouté ? En fait, pour nous, c'est une plante verte, ça veut dire qu'ils ne vont pas avoir leur mot à dire, qui vont être juste spectateurs, comme nous on peut l'être, de la casse sociale qui va pouvoir être faite au sein d'Opella. En plus, le gouvernement n'arrête pas de changer, est-ce qu'il suivra vraiment le sujet ?", s'inquiète le syndicaliste.

Les ouvriers fabriquant le Doliprane espèrent encore que l’Etat s’engagera plus fortement, voire que Sanofi renoncera à la vente. Mais, en partie résignés, ils lancent désormais la suite de leur mouvement : une mobilisation pour défendre leurs conditions de travail et leurs acquis sociaux.

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