Mort cérébrale, mort clinique, coma végétatif… Que signifient ces notions ?
Il peut précéder l'annonce du décès de quelques heures, mais parfois de beaucoup plus longtemps. L'état de mort cérébrale a fait couler de l'encre ces derniers jours. Une jeune fille, victime collatérale d'un tir de kalachnikov à Marseille, a été déclarée dans cet état désespéré, avant l'annonce de sa mort, mardi 12 septembre. La semaine précédente, c'est un adolescent de 16 ans qui a été déclaré en état de mort cérébrale après une collision avec un véhicule de police à Elancourt (Yvelines). Le parquet de Versailles l'avait annoncé mort, avant de rectifier le lendemain. Il est finalement décédé après son transfert en Turquie, mardi.
De la mort cérébrale à la mort clinique, en passant par certains comas, ces états sont régulièrement mentionnés dans les médias, sans que l'on sache toujours à quoi ils correspondent réellement. Les conséquences peuvent se situer sur un terrain judiciaire, sociétal ou intime. Franceinfo fait le point sur ces différentes notions.
L'état de mort cérébrale, ou de mort encéphalique
Dans l'état de mort cérébrale, ou de mort encéphalique, "le cerveau est physiquement mort", avec des "lésions cérébrales totales et irréversibles", explique à franceinfo Philippe Charlier, médecin légiste et directeur du Laboratoire anthropologie, archéologie, biologie (LAAB) de l'université Paris-Saclay. Le diagnostic peut être posé après deux électroencéphalogrammes plats pendant une durée de trente minutes, réalisés à au moins trois heures d'intervalle, ou via un angioscanner, une méthode plus rapide. "En injectant un produit de contraste, on voit qu'il n'y a plus de vascularisation au niveau du cerveau. Cela engendre un œdème cérébral, précise le spécialiste. On peut alors prononcer l'état de mort cérébrale, qui recoupe l'expression de coma dépassé."
"Il peut y avoir l'illusion de la vie, car le cœur bat toujours."
Philippe Boxho, médecin légiste, auteur d'"Entretien avec un cadavre"à franceinfo
La pulsation cardiaque, un système réflexe, ne dépend pas du cerveau, à l'inverse de la respiration. "Ces gens doivent être ventilés, il faut une assistance respiratoire", poursuit-il. Cette oxygénation temporaire permet notamment de préserver les organes du patient le temps d'un éventuel prélèvement d'organes. Cet état peut durer de "quelques heures à parfois des mois", pointe Philippe Charlier. Mais "au bout d'un certain temps, la mort finit par s'installer", relève le médecin légiste. Des fonctions essentielles assurées par le cerveau, comme l'équilibre hormonal ou la tension artérielle, ne le sont plus correctement – malgré les soins – et cela provoque une "défaillance multiviscérale, qui aboutit à la mort cardiaque", ajoute-t-il.
"Au bout du compte, tout se résume à une simple vérité : le seul organe qu'on ne peut ni maintenir artificiellement, ni remplacer, c'est le cerveau", observait en mai Sam Shemie, spécialiste des soins intensifs pédiatriques à l'hôpital de Montréal, au moment de la présentation au Canada d'une définition harmonisée du décès, fondée sur le cerveau. Elle le décrit comme "l'arrêt permanent des fonctions cérébrales, caractérisé par l'absence de conscience et de réflexes du tronc cérébral, dont la capacité de respirer de façon autonome".
L'état de mort cérébrale peut être causé par un AVC, un traumatisme crânien lié à un accident, un suicide ou un homicide par arme à feu, ou encore une asphyxie sévère (étranglement ou pendaison).
La mort cardiaque, ou réelle et constante
Le décès d'une personne ne peut être constaté qu'après l'arrêt de son cœur. C'est la "mort cardiaque" ou "réelle et constante", résume Philippe Charlier. On parle aussi de "mort clinique", lorsque l'on constate l'absence de battements cardiaques, de mouvements musculaires, de respiration spontanée et de réflexes du tronc cérébral. "C'est la fin totale, on peut déclarer le décès d'un point de vue légal", indique le médecin légiste, alertant toutefois sur "les états de mort apparente". Ils peuvent être liés à "une hypoglycémie, une hypothermie, la prise de certains médicaments comme les bêtabloquants, ou encore une intoxication", mais sont réversibles.
"Définir la mort et poser le diagnostic de la mort n'est pas si évident que cela. Avec l'avancée des neurosciences, il est possible qu'on la redéfinisse encore, car les limites sont repoussées."
Philippe Charlier, médecin légisteà franceinfo
Si la personne n'est pas morte de mort naturelle, le passage d'un état de mort cérébrale à un état de mort cardiaque modifie les qualifications et chefs de poursuite dans une enquête. Dans l'affaire de l'adolescent de 16 ans décédé quelques jours après son accident avec un véhicule de police, le motif de l'information judiciaire ouverte pour "blessures involontaires par conducteur" devrait ainsi évoluer, une fois le certificat de décès transmis aux autorités judiciaires françaises.
Sur ce certificat de décès figure une case "existe-t-il un obstacle médico-légal à l'enfouissement ?" Si elle est cochée, l'officier d'état civil ne peut pas donner le permis d'inhumer. C'est généralement le cas lorsqu'il faut déterminer les causes de la mort, dans le cadre d'une enquête.
Les comas profonds, végétatifs ou post-anoxiques
Avant le coma dépassé, qui correspond à l'état de mort cérébrale, certaines personnes peuvent être plongées dans des comas profonds, qui précèdent plus ou moins rapidement le décès. Dans l'affaire Yvan Colonna, par exemple, le détenu corse avait d'abord été donné, dans les médias, en état de mort cérébrale après son étranglement par un co-détenu radicalisé. L'avocat de la famille, Patrice Spinosi, avait rectifié, parlant de coma post-anoxique, un type de coma consécutif à une privation d'oxygène dans le cerveau. "Ces comas sont à lésions cérébrales incomplètes. Lors des examens, on observe quelques zones de vitalité", détaille Philippe Charlier. Yvan Colonna a malgré tout succombé vingt jours plus tard.
Dans les comas dits végétatifs, l'individu souffre également de lésions cérébrales sévères, mais il se situe "quelques marches avant le coma dépassé", analyse le médecin légiste. "Quelques fonctions cérébrales peuvent être conservées, permettant par exemple une respiration spontanée ou un mouvement musculaire", illustre-t-il. Selon plusieurs experts, c'est l'état dans lequel se trouvait Vincent Lambert, mort le 11 juillet 2019 au CHU de Reims, après l'interruption des soins et plus de dix ans de bataille judiciaire. Certains de ses proches estimaient au contraire qu'il se trouvait dans un état pauci-relationnel, un état de conscience supérieur à celui d'"éveil non-répondant" (qu'on appelle état végétatif). Sur cette échelle des comas profonds, la question essentielle, selon Philippe Charlier, est de savoir si l'individu "est capable d'interagir ou non avec le milieu extérieur".
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