"Détox", "bon pour les artères", "atout minceur" : l'ONG Foodwatch dénonce les promesses santé sur les aliments
Dans une enquête publiée jeudi 21 mars, l'organisation de défense des consommateurs passe au crible une vingtaine d'aliments affichant des allégations santé. Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France, dénonce un abus de "marketing".
Des thés "minceur", des margarines pour réduire le taux de cholestérol, des tisanes "détox", des infusions "anticancer"… Les rayons des supermarchés regorgent de ces produits aux étiquettes pleines de promesses qui clament haut et fort leurs bienfaits pour la santé. Une stratégie "marketing" bien rodée des fabricants que dénonce l'ONG Foodwatch, dans un communiqué publié jeudi 21 mars. Elle y épingle une vingtaine de ces aliments "aux vertus miraculeuses".
L'association de défense des consommateurs présente en cinq catégories les allégations santé exploitées par les industriels. Parmi ces "arnaques sur l'étiquette", les promesses de guérir le cancer sont "complètement illégales", rappelle l'ONG. Foodwatch dénonce une absence de réglementation dans l'utilisation de ces mentions par l'agroalimentaire, qui amène "trop de consommateurs" à tomber dans les pièges "tendus par trop de fabricants".
Mais alors, comment faire pour s'y retrouver parmi toutes ces allégations santé ? Qui est censé les encadrer ? Les industriels sont-ils dans leur droit quand ils apposent ce type de mentions sur un produit ? Franceinfo a posé ces questions à Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France.
Franceinfo : Qu'est-ce qui a amené Foodwatch à mener cette enquête ?
Karine Jacquemart : Foodwatch milite à la fois pour qu'il y ait davantage de transparence dans l'alimentation, mais aussi pour qu'elle soit saine. On se bat par exemple contre les effets de la malbouffe sur la santé ou contre les additifs comme E171 [le dioxyde de titane, un colorant dont le ministre de l'Economie a promis l'interdiction].
On s'est rendu compte qu'Unilever, Nestlé, Coca-Cola continuaient de vendre des produits alimentaires transformés mauvais pour la santé, et qu'il y avait même un problème de malbouffe.
Non seulement les géants de l'agroalimentaire en vendent beaucoup, mais on s'est aperçus qu'ils utilisaient du marketing pour faire croire aux gens que leurs produits avaient des bienfaits sur la santé.
Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch Franceà franceinfo
C'est pourquoi on a décidé de mener une enquête. On s'est dit qu'il serait intéressant de publier une étude sur les promesses de santé qui ne sont que du vent, pour alerter les consommateurs. Notre but, c'est d'envoyer un message fort à la fois à l'industrie pour changer ses pratiques et aux autorités pour mettre en place des règles de jeu beaucoup plus claires.
Y a-t-il un moyen d'encadrer ces allégations santé ? Si oui, à qui est attribué ce rôle ?
C'est la Commission européenne qui doit autoriser les allégations santé. Il y en a un certain nombre qu'elle a déjà autorisées et un certain nombre qu'elle a refusées. Le problème, c'est qu'il y a 2 000 allégations en attente depuis 2012 sur lesquelles elle n'a pas encore pris de décision. Il est tout à fait autorisé et légal pour les industriels d'utiliser les allégations santé, mais, pour nous, ce n'est pas honnête.
Ils profitent du fait que les règles ne soient pas assez strictes pour utiliser ces promesses santé dans tous les sens, dans le dessein de vendre plus de produits.
Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch Franceà franceinfo
Pourquoi la Commission européenne met-elle autant de temps à faire vérifier ces 2 000 allégations ?
On ne sait pas. On a publié cette enquête pour faire pression sur les autorités publiques et la Commission européenne afin qu'il y ait des règles claires. Car le marketing excessif, même quand c'est légal, ça suffit. Si on ne met pas de limite aux industriels, ce n'est pas eux qui vont en mettre.
Comment s'y prend-elle pour valider les allégations santé ?
Au début, c'est l'EFSA (Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) qui fait une évaluation et qui regarde s'il existe des études. Elle fait ensuite une recommandation auprès de la Commission européenne. Puis, c'est à cette dernière de prendre la décision.
Comment le consommateur peut-il savoir quelles sont les allégations santé autorisées ?
C'est impossible à savoir. Il y a une liste, mais il est très compliqué de comprendre les informations de la Commission européenne et d'y accéder. C'est assez opaque. Le consommateur ne peut donc pas vérifier sur l'emballage et, même s'il va sur le site de la Commission européenne – ce que personne ne va faire ! –, c'est incompréhensible. Quand on a mené notre enquête, notre experte a passé des heures à analyser ces données. Pour un consommateur lambda, c'est impossible.
S'il y avait une règle qui disait : "En attendant la décision de la Commission européenne, vous ne pouvez pas utiliser cette allégation", alors vous pourriez savoir que lorsqu'il y a une allégation sur un emballage, cela veut dire qu'elle est autorisée et que vous pouvez lui faire confiance. Mais les autorités ont choisi un système différent et opaque qui dit : "Tant qu'il n'y a pas de décision prise, vous pouvez utiliser ces allégations." En tant que consommateur, vous ne pouvez donc pas savoir si c'est autorisé ou si cela fait partie des allégations en attente. C'est complètement absurde.
Pouvez-vous me donner des exemples d'allégations santé autorisées ?
Les vitamines qui sont ajoutées dans les produits "antioxydants" et "vitalité", ce sont des allégations autorisées. Le problème, c'est qu'elles peuvent être utilisées sur des produits qui sont très mauvais d'un point de vue nutritionnel parce qu'ils contiennent trop de sucre.
Autre exemple, les promesses santé comme "contribue à réduire le cholestérol" avec les allégations sur les oméga-3 ou les stérols. Ce sont des allégations autorisées, mais pour que cela ait l'effet promis, il faut en manger quatre à six tartines !
Comment calculez-vous cela ?
Sur la matière grasse tartine et cuisson d'Auchan, il est indiqué qu'elle est riche en oméga-3. Sur la boîte, il est en effet écrit que "l'effet bénéfique est obtenu par la consommation journalière de 2 g d'acide alpha-linoléique". Pour la teneur en oméga, les fabricants disent que pour 100 grammes, il y en a 3,2 grammes. Donc, pour 10 grammes, si on fait le calcul, on en a 0,32 grammes.
Pour avaler deux grammes d'acide alpha-linoléique, qui est un oméga-3, il faudrait consommer 62,5 grammes de produit par jour.
Karine Jacquemart, directrice générale Foodwatch Franceà franceinfo
Et 62,5 grammes, c'est six tartines environ. Mais cela, par exemple, les fabricants ne le disent pas. Car c'est tout à fait légal, c'est une allégation qui est autorisée. Mais quand on la met dans le contexte de ces pâtes à tartiner, le résultat est aberrant.
Pensez-vous que la publication de cette enquête va changer les choses ?
On a lancé une pétition ciblant la marque Elephant parce qu'elle commercialise un produit où est écrit : "Détox, pas d'intox !". On l'a lancée ce matin, on verra si cela fait changer les choses. Mais il est difficile de lancer une pétition sur chacun des vingt produits. On a voulu envoyer un signal très fort et on a choisi Elephant parce que cette marque appartient à Unilever, le leader du marché. En outre, avec ce slogan, elle a donné le bâton pour se faire battre, parce que notre dossier explique justement que les promesses santé, c'est beaucoup d'intox !
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