Mort de Naomi Musenga : l'opératrice du Samu renvoyée devant un tribunal pour "non-assistance à personne en danger"
L'opératrice du Samu de Strasbourg qui avait moqué au téléphone Naomi Musenga, une femme de 22 ans morte quelques heures plus tard à l'hôpital, en 2017, va être jugée pour "non-assistance à personne en danger", a annoncé le parquet à l'AFP, mardi 28 mai.
Elle est poursuivie "pour s'être abstenue volontairement de porter secours à madame [Naomi] Musenga" et il lui est reproché de "ne pas avoir respecté les protocoles" de prise en charge du Samu. Le juge d'instruction, en revanche, a décidé d'un non-lieu pour les charges d'"homicide involontaire". Le procès se tiendra le 4 juillet au tribunal judiciaire de Strasbourg.
Mère d'un enfant de 18 mois, Naomi Musenga est morte le 29 décembre 2017 à l'hôpital de Strasbourg, après avoir été prise en charge avec "un retard global de près de 2h20", selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales.
"J'ai très mal au ventre", "Je vais mourir...", soufflait Naomi lors de sa conversation avec l'opératrice du Samu, peinant à s'exprimer. "Oui, vous allez mourir, certainement, un jour, comme tout le monde", rétorquait la régulatrice, qui ne travaille plus au CHU aujourd'hui. Naomi Musenga avait parlé à la police, aux pompiers puis au Samu, avant d'être redirigée vers SOS Médecins.
"On est soulagés qu'il y ait une date"
Son décès avait soulevé une vague d'indignation nationale après la diffusion, quelques mois plus tard, de ses échanges avec l'opératrice, et soulevé la question du poids des préjugés racistes dans la prise en charge médicale.
Toutefois, il n'existe "pas de lien de causalité" entre la négligence dans la prise en charge par l'opératrice de la jeune femme et le décès de cette dernière, ont établi les expertises scientifiques réalisées dans le cadre de l'enquête. Naomi Musenga se trouvait "déjà au-delà de toute ressource thérapeutique au moment de l'appel" au Samu selon les experts, précise le parquet.
Une première expertise, dénoncée par sa famille, avait conclu à un décès consécutif à une "intoxication au paracétamol absorbé par automédication sur plusieurs jours". Mais une deuxième expertise avait réfuté ces conclusions, évoquant un accident vasculaire digestif ayant entraîné une hémorragie. L'avocat de la famille, Jean-Christophe Coubris, avait révélé en janvier avoir demandé une troisième expertise, qui lui avait été refusée.
"On est soulagés qu'il y ait une date, qu'il y ait une possible condamnation", a réagi Louange Musenga, la sœur de la victime. "Nous attendons cela, parce qu'il faut que nous passions à autre chose. Depuis plusieurs années, je n'ai pas eu de vie correcte, je ne pensais qu'à ça tout le temps." Elle a cependant regretté que l'opératrice soit la seule personne à être renvoyée devant un tribunal. "Il y a toute une chaîne de responsabilité qui n'a pas été pointée", a-t-elle estimé. Le rapport de l'Igas "soulève vraiment les dysfonctionnements graves qu'il y avait au niveau de l'hôpital".
Avocat de l'opératrice, Olivier Grimaldi a également regretté qu'aucune instance ne soit poursuivie. "Vu l'état psychologique de cette dame, on ne peut qu'être surpris qu'elle soit la seule mise en cause dans ce dossier", a-t-il réagi. "Beaucoup auraient dû faire face à leurs responsabilités, ne pas laisser une agente de catégorie C toute seule face aux faits qui se sont déroulés". L'affaire avait poussé le patron du Samu de Strasbourg à démissionner. La ministre de la Santé de l'époque, Agnès Buzyn, avait mis en place une formation spécifique obligatoire d'un an pour les assistants de régulation médicale.
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